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“L'Allemagne romantique” Dessins des musées de Weimar
au Petit Palais, Paris

du 22 mai au 1er septembre 2019



www.petitpalais.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 21 mai 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Maria Ellenrieder, Portrait en buste d’un jeune garçon, sans date. Craie noire et blanche recouverte de pastel sur papier. © Klassik Stiftung Weimar.
2/  Caspar David Friedrich, Paysage de montagne avec croix au milieu des sapins, vers 1804-1805. Plume et encre, lavis brun sur crayon graphite, encadrement au crayon graphite sur vélin. © Klassik Stiftung Weimar.
3/  Franz Innocenz Josef Kobell, Paysage idéal avec grotte, tombeaux et ruines au clair de lune, vers 1787. Craie noire, plume et encre brune et noire, lavis gris et brun sur papier. © Klassik Stiftung Weimar.

 


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Interview de Hermann Mildenberger,
professeur et conservateur au Klassik Stiftung Weimar, et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 21 mai 2019, durée 10'59". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires :
Hermann Mildenberger, professeur et conservateur au Klassik Stiftung Weimar
Gaëlle Rio, directrice, musée de la Vie romantique
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais




Le Petit Palais présente pour la première fois en France une sélection de 140 dessins, provenant de la riche collection des musées de Weimar en Allemagne. Ces feuilles d’exception, alors choisies par Goethe (1749-1832) pour le Grand-Duc de Saxe-Weimar-Eisenach mais aussi pour sa propre collection, offrent un panorama spectaculaire de l’âge d’or du dessin germanique de 1780 à 1850 environ.

À la fin du XVIIIe siècle, la ville de Weimar, résidence des ducs de Saxe-Weimar joue un rôle éminent en tant que centre intellectuel de l’Allemagne. Personnalité centrale de cette cour éclairée, Goethe y accumule de nombreuses responsabilités liées à la politique culturelle et y rédige la plupart de ses oeuvres. Collectionneur averti et dessinateur lui-même, il choisit pour le compte du Grand-Duc de très belles feuilles représentant toutes les facettes du dessin allemand.

À cette époque, la littérature, les arts plastiques et la musique connaissent de profondes transformations qui bouleversent leurs règles et leur pratique. Si le mouvement romantique n’a jamais eu de chef de file et s’il existe une grande disparité de styles, les artistes s’accordent à privilégier l’expression des passions et la subjectivité de leur vision. Cette période voit s’épanouir, chez un grand nombre d’artistes allemands, un génie du dessin qui s’impose comme l’expression la plus novatrice de la création d’alors.

Organisé autour de sept sections, le parcours de l’exposition suit un fil à la fois chronologique et esthétique. Outre les figures emblématiques de Johann Füssli, Caspar David Friedrich et Philipp Otto Runge, le visiteur découvre plus de trente-cinq artistes essentiels dans l’histoire du dessin : Tischbein, Carstens, Fohr, Horny, Schadow, Schinkel, Schwind, Richter ou encore les nazaréens, Overbeck et Schnorr von Carolsfeld, qui étaient portés par la spiritualité chrétienne et le sentiment national.

Les portraits et les scènes de genre, les représentations de châteaux en ruines, les compositions inspirées de la Bible et des légendes médiévales, mais surtout les paysages, abordés dans toutes les techniques, au service d’un style mêlant idéalisme et naturalisme, sont autant d’occasions d’illustrer la vie intérieure, intime et flamboyante des artistes romantiques, et de produire un frisson sublime chez le spectateur.






Le parcours de l’exposition :


# La collection de Weimar

Parmi le riche fonds graphique de la Klassik-Stiftung Weimar, constitué par Goethe pour sa collection privée et celle du duc de Saxe-Weimar, le Petit Palais présente pour la première fois une sélection de 140 feuilles d’exception, offrant un panorama spectaculaire de cet âge d’or du dessin allemand. Outre les figures emblématiques de Johann Heinrich Füssli, Philipp Otto Runge et Caspar David Friedrich, ce parcours propose au visiteur de découvrir plus de trente-cinq artistes essentiels à l’histoire du dessin : Tischbein, Carstens, Fohr, Horny, Schadow, Schinkel, Schwind, Richter ou encore les nazaréens comme Overbeck et Schnorr von Carolsfeld. Les portraits et les scènes de genre, les compositions inspirées de la Bible et des légendes médiévales, les représentations de châteaux en ruines, mais surtout les paysages, abordés à travers toutes les techniques, donnent à voir la diversité des talents, la variété des inspirations et le foisonnement des recherches formelles et esthétiques des artistes germaniques.

# Weimar, capitale artistique et intellectuelle
À la différence de la France où le pouvoir s’est traditionnellement concentré à Paris, l’Allemagne a longtemps été une mosaïque d’États souverains hérités du Moyen Âge. Résidence des ducs de Saxe-Weimar en Thuringe au nord-est du pays, Weimar devient un centre intellectuel sous la régence de la duchesse Anne-Amélie (1758-1775), puis sous le règne de l’éminent Charles-Auguste (1775-1828). Célèbre pour son château et sa bibliothèque, le patrimoine de Weimar réunit aussi les maisons des poètes Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) et Friedrich von Schiller, du compositeur et pianiste Franz Liszt ou encore du philosophe Friedrich Nietzsche. À l’époque de Goethe, puissant ministre et conseiller du duc Charles-Auguste depuis 1775, la littérature, les arts plastiques et la musique connaissent de profondes transformations qui bouleversent les règles et les pratiques. Si le mouvement romantique n’a jamais eu de chef de file et s’il existe une grande disparité de styles, les artistes s’accordent à privilégier l’expression des passions et la subjectivité de leur vision. À l’instar de l’époque de Dürer aux alentours de 1500, la période romantique, de 1780 à 1850 environ, voit s’épanouir un art du dessin qui s’impose comme l’expression la plus novatrice de la création d’alors.

# Johann Heinrich Füssli, le « Suisse sauvage »
Natif de Zurich, installé plus tard à Londres, Johann Heinrich Füssli (1741-1825) se révèle comme un des artistes européens les plus visionnaires de son temps. Destiné par son père à la théologie, il acquiert une solide formation artistique en copiant des chefs-d’oeuvre et en s’inspirant de la peinture d’histoire suisse. Il part à Rome en 1770 afin d’y acquérir la formation nécessaire pour devenir peintre. La découverte des sculptures colossales de l’Antiquité et l’art de Michel-Ange influencent son répertoire iconographique, constitué de héros athlétiques, de portraits et d’études d’expressions, révélant ainsi un sens maîtrisé du dessin. Füssli se passionne pour la littérature et la poésie et emprunte les principaux thèmes de ses tableaux et dessins aux poètes Homère et Dante, aux oeuvres de Milton et Shakespeare ainsi qu’à l’épopée allemande des Nibelungen. À la fois héritier du rationalisme du siècle des Lumières et adepte d’un style maniériste très personnel, il devient un précurseur du romantisme noir. Représentant majeur du Sturm und Drang (« tempête et passion »), génération d’artistes tournés vers les questions existentielles fondamentales – la réflexion sur soi, le doute, la solitude et la mort –, Füssli s’attache à la notion de sublime, et captive le spectateur. Il est reconnu comme un génie original, tant par l’abstraction de ses formes que par la nouveauté des sujets et l’intensité de l’émotion exprimée, si bien que Goethe fait l’acquisition de ses dessins dès 1775 pour la maison ducale de Weimar.

# Du classicisme au romantisme
Autour de 1800, coexistent en Allemagne différents courants artistiques marqués par un retour au passé. Le style néoclassique trouve ses racines dans l’Antiquité méditerranéenne tandis que le romantisme puise son inspiration dans le Moyen Âge, les légendes nordiques ou le mythe d’Ossian (poète écossais du IIIe siècle auteur présumé d’une épopée ayant inspiré peintres et musiciens avant qu’on ne découvre qu’il s’agissait d’une supercherie littéraire). Partisan convaincu de l’art classique à la suite de ses voyages en Italie, Goethe introduit en Allemagne ce goût de l’antique, ressenti comme un facteur d’unité pour un territoire morcelé. Asmus Jacob Carstens (1754-1798), élève de l’Académie royale des beaux-arts du Danemark et adepte rigoureux du classicisme, résiste pourtant aux contraintes académiques. Ses figures s’inspirant de la mythologie grecque, de Michel-Ange, ou illustrant l’univers de Dante révèlent une expression du sentiment proprement romantique. Directeur de l’Académie royale des beaux-arts de Naples de 1789 à 1799, Johann Tischbein (1751-1829) s’intéresse lui aussi à l’art antique, donne des cours de dessin à Goethe et encourage la jeune génération. Il favorise les correspondances entre la poésie et la peinture comme dans la série des Idylles. Philipp Otto Runge (1777-1810), prématurément disparu, a laissé derrière lui une oeuvre témoignant d’une réflexion théorique inachevée sur la conception métaphysique de la lumière et la symbolique des couleurs. Les célèbres Heures du jour, série de dessins allégoriques dont la gravure assure le succès et qui illustrent les moments de la journée, les saisons et plus largement les âges de la vie et les grandes périodes de l’histoire universelle, constituent un véritable manifeste du romantisme allemand.

# Une sensibilité nouvelle à la nature
Les paysages classiques qui allient la fidélité topographique à l’idéal fantasmé sont l’un des éléments essentiels de l’imaginaire allemand du début du XIXe siècle et annoncent les grands paysages romantiques. Paysagiste d’origine suisse, Adrian Zingg (1734-1816) découvre la beauté des panoramas saxons qu’il saisit de manière singulière au trait et au lavis d’encre de Chine grise ou sépia, explorant ainsi la gamme infinie du clair-obscur. Ses compositions fortement influencées par le XVI Ie siècle français et hollandais sont traitées comme des scènes de théâtre avec une suite de décors placés les uns derrière les autres, créant une impression de profondeur. Avec cette attention nouvelle portée à la nature et le traitement de la lumière en subtils dégradés, Zingg apparaît comme le précurseur de Caspar David Friedrich (1774- 1840). Sans doute le dessinateur le plus fécond de l’époque de Goethe, Franz Kobell (1749-1822) représente de nombreux paysages idylliques, composés de toutes pièces, qui possèdent une puissante dramaturgie narrative. Dans un style très délicat, annonciateur des atmosphères romantiques, sa palette se limite à une monochromie de gris ou de brun. Aux antipodes de ces vues arcadiennes, Wilhelm von Kobell (1766-1853), de l’école de Munich, affectionne les scènes de genre classiques, bourgeoises et intimistes, au charme discret, qu’il représente dans les vallées de Bavière. S’inspirant de l’art de la miniature, sa maîtrise de l’aquarelle est poussée jusqu’à un raffinement extrême.

# Caspar David Friedrich, maître du paysage
Peintre de paysages universellement reconnu, Caspar David Friedrich (1774-1840) pourrait incarner à lui seul le romantisme allemand. Né près de l’île de Rügen dans la mer Baltique, il se forme à l’Académie des beaux-arts de Copenhague avant de faire de Dresde sa cité d’adoption. Esprit solitaire et indépendant, il entreprend de nombreux voyages et randonnées dans des paysages sauvages, de sa terre natale aux montagnes des Alpes ou de la Bohème, qui exercent sur lui une profonde fascination. Particulièrement remarqué par Goethe à la cour de Weimar, Friedrich utilise les lavis bruns ou gris, inspirés du paysagiste Zingg, pour restituer l’inépuisable diversité de tons et de nuances de la lumière. Tous ses sujets, depuis les arbres dénudés jusqu’aux croix de cimetières, reposent sur des études minutieuses et approfondies d’après nature. Ces motifs sont retravaillés par l’artiste au moyen d’une ligne précise et subtile, jusqu’à revêtir une dimension symbolique complexe. L’absence de profondeur spatiale et de perspective linéaire crée une émotion propice à la méditation devant ces puissants paysages. Avec cette nature sublime qui s’impose dans sa splendeur et son immensité, des montagnes à la pureté céleste aux crépuscules mélancoliques, c’est la sensibilité de l’artiste qui s’exprime, à la fois intemporelle et patriotique, mystique et réaliste.

# Nouveaux regards sur la nature
L’Italie joue un rôle majeur dans la carrière de nombre d’artistes allemands, qui cherchent à renouveler leur inspiration en s’installant à Rome. Inspirés par la lumière méditerranéenne et la découverte de paysages permettant de s’évader des brumes glacées du Nord, comme dans les montagnes d’Olevano, Carl Fohr (1795-1818) et Franz Horny (1798-1824) portent un nouveau regard sur la nature. Coloristes confirmés, ils réalisent à l’aquarelle des oeuvres au tracé net et précis, tendant presque vers l’abstraction. Prématurément disparus, ils laissent un bref corpus de jeunesse, remarquable de fraîcheur et de charme. Avec ses amis peintres Johann Christoph Erhard (1795-1822) et les frères Reinhold – Friedrich Philipp (1779-1840) et Heinrich (1788-1825) –, Johann Adam Klein (1792-1875) arpente les paysages de montagne à la recherche de nouveaux sujets à saisir sur le vif. Outre les études esquissées durant leurs randonnées, ces artistes se représentent les uns les autres, laissant d’émouvants portraits dessinés témoins de leur amitié esthétique. Établi à Rome, Johann Christian Reinhart (1761-1847) sillonne la campagne du Latium en quête de nouveaux thèmes et développe un art du paysage idéalisé, d’inspiration arcadienne. Johann Martin von Rohden (1778-1868) s’intéresse à des vestiges antiques peu représentés, tandis que Johann Anton Ramboux (1790-1866) associe un sens de la ligne à une finesse chromatique tout aussi recherchée.

# Les nazaréens
Formée à Vienne en 1809, puis installée au couvent Saint-Isidore à Rome, la Confrérie de saint Luc, appelée ainsi en hommage à la corporation médiévale des peintres italiens, rassemble de jeunes artistes qui souhaitent créer un art porté par la spiritualité chrétienne et le sentiment patriotique, loin de toute contrainte académique. Organisés à la manière d’un ordre religieux au service de l’art et de la foi, ils sont surnommés « les nazaréens » par les habitants de Rome en raison de leurs tenues et de leurs coiffures évoquant celles des premiers chrétiens. Les thèmes puisés dans la Bible ou dans l’histoire et la littérature allemandes, comme l’épopée de La chanson des Nibelungen, sont particulièrement en faveur à cette époque de retour aux sources nationales. Les dessins de Franz Riepenhausen (1786-1831) marquent un intérêt pour l’art du Moyen Âge et de la Renaissance, idéalisé par la vision romantique, tandis que les scènes religieuses de Johann Friedrich Overbeck (1789-1869) ou de Wilhelm von Schadow (1789-1862) expriment une forme d’ascétisme restituée par un tracé d’une finesse et d’une précision extrêmes. Les portraits et les études de nus réalisés au crayon graphite par Julius Schnorr von Carolsfeld (1794-1872) révèlent eux aussi un style d’une grande rigueur, défini par la clarté du contour et un modelé léger et subtil. Dépouillés de toute sensualité et de toute subjectivité, ces dessins aux formes simplifiées acquièrent une profonde dimension spirituelle.

# Le romantisme tardif
Vers 1830, afin d’illustrer le rayonnement intellectuel et artistique de Weimar, le grand-duc réaménage les salons centraux du château de la ville pour rendre hommage à Goethe et Schiller. Pour la galerie dédiée à Goethe, l’architecte berlinois Karl Friedrich Schinkel (1781-1841) dessine des projets inspirés de l’Antiquité tandis que le peintre d’histoire Karl Josef Bernhard von Neher (1806-1886) fait référence à Faust, héros du conte populaire allemand repris par Goethe dans ses deux fameuses pièces de théâtre. Le grand-duc commande aussi à Moritz von Schwind (1804-1871), élève de Schnorr von Carolsfeld à l’Académie des beaux-arts de Vienne, le décor de son château mythique de la Wartbourg à Eisenach. Dessinateur de scènes de genre parmi les plus doués du romantisme finissant, Schwind réalise des études préparatoires à l’aquarelle d’une grande richesse chromatique en interprétant le passé médiéval germanique des contes et légendes. Alfred Rethel (1816-1859), Georg Emmanuel Opiz (1775-1841), Eugen Neureuther (1806-1882) mêlent également la veine légendaire et fantastique au registre historique. L’oeuvre tardif de Ludwig Richter (1803-1884) célèbre, lui, un idéal de vie champêtre. Ses pastorales imaginées dans une nature bucolique offrent l’image d’un bonheur simple et insouciant, loin de la vie citadine des débuts de l’ère industrielle. Grâce à la diffusion très large de ses illustrations aquarellées évoquant le monde de l’enfance et la nostalgie du paradis perdu, Richter s’impose comme le représentant le plus populaire de l’art romantique allemand.