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“David Solis & Marlov Barrios” article 2726
à la Maison de l'Amérique latine, Paris

du 24 mai au 24 juillet 2019



www.mal217.org

 

© Sylvain Silleran, présentation presse, le 23 mai 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  David Solis, Petit fromager, 2013. 65x50cm. ©DS.
2/  Marlov Barrios, Mimesis VI, 2019. Technique mixte sur papier, 35,5x28cm.
3/  David Solis, Pocotón, 2018. 120x120cm. ©DS.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Des troncs interminables, bien droits et verticaux sont alignés comme les barreaux d'une cage, surmontés de petits panaches de feuilles. La forêt de David Solis est dense, sombre, rythmée de fines rayures blanches d'écorce. Ses arbres sont les axes du monde, ils relient les deux fines bandes horizontales du sol brumeux et du ciel vaporeux. La jungle se présente à nous comme un mur solide, masse pleine, humide, faisant face au vide, l'espace dans lequel le spectateur la contemple.

Les trois toiles Monte alto alternent traits noirs et blancs comme une illusion optique, plein et vide interchangeables. Les arbres plantés dans un blanc neigeux semblent soudain être à l'envers comme chez Baselitz, devenant des troncs décharnés de sapins noirs se perdant dans le brouillard hivernal. Les trois Bejucos vont encore plus loin dans l'abstraction, les silhouettes flottante noires de bambou à l'élégance asiatique rivalisent avec un hiver finlandais où le blanc est aussi dense et lourd que des masses de fusain écrasé sur le papier.

Dans une alcôve, une vitrine conserve telle des reliques des esquisses dans de petits carnets à spirales, des aquarelles, des études sur carton qui côtoient des grosses graines, des fruits étranges séchés, des gousses comme des bijoux. Ces trésors de la forêt sont étudiés par Solis, mangés presque, nourriture spirituelle, carburant d'un imaginaire et d'une identité. La masse noire végétale enchevêtrée d'argent se fait animale dans une étincelance de poissons; la barrière verticale de troncs ou l'horizontalité du produit de la pêche jeté sur la plage sont deux murailles hautes et solides, vivantes.

Sa forêt est toutes nos forêts. Passé l'exotisme de palmiers, apparaissent bouleaux et sapins, nous commençons à y voir les paysages qui nous sont familiers, les arbres parmi lesquels nous nous sommes promenés. Il nous est rappelé l'intemporalité de la peinture, le temps qui se fige pour devenir présent éternel, tant sur le mur de Lascaux que dans un tableau contemporain.

Au rez-de-chaussée, Marlov Barrios a couvert les murs blancs d'une grande fresque. Armé d'un unique pinceau et d'un seul pot de peinture noire, l'artiste libère un trait noir qui serpente comme un animal, écrivant une calligraphie d'images et de symboles. Son dessin issu d'une transe semble un rêve de peyotl, un trip de chamane. Une masse dansante de plumes, d'écailles, de fourrure animale comme un magma, et émergent des pattes griffues, des gueules de fauves, des becs d'oiseaux, des queues de reptiles, des visages et des hommes. L'homme se confond avec le monstre et la divinité, à moins que ce ne soit la même chose. Il est indien et conquistador, cyborg, super héros.

La culture pop urbaine se mélange joyeusement aux traditions mayas. Star Wars et Chichén Itzá, les avions fonçant sur le World Trade center, une légende inca, tout se mélange puisqu'ici aussi la temporalité a été abolie. Une pyramide maya surplombe le pentagone, sur une autre repose l'Empire State building. Des masques de Dark Vador ou de Transformers sculptés en bois brut viennent renforcer cet aspect d'autel religieux, de culte ancestral ou futuriste.

Au centre, des grands autocollants multicolores forment une pyramide. Des décorations de bus, du ready made de bandes réfléchissantes découpées en escaliers et en flammes, des chevaux et des coqs, des mains jointes en prière et le fameuse langue des Rolling Stones font de ce culte une célébration des arts populaires, d'un quotidien rythmé par des chansons, par un flux d'images de télévision. Le combat du bien contre le mal, les vertus et la justice sont aussi bien incarnés par un animal mythologique qu'un luchador, par un guerrier indien qu'un robot extraterrestre.

La fraicheur de ce travail est aussi réjouissante que son humble universalisme. Barrios réussit, tout en honorant son héritage, à saisir le présent comme on marche sur les trottoirs de sa ville, écoutant et regardant, sentant et habitant, puis de cette pâte, façonner un futur, une drôle de pâtisserie de futur. Le klaxon d'un chicken bus trop pressé, le heavy métal qui surgit du fond d'un bar, un vieux comics, une relique dans un musée, une vieille indienne vendant des fleurs devant l'église, toute cette vie peinte sur ces murs d'un économe trait noir documente la mémoire de l'humanité. Son éternel recommencement se doit bien d'être joyeux, tant qu'à faire.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire : Christina Chirouze Montenegro



À l’occasion de la 6ème édition de la Semaine de l’Amérique latine & des Caraïbes – France, la Maison de l’Amérique latine à Paris inaugure deux nouvelles expositions qui placent l'Amérique centrale à l'honneur à travers deux artistes de deux différents pays et générations, David Solis, originaire du Panama, et Marlov Barrios, originaire du Guatemala. La nature est au coeur de la proposition de David Solis qui aborde le rapport oppressant entre l'homme et son environnement naturel. Marlov Barrios, quant à lui, définit son oeuvre comme une alliance syncrétique entre le monde maya, colonial et contemporain.



Lisières de David Solis

La nature que peint David Solis est une nature psychique, intériorisée. Les paysages naissent et se développent d’abord dans l’esprit de son auteur, avant de se répandre progressivement sur la toile. Ils l’envahissent de même que la nature tropicale colonise lentement, inexorablement, chaque centimètre carré de terre. Les arbres tendent leurs branches dans les airs à la recherche de la lumière, l’accaparant, sans même laisser au marcheur – minuscule être humain – entrevoir le ciel.

Troncs, feuilles, joncs, lianes, racines : autant d’éléments qui semblent enserrer le spectateur. Ces jungles primaires sont construites de fuseaux verticaux qui, par un jeu de perspective et de cadrage, sont étrangement semblables à des barreaux de prison. Par où respirer ? L’oeil du spectateur cherche un échappatoire. Il le trouve souvent dans une petite frange haute de la toile : le ciel gris ou bleu dans lequel se découpe la silhouette des arbres, et au loin, une étendue d’eau. L’Eldorado est tellement loin... ou ne serait-ce qu’un mirage ?

La technique de David Solis souligne son héritage académique : le graphite, la peinture à l’huile, le pastel. Sa maîtrise de formats d’envergure (une douzaine d’oeuvres mesurent plus de 100x100 cm) est une constante de son travail. Les petits formats, quant à eux, révèlent un goût pour le détail plus minutieux. Lisières rassemble une cinquantaine d’oeuvres (2008-2018) dans lesquelles la Nature prend une part quasi exclusive, et où l’empreinte humaine ne se lit qu’en filigrane. À ses forêts caractéristiques, se joignent des marines aux horizons étendus, des natures mortes, des semi vanités ou encore d’étranges poissons. Cette exposition est invitation à un voyage intérieur, entre mémoire et prophétie.



Mimesis de Marlov Barrios

La Maison de l’Amérique latine à Paris invite Marlov Barrios à réaliser, dans le cadre de la 6ème édition de la Semaine de l’Amérique latine & des Caraïbes, une intervention in situ qui recouvrira directement les murs de la Salle Asturias. Réalisée sans sketch préparatoire, cette oeuvre originale, et par essence éphémère, sera l’occasion de générer une réflexion sur l’empreinte du mimétisme, dans la nature, les rapports sociaux, l’Histoire de l’art. Marlov Barrios, spécialement venu du Guatemala pour l’occasion, réalisera cette oeuvre murale du 13 au 23 mai. Elle incluera, en plus de la peinture murale, quelques dessins et aquarelles sous cadre, ainsi que des sculptures en bois brut.

Dans l’univers pictural de Barrios, le temps, de même que les cultures, est syncrétique : ainsi, l’époque classique Maya s’entremêle au monde colonial baroque, qui, à son tour, se fond dans l’époque contemporaine aux influences nord-américaines, européennes, et même japonaises. A partir d’une vision formelle - jamais narrative ni descriptive - les oeuvres symboliques de Barrios traduisent à la fois la collusion et la cohabitation de ces trois univers. Il propose ce qu’il appelle “une archéologie de l’immatériel”, allant puiser dans l’ultra-contemporain des sources d’inspiration qu’il ramène à une pratique artisanale – comme la peinture à l’huile, les collages, le dessin à main levée ou la sculpture de bois.

Les oeuvres de Marlov Barrios interpellent le spectateur sur des sujets intrinsèquement guatémaltèques bien que nourris d’une réflexion sur la globalisation : les relations de pouvoir, le centre et la périphérie, la spiritualité et le matérialisme, le monde rural et le monde urbain, l’entremêlement de la tradition et de l’ultra modernité. Ses pièces soulignent la convergence, les mouvements. L’exode rural, le flux migratoire vers le Nord, impliquent des temporalités différentes qui affluent vers le présent et sont condamnées à agir les unes avec les autres.