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“Frans Hals” Portraits de famille
à la Fondation Custodia, Paris

du 8 juin au 25 août 2019



www.fondationcustodia.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition en avant-première avec Ger Luijten, le 6 juin 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Frans Hals (Anvers 1582/1583 – 1666 Haarlem), Enfants de la famille Van Campen avec une voiture tirée par un bouc (fragment), vers 1623-1625. Huile sur toile, 152 × 107,5 cm. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, inv. 4732.
2/  Govert Flinck (Clèves 1615 – 1660 Amsterdam), Enfant endormi, 1643. Plume et encre brune, lavis brun clair, 165 × 148 mm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 7368.
3/  Frans Hals (Anvers 1582/1583 – 1666 Haarlem), Portrait d’une famille néerlandaise, milieu des années 1630. Huile sur toile, 111,8 × 89,9 cm. Cincinnati Art Museum, Bequest of Mary M. Emery, Cincinnati (Ohio), inv. 1927.399.

 


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Interview de Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 6 juin 2019, durée 16'17". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

La Fondation Custodia propose deux expositions se faisant écho au premier étage de L’hôtel Lévis-Mirepoix. Frans Hals. Portraits de famille va permettre au public d’admirer des tableaux de ce célèbre peintre du Siècle d’or hollandais tels qu’il n’en existe pas dans les collections publiques en France. Elle réunit pour la première fois depuis deux cents ans les trois parties dispersées du monumental et séduisant Portrait de la famille Van Campen. Ces tableaux de Frans Hals rayonnent de la joie distillée par les frimouses des enfants. C’est ce qui a déterminé le thème de la seconde exposition que la Fondation Custodia est fière de dévoiler : Enfants du Siècle d’or offrant une sélection de tableaux et d’œuvres sur papier de sa riche collection.






Frans Hals. Portraits de famille

commissaires de l’exposition :
Lawrence W.Nichols, conservateur du Toledo Museum of Art
Liesbeth De Belie, conservatrice des Musées royaux des beaux-Arts de Belgique




Frans Hals (1582/1583-1666) est l’un des plus grands portraitistes du Siècle d’or hollandais et, avec Rembrandt, celui qui a révolutionné ce genre. Surtout réputé pour ses portraits individuels et ses grandes compositions représentant les membres de milices, il se distingue de ses confrères par une recherche du dynamisme et un traitement pictural si enlevé – empâtements, coups de brosse audacieux – qu’il forcera l’admiration des Impressionnistes.

Moins connus sont les portraits de famille que Frans Hals a produits. Seuls quatre sont parvenus jusqu’à nous et ils sont aujourd’hui rassemblés dans l’exposition Frans Hals. Portraits de famille. Une extraordinaire découverte scientifique est à l’origine de ce projet. Elle a été révélée par la restauration, achevée en 2016, du tableau de Frans Hals auparavant intitulé Trois enfants dans une charrette tirée par un bouc conservé à Bruxelles, aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Des surpeints appliqués au XIXe siècle le long des bords verticaux de la toile avaient jusqu’alors caché les fragments d’une jeune fille et de divers vêtements. L’élimination de ces repeints tardifs a permis de confirmer que le tableau faisait partie d’une plus vaste composition et d’établir un lien précis avec deux autres éléments de la toile d’origine : La Famille van Campen dans un paysage conservé au Toledo Museum of Art (Ohio, Etats-Unis) et un Portrait de jeune garçon en collection privée.

Pour la première fois depuis deux cents ans, les trois parties conservées du monumental portrait de famille, qui devait mesurer à l’origine près de 3,80 m de long, sont présentées côte à côte. L’imposant groupe familial révèle tout le talent de Hals : tandis que les échanges de regards et la gestuelle naturelle des Van Campen confèrent une extraordinaire spontanéité à l’ensemble, le rendu si fin des expressions faciales – presque toutes enjouées – des membres de la famille atteste combien le peintre était observateur et savait traduire de façon convaincante la présence et la physionomie de ses modèles.

Gijsbert Claesz van Campen (1585-1645) était un prospère “marchand de draps de laine” de Haarlem. Lui et son épouse Maria Jorisdr (1582-1666) commandèrent probablement à Frans Hals cette représentation de leur famille nombreuse pour célébrer le vingtième anniversaire de leur mariage.

Aucune source ne nous renseigne sur les raisons qui ont présidé à la division du portrait de famille, probablement au début du XIXe siècle. Une chose est sûre cependant : dans les années 1910, on ne savait plus qui étaient les modèles peints par Frans Hals. Le tableau aujourd’hui à Toledo était alors connu comme le portrait de la famille de l’artiste Jan de Bray (vers 1627-1679). La cause de cette erreur est évidente mais il fallut attendre 1970 pour que Seymour Slive – grand spécialiste de Hals – mette le doigt dessus : le nom de De Bray se trouve en effet sur la semelle de la chaussure droite de l’enfant assise au premier plan, à l’extrême gauche. Cette inscription est en fait la signature du peintre Salomon de Bray (1597-1664-, qui n’a ajouté au groupe que ce seul bébé, et ce en 1628, comme l’indique la date. Il s’agit indéniablement d’un enfant qui n’était pas encore né lorsque Frans Hals mit la dernière main à sa commande.

Cette réunion des enfants et des parents Van Campen était une occasion unique de présenter les trois autres portraits de famille connus de la main de Frans Hals. Dans le tableau du Cincinnati Art Museum (Ohio), qui date du milieu des années 1630, le peintre fait prendre à ses modèles de vives poses ; le jeu des mains et les sourires – si peu conventionnel dans l’art du portrait de l’époque – apportent une merveilleuse fraîcheur au groupe familial. Il contraste avec les attitudes et expressions plus posées que Hals a dû adopter pour les adultes à droite de la grande toile de la National Gallery de Londres. Il s’agissait sans doute d’une demande des modèles qui laissèrent toutefois au peintre le loisir de brosser les enfants et la nourrice dans la partie gauche du portrait d’un pinceau beaucoup plus enlevé. La touche magistrale de Hals, qui donne aux visages et aux vêtements une verve et un panache irrésistibles, était déjà reconnue et admirée à son époque.

Comme le tableau de Londres, celui du Museo Nacional Thyssen-Bornemisza à Madrid date de la fin des années 1640. Si le groupe représenté y est lus restreint, la composition est plus monumentale encore : les membres de la famille sont presque grandeur nature. L’échange de regards entre le mari et la femme, allant de pair avec leurs mains ostensiblement jointes, geste emblématique de fidélité matrimoniale, attire immédiatement sur eux l’attention. La force de leur union est soulignée par le dévouement manifeste de leur fille tandis ou leur fils, posant dans une attitude désinvolte, regarde le spectateur dans les yeux.

L’exposition a d’abord été présentée au Toledo Museum of Art (13 octobre 2018 – 6 janvier 2019) puis aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles (1er février – 19 mai 2019). Pour ces premières étapes, les deux musées ont chacun accompagné la présentation d’œuvres de leurs collections permanentes respectives.

En écho aux admirables toiles de Frans Hals, la Fondation Custodia présente quant à elle une sélection de dessins préparatoires pour les portraits de famille réalisés par des artistes hollandais et flamands du XVIIe siècle. Si l’on ne connaît pas de dessins de la main de Hals, ces œuvres sorties pour l’occasion des précieux albums de Frits Lugt, père de la Fondation Custodia, nous aident à comprendre les enjeux picturaux auxquels étaient confrontés les portraitistes lorsqu’ils devaient représenter un groupe familial. Ces feuilles forment la transition pour la deuxième exposition à découvrir dans la continuité de Frans Hals. Portraits de famille.






Enfants du Siècle d’or. Œuvres de la Fondation Custodia


commissaire de l’exposition : Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia




Protagonistes centraux des portraits de famille, les enfants sont aussi un sujet à part entière pour beaucoup de peintres hollandais et flamands du XVIIe siècle, sujet qui n’a pour notre œil moderne rien perdu de sa séduction. Tour à tour charmants, cabots, attendrissants, sages ou drôles, innocents, insupportables et bruyants, ces gamins du Siècle d’or forment une galerie étonnamment intemporelle.

Fritts Lugt, créateur de la Fondation Custodia, avait projeté une telle exposition sur laquelle il travailla tout au long des années soixante. Prévue pour être présentée en 1970, elle ne vit jamais le jour car cette même année, le grand historien de l’art devait soudainement décéder. Sa collection – qui forme le cœur du si riche fonds de la Fondation Custodia – reflète de l’intérêt de Frits Lugt pour la représentation des enfants en Hollande et des Flandres au XVIIe siècle. L’exposition rassemble dessins, gravures et tableaux et offre aux visiteurs un vaste panorama de la production artistique sur ce thème.

Les portraits individuels d’enfants sont à l’honneur : de la charmante Boucle d’or de Nicolaes Maes à l’iconique effigie de Hugo Grotius qui, du haut de ses seize ans, pose déjà un docte regard sur le monde, de la petite Jeannette (“jenneken”) en train d’écrire, dessinée à la sanguine par son frère Harmen ter Borch, au délicieux portrait que Hendrick Goltzius grave du fils d’un de ses meilleurs amis. Si ces trois derniers portraits représentent des enfants identifiés grâce aux inscriptions, de nombreuses effigies – comme celle peinte par Nicolaes Maes – demeurent bien souvent sans identification du modèle. En dépit de sa remarquable présence, le garçonnet immortalisé par la plume de David Bailly nous est inconnu, de même que cette élégante de douze ans que Jan de Braij a portraiturée en 1663.

La tête de fillette sur papier bleu du peintre flamand Cornelis de Vos est à mi-chemin entre portrait et étude d’après nature. Dans cette esquisse sans doute préparatoire à l’un de ses tableaux, l’excellent portraitiste qu’était De Vos nous y donne à voir son admirable talent de physionomiste.

Les artistes ont souvent représenté les enfants endormis. Le sommeil est bien sûr un état récurrent chez les tout petits et l’on ne s’étonne pas de voir Frans van Mieris dessiner Willem Paets, fils d’un des ses amis, dormant dans son berceau. Lorsque Govert Flinck, l’un des meilleurs élèves de Rembrandt, produit en revanche cette magnifique étude, sans doute exécutée sur le vif, d’un garçonnet assoupi, ce sont l’innocence et la vulnérabilité de l’enfance qui sautent aux yeux.

Rembrandt a lui aussi bien souvent dessiné et gravé des enfants qu’il montre généralement dans leurs interactions avec des femmes (mères, grand-mères, nourrices) ou bien sous les traits des jeunes apprentis de son atelier. Dans sa célèbre eau-forte représentant deux figures académiques, le maître a placé le fond de la composition un tout jeune enfant qui apprend à marcher dans un trotteur, détail qui valut plus tard son savoureux titre néerlandais à l’estampe : “le Totteur” (“Het rolwagentje”). Au premier plan, deux élèves de Rembrandt prennent la pose pour une séance de dessin d’après le modèle telle que le peintre devait souvent en organiser dans son atelier. Tandis qu’il dessinait directement dans le vernis recouvrant son cuivre, ses apprentis croquaient leurs camarades sur le papier. Cette estampe, Le Trotteur, est probablement une allégorie de l’apprentissage, mettant en parallèle les efforts des élèves de l’atelier s’exerçant au dessin et ceux de l’enfant apprenant à marcher.

Beaucoup de dessins produits par les élèves au cours de ces séances d’après le modèle nous sont parvenus, précieux témoignages de l’enseignement du grand maître hollandais. Plusieurs sont de la main de Constantijn van Renesse qui fit également le touchant portrait d’un de ses condisciples, dont les traits et le vêtement caractéristique des apprentis sont reconnaissables dans plusieurs œuvres de Rembrandt et de son atelier.

Outre ces feuilles bien connues, l’exposition offre également à voir de nombreuses œuvres jamais encore montrées de la collection et quelques nouvelles acquisitions. Le Savoyard de Karel Dujardin, acquis en 2018, est un rare tirage du premier état de cette célèbre eau-forte. Son titre, donné par les amateurs du XVIIIe siècle, indique que l’on y voyait l’évocation de la vie de ces petits saltimbanques que connaissaient toutes les cités d’Europe au XVIIe siècle. Le sérieux du petit musicien des rues fait contrepoint à l’espièglerie du joueur de tambour à friction qu’Adriaen van der Werff a dessiné de son pinceau nerveux. Cet instrument populaire, constitué d’un pot de terre cuite recouvert d’une vessie de porc à travers laquelle on faisait glisser un roseau, émettait un son grinçant qui accompagnait les enfants de porte en porte lors des fêtes hivernales de la Saint-Martin, des Rois ou du mardi Gras. Si le contexte festif n’est pas représenté, le regard pétillant du chenapan en dit long sur le plaisir qu’il éprouve à produire le bruit exaspérant de son “rommelpot”.

On pourra enfin noter la fraîcheur des tableaux présentés dans l’exposition : tout ont récemment été restaurés et ont retrouvé leur éclat. Beaucoup ont en outre reçu un cadre ancien du XVIIe siècle, suivant en cela une politique de conservation que la Fondation Custodia continue activement depuis plusieurs années sur l’ensemble de sa collection de peintures.

La restauration récente d’un portrait de femme a d’ailleurs permis de confirmer son attribution au peintre Jan van Noordt et, par ricochet, l’identification du modèle comme l’épouse de Jan van de Cappelle, peintre de marines et de paysages d’Amsterdam. Le musée historique d’Amsterdam a accepté de prêter son pendant : le Portrait de Jan van de Capelle permettant ainsi de célébrer cette découverte par une ultime réunion de famille.