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“Marian Plug” Peintures et œuvres sur papier
à la Fondation Custodia, Paris

du 8 juin au 25 août 2019



www.fondationcustodia.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition en avant-première, le 6 juin 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Marian Plug, Mer XIII, 2013. Huile sur toile, 100 × 110 cm. Collection de l’artiste. Photo : Pieter Boersma, Amsterdam. © ADAGP, Paris, 2019.
2/  Marian Plug, Migranet VI, 2010. Aquarelle, 270 × 285 mm. Collection de l’artiste. Photo : Henni van Beek, Amsterdam. © ADAGP, Paris, 2019.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Après avoir admiré au premier étage les extraordinaires portraits de famille de Frans Hals, la bruyante, joyeuse et espiègle énergie des familles nombreuses, on peut descendre les escaliers, faire avancer l'horloge jusqu'au vingtième siècle pour aller voir les paysages de Marian Plug. Loin des turbulences enfantines, du burin virtuose de Hendrick Goltzius, de la fraicheur adolescente de Jan Cossiers s'ouvre un espace silencieux, propre à une méditation solitaire, une promenade nous rappelant la quête d'innocence de Rousseau.

Des paysages peints dans une aquarelle d'une rare liberté saisissent des instants brefs comme des éclairs, des flashbacks. Collines espagnoles, paysages de Provence sont des évocations légères, des sensations de touffes d'herbes sauvages, des algues moites, des chaleurs de briques au soleil, des fragrances d'oliviers. La course des nuages sur Antibes comme un simple trait de feutre ou une vague se perdant sur le rivage dans un buisson violet de lavande nous emmènent vers l'abstrait.

Des fils de broderie, des rectangles verts olive, oranges, un cadre noir renfermant un soleil, des rayures grises : Marian Plug peint comme on ferait un collage, assemblant des impressions, des émotions. Trois bandes couleur de pêche, des petites formes parsemées, éparpillées comme des cailloux, des graines translucides semées se superposant forment un monde de souvenirs passés, présents et futurs. Les taches semblent un marc de café dans lequel il faut savoir lire non pas l'avenir mais un passé intime, une succession de voiles diaphanes, fragiles, qu'il faut retenir avant qu'ils ne s'effacent.

Sur ses toiles, des océans brisés en vagues fracassantes, des cascades blanches, des rivières aux courants cotonneux sont marqués par l'influence de Renoir et Monet. Dans ce néo-impressionisme une rivière turquoise serpente doucement entre deux rives, ondulant comme une silhouette de femme qui danse. Une mer indigo sur une plage tropicale de carte postale s'adosse à des montagnes noires; un lac aux reflets couleur d'herbe vient caresser un ciel de fleurs jaunes éclatantes comme des tournesols. Des branches d'arbres au feuillage de fourrure, pelage animal, sont baignées de lumière dorée. Dans un flou qui laisse place à la richesse de l'imagination, l'eau comme sujet central de la peinture de Marian Plug raconte ses histoires comme un éternel voyageur faisant un halte. Les rayons de lumière perçants des nuages de plomb pour venir bénir les montagnes de Zermatt se liquéfient en jets de vapeur.

L'eau aérienne, libre comme le vent, apportant la vie et la fertilité finit en arc-en-ciel dense, solide, bien plus réel que le paysage au milieu duquel il jaillit. Deux chemins se perdent dans le lointain, l'un s'enfonce dans une forêt automnale, l'autre s'élançant dans les nuages, sortant du cadre, sans doute vers le pays d'Oz de Dorothy. Sur un autre arc-en-ciel vient s'accrocher un panneau d'autoroute illisible, une destination résolument onirique. Rare présence humaine, une voiture roule seule sur l'autoroute. Les éclairages remplissent le ciel nocturne de soleils van goghiens, spirales luisantes mouillées de pluie à moins que ce ne soit le regard qui se trouble, embué d'émotions.

Ces deux univers de papier et de toile se complètent: d'un côté la lumière, l'air, le feu, la chaleur, de l'autre l'humidité, la fraicheur. Des éléments que Marian plug peint comme un alchimiste mélange ses potions, cherchant l'or... ou le trouvant au bord d'un ruisseau, comme on cueille un simple fleur.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire de l’exposition : Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia



Cet été, à côté des portraits de famille de Frans Hals, la Fondation Custodia présente l’œuvre de la peintre et graphiste néerlandaise Marian Plug (née en 1937). Les salles du sous-sol accueillent ses aquarelles et estampes de ces soixante dernières années, ainsi qu’un choix de vingt-et-une peintures à l’huile récentes.

La sélection d’œuvres faite pour cette exposition s’attache à l’évocation de la nature dans l’œuvre de Marian Plug. Des montagnes, des forêts, des rochers et beaucoup d’eau. Plug est une paysagiste romantique de son temps : elle utilise à peu près les mêmes ingrédients que Caspar David Friedrich il y a deux siècles, mais chez elle, ils sont davantage des formes picturales que des éléments porteurs de sens. Une plage le soir n’est qu’un prétexte pour rapprocher un bleu nuit froid d’un rose chaud. Un lac artificiel en contrebas est d’abord une forme bleu vif qui va s’éclaircissant. Un buisson, une explosion de jaune.

Et quand Marian Plug peint incidemment une autoroute la nuit, avec les voitures et des panneaux de signalisations, c’est, à ses yeux, un spectacle non moins romantique qu’un paysage de montagne ou une marine. « Une petite voiture bleue de ce genre, avec ses petits yeux rouges, ça a quand même un sacré charme suranné, non ? Cela a commencé par ces feux arrières rouge vif. Pour pouvoir les peindre, j’avais besoin d’une voiture […]. Et je voulais peindre le halo des réverbères dans l’obscurité quand il bruine. »

Marian Plug peint ses aquarelles directement d’après nature, souvent lors de vacances en France, en Espagne ou en Grande-Bretagne. Les tableaux, quant à eux, sont autonomes. Ils ont leur origine propre, inspirés ou non d’un souvenir. Ils sont recomposés plus tard en atelier, à partir de son imagination. « Quand je suis dehors, je ne peux pas réfléchir correctement », explique-t-elle. « Mon attention est captée par ce que je vois. C’est très différent de la peinture en atelier. »

Entre quatre murs, le tableau se détache du motif qui l’a inspiré. Pinceaux et pigments ont leur mot à dire. Les contrastes de couleurs sont arrivés. Les surfaces coulissent les unes contre les autres. Des parties disparaissent et apparaissent. Les arbres et les arbustes jaillissent de la peinture et non plus de la réalité. Des paysages mentaux qui, lointainement, restent liés à des lieux spécifiques et des souvenirs personnels, mais à peu près comme les rêves s’entretiennent avec la réalité.

D’un paysage du Midi de la France, il restera surtout une impression « d’été brûlant ». Un arc-en-ciel se tient comme une sculpture dans le paysage, « avec ses pieds plongés dans l’herbe ». Une vague se confond avec « une trompette d’écume dans une mer démontée ». Une haute cascade en Irlande devient un éclair de tonnerre blanc, qui brille encore quand le jour baisse.

« Je ne suis pas un peintre abstrait », affirme Plug, « j’ai besoin de la représentation. Mais je l’utilise. Par-delà la figuration surgit le tableau. »