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“Inédit(s)” dans la collection du CRP/
au CRP/, Centre régional de la photographie Hauts-de-France, Douchy-les-Mines

du 8 juin au 18 août 2019



www.crp.photo

 

© Anne-Frédérique Fer, voyage presse et vernissage, le 8 juin 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Philippe Timmerman, Portraits d’Université, Carole Dekindt : Etudiante à l’IAAL (Institut Agricole et Alimentaire de Lille), 1990. Coll. du CRP/. © Philippe Timmerman.
2/  Louise Oligny, Enfants du coron, Loos-en-Gohelle, 1993. Coll. du CRP/. © Louise Oligny.
3/  Anthony Haughey, Home, 1992. Coll du CRP/. © Anthony Haughey.

 


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Interview de Béatrice Andrieux, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Douchy-les-Mines, le 8 juin 2019, durée 13'00". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaire invitée : Béatrice Andrieux.



Avec Robert Bourdeau, Frédéric Cornu, Aris Georgiou, Marc Gibert, Anthony Haughey, Christian Meynen, Louise Oligny, Mary-Ann Parkinson, Philippe Timmerman, et un ensemble de portraits cartes de visite du 19ème siècle.

L’exposition Inédit(s) présente un ensemble de photographies de la collection du CRP/. Rassemblant neuf artistes venant de différents pays (Belgique, Canada, Etats-Unis, France, Grèce, Irlande), elle raconte une histoire composite aux expressions variées. À partir des 9 000 œuvres conservées, un choix s’est opéré sur des tirages inédits n’ayant jamais été exposés au CRP/.

Inédit(s) s’ouvre sur le projet Home d’Anthony Haughey autour de la communauté catholique de Dublin dans les années 1990. Premier travail artistique d’Anthony Haughey, Home retrace le quotidien de quatre familles d’ouvriers dans un pays ravagé par des années de récession économique. La réalisation de 1989 à 1991 des photographies a été rendue possible par le cousin d’Anthony dont il était proche. La série parle de religion, de chômage, de nationalisme et d’émigration. Haughey rappelle que « la seule issue était de quitter la pays pour s’en sortir ». L’exposition Home, produite par le CRP/ a été présentée à la Maison pour tous de Calais le 31 octobre 1991 mais n’a jamais été exposée à Douchy.

La découverte de la série Route Nationale 1 du photographe belge Christian Meynen commandée en 1991 par l’association du CRP/ dans le cadre de la Mission Photographique Transmanche, illustre les mécanismes de décision des membres du directoire de l’époque. Pour des raisons de « choix artistiques » la direction ne retient pas le projet de commande intitulé Itinéraire nationale 1 : Dunkerque Sud de Montreuil. À la lecture de la série qui évoque les mutations régionales liées au chantier du Tunnel sous la Manche, la maîtrise du sujet devient évidente. La conservation de ce corpus en noir et blanc par le CRP/ depuis des années, permet de redécouvrir un travail d’une grande rigueur, réalisé à la chambre pour de nombreuse prises de vues.

Inédit(s) est l’occasion de découvrir les portraits en noir et blanc d’enseignants et d’étudiants de Philippe Timmerman, alors jeune ingénieur en biochimie. Le protocole mis en place rappelle la rigueur de l’Ecole de Düsseldorf. Encouragé par une bourse du CRP/ en 1991, il réalise des portraits de chercheurs, d’agents administratifs et d’étudiants réalisés en 1989 à l’Université des Sciences et Technologies de Lille. Une partie de la série Portraits d’université composée de 40 tirages a été éditée par le CRP/ mais jamais exposée à Douchy. Utilisant un même mode opératoire pour les étudiants (devant un amphithéâtre) et pour les professeurs et employés (assis dans leurs bureaux), Philippe Timmerman, dans une forme de fulgurance, livre un document d’archive sur la vie universitaire.

La question du protocole reste centrale dans les portraits de Frédéric Cornu sur les plages du Nord. La série Balnéaires débutée en 1992 privilégie une démarche systématique où la frontalité et la constance, associées à un éclairage neutre, évacuent toute considération humaniste. A la manière des Becher, Frédéric Cornu cherche à établir des typologies sociales, sans nier l’identité de chaque personne. Dans cette perspective, son travail se rapproche de celui de Rineke Dijkstra. Archétype du groupe, chaque individu n’est qu’une partie d’un ensemble. De ces portraits, qui sont à la fois originaux et tous multiples d’eux-mêmes, naît le portrait type d’un groupe humain clairement identifié.

Dès la création du CRP/, les commandes sont nombreuses afin d’inciter les photographes à découvrir le territoire nordiste dont la lumière demeure un élément moteur pour les artistes. Pourtant, la notion de commande reste une épreuve solitaire comme en témoigne le travail de l’américaine Mary-Ann Parkinson. Réalisée en 1986, la commande représente une vingtaine de photographies destinées à être exposées à Denain. Intitulés Espaces, les tirages en noir et blanc évoquent la solitude de l’auteur face à la découverte d’un territoire. Mary-Ann Parkinson met en valeur les paysages en friche et les lumières tamisées d’intérieurs. Le regard mélancolique de l’auteur témoigne de ses interrogations sur les contraintes de la commande.

Une autre approche de la commande se donne à voir dans le travail de la francoquébécoise Louise Oligny. Fascinée par le destin et les histoires des personnes qu’elle photographie, elle s’attache à se rapprocher d’étrangers rencontrés à un moment précis de leur vie. Comme si chaque photo était une pièce d’un important casse-tête dont l’image finale serait l’être humain. Réalisés il y a plus de 25 ans, les tirages sont achetés par le CRP/ dans le cadre d‘un reportage sur les familles de mineurs après l’arrêt des exploitations minières.

La tradition du workshop reste un élément constitutif de l’histoire du CRP/ comme en témoigne celui organisé par le photographe français et immense coloriste, John Batho. Organisé en 1982, le stage « Couleurs du Nord » compte 14 photographes dont Marc Gibert. Le workshop a pour but la mise en valeur du territoire nordiste au travers de tirages en cibachrome. Conservées dans des boîtes et jamais exposées, les photographies tirées par Roland Dufau ont gardé leurs couleurs originelles. Le résultat est saisissant d’intensité comme en témoigne les travaux de Marc Gibert qui évoquent les couleurs franches du Nord, mélange de joie et de simplicité d’un territoire marqué par son histoire industrielle. Marc Gibert se joue de clichés avec une douce ironie.

Si les commandes ont marqué la création du centre, de nombreux dons ont étoffé la collection comme en témoignent les tirages du canadien Robert Bourdeau. En 1998, après avoir été accompagné par le CRP/ dans ses démarches auprès des sites industriels, Bourdeau offre en échange cinq épreuves d’artistes. Ces images d’une grande qualité, illustrent l’univers unique des sites industriels, vestiges d’une gloire passée où la présence fantomatique des hommes est figurée par la salle des pendus.

Fondateur du Festival International de Photographie de Thessalonique en 1988 « Photosynkyria », Aris Georgiou a débuté une collection de photographies dès 1987. Sa connaissance et sa passion pour le médium le pousseront à créer le Musée de la photographie de Thessalonique dont il deviendra directeur de 1998 à 2002. Sa rencontre avec l’équipe du CRP/ date de 1988 au moment où le Festival en Grèce est créé. Aris Georgiou est invité à découvrir le CRP/ et le territoire des Hauts-de-France en 1996. Il réalise un ensemble de tirages en couleur sur Douchy qu’il laisse dans les Collections en remerciement.

Enfin la découverte d’un ensemble de 14 portraits cartes de visites des années 1860 à 1889 dont un Disderi signé illustre la passion qui animait les membres de l’association du CRP/ pour le médium photographique. Dans les années 1850, l’arrivée de la technique du collodion humide permet d’avoir un négatif sur plaque de verre pour faire plusieurs tirages d’une même prise de vue. Avec les rapides avancées techniques de la photographie apparaissent également les studios de photographes ouverts par d’anciens peintres. Personnalités politiques et artistes se font prendre en photo et bientôt tous ceux qui veulent se faire portraiturer, principalement la bourgeoisie.

L’un des plus célèbres photographes de la moitié du XIXème André Adolphe Eugène Disdéri (1819-1889) dépose le brevet en 1854 pour un système permettant de prendre plusieurs photos sur une plaque. C’est au hasard d’une brocante que son directeur acquiert cet ensemble destiné à nourrir un axe de la collection autour du portrait.

Par la diversité des styles et des techniques utilisées, Inédit(s) met en lumière des fragments retrouvés qui par-delà les années retracent une histoire de la photographie depuis la création du CRP/.

Béatrice Andrieux, commissaire de l’exposition.


Béatrice Andrieux est commissaire indépendante et critique d’art. Elle a été invitée aux Rencontres d’Arles de 2017 pour l’exposition «Levitt France». Elle a été directrice du Festival Alt+1000 en Suisse en 2015. De 2011 à 2014, elle a collaboré à Paris Photo pour son arrivée au Grand Palais et à la création de Paris Photo Los Angeles pour ses deux premières éditions.