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“Berthe Morisot” (1841-1895)
au Musée d'Orsay, Paris

du 18 juin au 22 septembre 2019



www.musee-orsay.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 17 juin 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Berthe Morisot (1841-1895), En Angleterre (Eugène Manet à l’île de Wight), 1875. Huile sur toile, 38 x 46 cm. Paris, musée Marmottan-Claude Monet, Fondation Denis et Annie Rouart, legs Annie Rouart, 1993, n° inv. 6029. CMR 51. © Musée Marmottan Monet, Paris / the Bridgeman Art Library.
2/  Berthe Morisot (1841-1895), La Lecture (L’ombrelle verte), 1873. Huile sur toile, 46 x 71,8 cm. Cleveland Museum of Art, don du Hanna Fund, 1950.89. CMR 14. © Cleveland Museum of Art.
3/  Berthe Morisot (1841-1895), Jeune femme à sa fenêtre (Portrait de Mme Pontillon), 1869. Huile sur toile, 54,8 x 46,3 cm. Washington, National Gallery of Art, legs de Mme Ailsa Mellon Bruce, 1970, n° inv. 1970.17.47. CMR 18. © Image courtesy National Gallery of Art, Washington.

 


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Interview de Sylvie Patry, conservatrice générale,
directrice de la conservation et des collections du musée d'Orsay et co-commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 17 juin 2019, durée 14'14". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires :
Sylvie Patry, conservatrice générale, directrice de la conservation et des collections du musée d'Orsay
Nicole R. Myers, The Barbara Thomas Lemmon Senior Curator of European Art au Dallas Museum of Art
avec la participation de Lucile Pierret, chargée d’études documentaires pour la présentation au musée d’Orsay




Pour la première fois depuis son ouverture en 1986, le musée d’Orsay consacre une exposition à l’une des figures majeures de l’impressionnisme, Berthe Morisot (1841-1895). Ce sera aussi la première manifestation monographique consacrée à l’artiste par un musée national depuis la rétrospective de 1941 à l’Orangerie.

Née en 1841 dans ce que son ami Renoir qualifiait de « milieu le plus austèrement bourgeois », mais ouvert aux arts, Berthe Morisot affiche très tôt un goût de l’indépendance. Elle s’affranchit d’une pratique amateur, où la peinture est considérée comme un talent d’agrément, et affirme, à rebours des usages de son milieu, l’ambition de travailler en professionnelle. Ainsi, elle expose au Salon, manifestation officielle essentielle pour qui veut faire carrière, place des oeuvres sur le marché et, surtout décide de participer à la première exposition dite impressionniste de 1874. Elle est alors la seule femme à prendre part à cette manifestation et, l’une des rares avec Pissarro, qui restera fidèle à la stratégie de l’indépendance, c’est-à-dire au développement d’une carrière en marge des circuits officiels. Figure centrale du mouvement, elle participe à toutes les expositions du groupe, sauf celle de 1879, affaiblie par la naissance de sa fille Julie. Mariée à l’un des frères d’Edouard Manet, Eugène, Morisot travaille jusqu’à sa mort prématurée en 1895, laissant un ensemble d’un peu plus de 400 tableaux. Toute sa vie, elle a été au coeur des avant-garde artistiques et littéraires, engageant des échanges artistiques féconds avec Manet, Degas, Renoir, Monet ou Mallarmé pour ne citer que quelques noms.

Cette exposition veut marquer une nouvelle étape dans la diffusion et la connaissance de Berthe Morisot en proposant et suscitant de nouvelles approches, tout en déjouant les clichés d’une peinture « féminine » encore attachés à son oeuvre. Ainsi, le choix a été fait d’explorer une facette essentielle de sa création, les tableaux de figures et les portraits.

Dans l’édition de 1919 de son histoire des peintres impressionnistes, Théodore Duret distinguait les paysagistes et les peintres de figures. Morisot se range assurément dans cette dernière catégorie, aux côtés de Renoir, Degas ou Cassatt. Sur les 423 peintures répertoriées par le plus récent catalogue raisonné, 69,5 % sont donc consacrées à la figure, qu’il s’agisse de portraits, de scènes d’intérieur ou de plein air avec des personnages. C’est également la part de son oeuvre que l’artiste a choisi de montrer en priorité : de son vivant, on peut estimer qu’elle a exposé quatre-vingt-dix-huit tableaux de figures et portraits, contre trente-six paysages et trois natures mortes.

Pour Morisot, portraits et tableaux de figures sont autant de scènes de la vie moderne. Peindre d’après modèle lui permet en effet d’explorer plusieurs thématiques de la vie de son temps, telles que l’intimité de la vie bourgeoise de l’époque, le goût de la villégiature et des jardins, l’importance de la mode, le travail domestique féminin, tout en brouillant les frontières entre intérieur/extérieur, privé/public ou fini/non fini. Pour Morisot en effet, la peinture doit s’efforcer de « fixer quelque chose de ce qui passe ». Sujets modernes et rapidité d’exécution ont donc à voir avec la temporalité de la représentation, et l’artiste se confronte inlassablement à l’éphémère et au passage du temps.

Ainsi, les dernières oeuvres de Morisot, aux accents symbolistes, caractérisées par une expressivité et une musicalité nouvelles, invitent à une méditation souvent mélancolique sur ces relations entre l’art et la vie.

Souvent réduite à des scènes de la vie quotidienne, ces tableaux de figures et portraits se caractérisent au contraire par ce que la grande historienne de l’art américaine, récemment disparue, Linda Nochlin, appelait de « stimulantes ambiguïtés ». Ces « ambiguïtés », ce mystère, s’expriment tant du point de vue des modèles que des espaces mis en jeu et en scène et d’une technique audacieuse et énergique, qui vise à suggérer plutôt qu’à décrire. C’est à cette exploration qu’invitent l’exposition et le catalogue, à la fois en renouvelant le corpus et en croisant les approches.

Près de la moitié des tableaux réunis sont issus de collections particulières et certains n’ont pas été vus en France depuis plus de cent ans. Le parcours, chronologique et thématique, invite à s’interroger sur les sujets représentés (la mode, la toilette, le travail), qui traduisent en effet le statut de la femme au XIXe siècle, mais aussi sur la technique unique de Morisot (le plein air, l’intérieur, l’importance des espaces intermédiaires tels fenêtres, le fini). Ses tableaux sont une exploration de l’identité moderne que Morisot a délibérément voulu ambiguë, en équilibre fragile, à la fois paisible et intranquille, limpide et mystérieuse, mais toujours exigeante et profondément novatrice. L’exposition mettra ainsi en valeur les choix, la détermination sans faille d’une artiste qui affirmait dès l’âge de vingt-ans ne pouvoir obtenir son indépendance « qu’à force de persévérance et en manifestant très ouvertement l’intention de [s]’émanciper ».