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“Mondrian Figuratif” Une histoire inconnue
au musée Marmottan Monet, Paris

du 12 septembre 2019 au 26 janvier 2020



www.marmottan.fr

 

© Pierre Normann Granier, présentation presse de l'exposition, le 11 septembre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Piet Mondrian, Clocher en Zélande, 1911. Huile sur toile,114 x 75 cm. © Kunstmuseum Den Haag, The Hague, the Netherlands.
2/  Piet Mondrian, Grand Paysage, vers fin 1907-1908. Huile sur toile, 75 x 120 cm. © Kunstmuseum Den Haag, The Hague, the Netherlands.
3/  Piet Mondrian, Dévotion, 1908. Huile sur toile, 94 x 61 cm. © Kunstmuseum Den Haag, The Hague, the Netherlands.

 


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Interview de Marianne Mathieu,
directrice scientifique du musée Marmottan Monet et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 11 septembre 2019, durée 12'26". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Marianne Mathieu, Directeur scientifique du musée Marmottan Monet



La peinture figurative de Piet Mondrian (1872-1944) est longtemps restée méconnue. Pourtant, celui qui se distingue aujourd’hui comme le plus important collectionneur de l’artiste, Salomon Slijper (1884-1971) s’est passionné pour cet aspect longtemps oublié de son oeuvre. Ayant rencontré le maître aux Pays-Bas où il se réfugie pendant la Première Guerre mondiale, ce fils de diamantaire d’origine amstellodamoise réunit un ensemble unique de peintures et de dessins de l’artiste avec lequel il se lie d’amitié. Mondrian procède lui-même à la sélection d’une suite représentative de sa production exécutée entre 1891 et 1918, enrichissant l’ensemble de quelques pièces abstraites ultérieures ; les majorités des acquisitions ayant lieu entre 1916 et 1920. Le soutien que Slijper apporte au peintre est de taille. Plus encore, il change sa vie. À une époque où Mondrian ne parvient pas à vivre de son travail et fait des copies au Rijksmuseum pour joindre les deux bouts, les achats en nombre de son récent mécène lui ouvrent de nouvelles perspectives et lui permettent de financer son retour à Paris en juin 1919.

Le devenir de la collection de Salomon Slijper n’est pas sans rappeler l’héritage de Michel Monet qui est l’un des fleurons du musée Marmottan Monet. Comme le fils de l’impressionniste, Slijper est resté sans enfant. Comme ce dernier, Slijper a institué un musée – le Kunstmuseum de La Haye (anciennement Gemeentemuseum) – son légataire. Comme le fonds Monet présenté dans l’hôtel particulier de la rue Louis Boilly, la collection Slijper constitue le premier fonds mondial de l’oeuvre de l’artiste. Musée de collectionneurs ayant vocation à apporter un éclairage sur le rôle des amateurs dans la vie des arts, le musée Marmottan Monet a noué un partenariat exceptionnel avec le Kunstmuseum de La Haye pour organiser une exposition totalement inédite rendant hommage à Slijper et au Mondrian figuratif à travers la présentation de peintures et de dessins majeurs provenant exclusivement de la collection de l’amateur.

Du 12 septembre 2019 au 26 janvier 2020, près de soixante-dix Mondrian orneront les cimaises de l’institution parisienne. L’exposition se distingue par le nombre et la qualité des toiles estampillées chefs-d’oeuvre par le musée de La Haye. Des 67 Mondrian présentés, la moitié voyage pour la première fois à Paris. Les autres sont tout aussi rares : 12 % n’y ont pas séjourné depuis un demi-siècle, 20 % depuis près de 20 ans. Jamais vu à Paris depuis près d’une génération, l’accrochage crée en soi l’événement. Un événement unique à plus d’un titre puisque certaines pièces phares sont déplacées pour la dernière fois en raison de leur fragilité. C’est le cas de l’iconique Moulin dans la clarté du soleil (1908). L’exposition de Marmottan offre ainsi une ultime opportunité de le découvrir à Paris avant son interdiction définitive de prêt.

Composition N° IV (1914) est présenté en ouverture. Première oeuvre acquise par Salomon Slijper, elle est aussi l’une des exceptions jalonnant le parcours puisque purement abstraite. L’acquisition d’une peinture récente fut sans doute un pré requis pour mettre l’artiste en confiance. Mondrian sera dès lors heureux de céder ses toiles « naturalistes » à Slijper qui s’impose sans délai comme son mécène le plus fidèle. Faisant pendant, un lièvre mort de 1891 souligne les liens qui unissent Mondrian à la tradition hollandaise à travers le genre de la nature morte. Pièce la plus ancienne de l’exposition – le peintre n’a que 19 ans quand il la signe – elle ouvre le parcours qui suit : chronologique et à dominante figurative.

La première section regroupe des paysages peints entre 1898 et 1905. Ce sont des vues de la région du Gooi à l’est d’Amsterdam, où l’artiste et le mécène résident un temps et se fréquentent. Ces oeuvres qui décrivent des lieux connus des deux hommes illustrent les talents précoces de Mondrian : dessinateur hors pair et maître du clair obscur. Les thèmes choisis tout autant que l’attention portée au rendu de l’atmosphère le rattache à l’école de La Haye. Il est encore un héritier des « classiques ». Pourtant, la rapidité de son évolution, son renouvellement ininterrompu frappent. Bien que le peintre se limite à quelques thèmes – le moulin, l’arbre, la ferme, la fleur et le portrait – aucune oeuvre ne se ressemble. Il se réinvente sans cesse. Ainsi, le parcours est-il placé sous le signe de la diversité, du contraste et de la surprise.

Considérant que « les couleurs de la nature ne peuvent être imitées sur la toile », Mondrian aborde dès 1907 un tournant moderne privilégiant les aplats et les contrastes colorés poussés à l’extrême. Moulin dans le crépuscule (1907-1908) explore – à travers des registres aux tonalités franches : jaune, bleu, vert – une poétique de la peinture. Avec Bois près d’Oele (1908) l’artiste passe un nouveau cap. Lignes courbes, arabesques et couleurs irréelles confinent au mystique. Membre de l’association théosophique, Mondrian se dépeint alors tel un illuminé. Trois autoportraits inédits le montrent à l’âge trente-six ans, cheveux longs, barbe noire et le regard pénétrant des êtres habités. Devotion (1908) – qui fait l’affiche de l’exposition – témoigne par le biais du portrait d’enfant de la portée spirituelle de son oeuvre. Certaines des toiles les plus illustres du maître lui font face. Marquées par l’exemple des fauves et des divisionnistes Moulin dans le crépuscule, Dunes ou Arum (1908-1909) se font de plus en plus rayonnantes et vibrantes. Deux critères propres à définir la beauté d’une toile selon Mondrian.

La spectaculaire église rose de Domburg (Clocher en Zélande, 1911) et le monumental Moulin rouge (1911) éclatant sur un fond bleu profond exaltent les couleurs pures vers 1911. La géométrisation des formes des deux monuments annonce l’abstraction. Au même moment, Mondrian réinterprète d’ailleurs le cubisme de Braque et Picasso dont il adopte la palette ocre – gris comme le montrent Arbre gris (1911) et Paysage (1912). Figuration et abstraction se font également face dans la section suivante. Trois exceptionnels grands formats représentant à l’huile et au fusain le moulin de Blaricum (1917) où réside Slijper et Ferme près de Duivendrecht (1916) reprenant un motif de jeunesse visible dans la première section tranchent avec trois toiles purement abstraites de 1914.

Terminant le parcours et en guise de conclusion, un autoportrait de Mondrian posant devant une toile abstraite en damier (1918) fait face à une oeuvre du même genre : Composition avec grille 8 : composition en damier aux couleurs foncées (1919) que Slijper acquiert l’année de sa création. Les oeuvres se font écho autant qu’elles font contraste : les couleurs vives – rouges et bleus – étant réservées exclusivement à la peinture en damier tandis qu’un camaïeu de bruns suffit à la représentation « naturaliste » du peintre dans son atelier.

En épilogue, Composition, toile néoplasticiste de 1921 voisine avec six tableaux de fleurs exécutés entre 1918 et 1921 : chrysanthèmes, roses et arums. La juxtaposition de ces oeuvres achève de démontrer que l’évolution de Mondrian est plus complexe qu’il n’y paraît. Elle ne peut se définir comme un strict passage de la figuration à l’abstraction ou du noir à la couleur. Au contraire, le naturalisme reste et demeure une constante de l’oeuvre de Mondrian, l’érigeant au rang – méconnu et pourtant essentiel – de grand maître de la peinture figurative du XXe siècle.