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“Mélodie Mousset” L’épluchée
au Centre culturel Suisse, Paris

du 27 octobre 2019 au 2 février 2020



www.ccsparis.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Mélodie Mousset, le 25 octobre 2019.

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1/  2/  3/  Mélodie Mousset, Intra Aura, 2012- 2018. Photo du film, Courtesy de l’artiste.

 


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Interview de Mélodie Mousset,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 25 octobre 2019, durée 30'57". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire de l’exposition : Claire Hoffmann



Mélodie Mousset (*1981, Abu Dhabi, vit à Zurich) utilise son propre corps pour cartographier, indexer et narrer un « soi » qui semble en métamorphose permanente, lui échappant dès qu’elle cherche à en prendre possession. Elle s’intéresse aux processus d’individuation biologiques, techniques, culturels, individuels et collectifs qui forment le corps. Ces questions anthropologiques et philosophiques prennent forme dans des vidéos, sculptures, installations, performances ou de la réalité virtuelle. Elle s’approprie des technologies de visualisation médicales (IRM, impression 3D), les met en rapport avec des rites chamaniques et les combine avec un travail plastique.


Le film Intra Aura, initié en 2012, est présenté au CCS accompagné d’éléments sculpturaux disposés dans l’espace d’exposition.

Pour échapper à la schizophrénie possiblement héréditaire de sa mère, l’artiste décide de s’emparer de technologies qui « désincarnent », les détourner de leur fonction première et ainsi se déconstruire elle-même, pour mieux se recréer ensuite. Elle réplique ses organes vitaux en 3D et entreprend un parcours initiatique. Ne trouvant pas de réponses dans son milieu familial, elle part sur un cargo pour traverser l’Atlantique. Arrivée au Mexique elle fait répliquer ses organes en cire, s’inscrivant tout autant dans la tradition historique des cires anatomiques que dans la tradition religieuse des ex-votos. Elle atteint ensuite les terres indigènes Mazatèques où elle rencontre des chamanes et « curanderos » qui tentent de la guérir de son mal inexplicable. Les rites et substances psychédéliques ne lui révélant rien, elle s’engouffre dans un réseau de caves souterraines, refuge des Mazatèques au temps des Conquistadores, dans lequel elle met feu à ses organes-bougies. Elle perd le disque dur contenant la plupart de son matériel vidéo, mettant plus encore en péril cette quête fragmentaire et aveugle…

Dans Intra Aura Mélodie Mousset dissèque le regard de l’observateur.rice : elle observe les pulsions scopiques humaines, le désir de vision absolue jusqu’au tréfonds des corps. Le montage du film lui-même - séquence d’images morcelées - s’apparente à une expérience schizoïde où les espaces temps se confondraient. C’est seulement peu à peu que les spectatrices et spectateurs peuvent tenter de rassembler les pièces de ce puzzle et percevoir la question universelle sous-jacente de cette recherche d’identité et d’origines.

HanaHana est une expérience en réalité virtuelle qui évolue et augmente depuis 2016. Toujours centrée autour de la construction corporelle, cette oeuvre, en empruntant la forme du jeu interactif et collaboratif, constitue un environnement fantastique immersif. Chacun.e peut générer des formes et laisser des traces de son passage dans ce désert habité par des sculptures archaïques où fleurissent des mains humaines de toutes tailles et couleurs. Dans ce monde surréel les bras sont non seulement des extensions du corps des joueuses et joueurs qui peuvent se téléporter et multiplier leurs corps à l’extérieur d’eux même, mais sont aussi des unités de construction qui permettent de bâtir et laisser une trace matérielle de son passage dans ce vaste bac à sable collectif. Cette expérience corporelle, dont elle enrichit et approfondit constamment les propriétés avec son équipe, est présentée ici en version multi-bloom - « à floraison multiple » - donc collective et connectée. L’espace d’exposition devient ainsi un espace partagé, à la frontière de l’intime et du public, virtuel tout autant que réel – les joueuses et joueurs à Paris pouvant rencontrer celles et ceux de San Francisco, où l’oeuvre sera présentée en parallèle. La combinaison de la musique envoûtante du musicien américain Joe Williams avec l’audio interactif du maltais Christian Heinrich, généré en temps réel par les activités et gestes des joueuses et des joueurs, est également une composante essentielle de cet environnement multi-sensoriel.

Ce jeu est aussi inspiré par Nico Robin, héroïne du Manga Japonais « One Piece » qui, en mangeant HanaHana le fruit du diable, a acquis le superpouvoir de la multiplication de son corps. Les motifs et phénomènes du monde onirique et absurde de HanaHana de Mélodie Mousset puisent donc tout autant dans une esthétique pop que dans un imaginaire archaïque, dans lequel les phénomènes primaires et les éléments de la nature sont absorbés et transformés dans des récits mythologiques.

La pratique de Mélodie Mousset pourrait aussi s’inscrire dans un conflit situé dans un monde contemporain déroutant : une réalité numérique qui trace, enregistre et analyse tous les déplacements, consommations et désirs des individus créant des « citoyens transparents » – un environnement de surexposition auquel se heurtent les corps humains, opaques, vivants et difformes, remplis d’organes, porteurs d’une intériorité mentale et psychique avec des recoins riches d’imagination, comme le dit Chris Kraus : « Mousset’s associative process is so rich. She fully believes in her own imagination and the logical and illogical digressions that shape an inner life. »