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“Versailles Revival” 1867-1937
au Château de Versailles, Versailles

du 19 novembre 2019 au 15 mars 2020



www.chateauversailles.fr

 

© Sylvain Silleran, voyage et présentation presse, le 15 novembre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Eugène Atget, Jardins de Versailles : vue de la Colonnade en 1904, 1904. Positif monochrome sur support papier, 17,5 x 22 cm. Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / image RMN-GP.
2/  Baron Adolf Gayne de Meyer, La fontaine de Saturne, Versailles, octobre 1912. Héliogravure, 21,6x16,3 cm. Paris, musée d’Orsay, donc de Minda de Gunzburg, 1981. © RMN-GP (Musée d’Orsay) / Alexis Brandt.
3/  Eugène Lami, Réunion dans le bosquet de la colonnade à Versailles, 19e siècle. Aquarelle, mine de plomb, rehauts de blanc, 40 x 62 cm. Paris, musée du Louvre, D.A.G. © RMN-GP (musée du Louvre) / Thierry Le Mage.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

O Versailles, par cette après-midi fanée,
Pourquoi ton souvenir m'obsède-t-il ainsi ?
les ardeurs de l'été s'éloignent, et voici
Que s'incline vers nous la saison surannée.


Un livre ouvert dans une vitrine sur ces quelque vers du Chariot d'Or d'Albert Samain ; leur mélancolie un peu douceâtre fait écho à la nôtre, celle de ce mois de Novembre. Versailles Revival renverse le cours du temps ; ici c'est une Impératrice Eugénie au charme 'so british', fraiche comme un printemps, les rubans bleus répondant à quelques roses dans sa coiffure qui succède à une Marie-Antoinette et ses enfants raide, et dont les sourires peinent à réchauffer.

L'histoire de Versailles reprend son cours en cette deuxième moitié du XIXème siècle. Le faste soyeux des étoffes dans les aquarelles de Eugène Lami, les concerts intimistes dans les bosquet, les grandes fêtes sous les ors et les lustres engendrent scènes de bals et rendez-vous galants des débuts du cinéma, prêt à glisser dans la polissonnerie de bains des dames de la cour.

Le parcours parsemé d'exquis petits dessins et aquarelles de Giovanni Boldini nous fait traverser un décor de cinéma, faire une pause dans un jardin aux arcades de feuillages, passer sous un lustre, franchir des couloirs étroits, s'arrêter devant des symétries de vases et une fontaine faite d'un bouquet de plumes de paon et d'autruche.

Dans les scènes silencieuses d'Alexandre Benois, roi et nobles défilent dans les jardins parmi un peuple immobile, peuple de vases et de statues ; ses Bain de la Marquise sensuels et oniriques transforment enfin bassins et bosquets en un ailleurs fantastique et érotique sans y toucher.

Versailles est grand et vide, intérieurs des tableaux de Maurice Lobre habités de la seule lumière qui entre telle une belle promesse d'éternité. Puis vient l'Histoire, la grande, celle des livres et des manuels scolaires. Le couronnement de Guillaume Ier, l'assemblée siégeant, la Galerie des Glaces et le traité de Versailles, les bustes de fiers présidents, les humiliations et les revanches. Clémenceau vainqueur tenant un casque à pointe prussien comme un trophée : en quelques traits de fusain Jean-Louis Forain imprime sur le papier la force d'un héros de légende, le triomphe d'un dieu nordique.

Le Versailles d'artistes et d'écrivains, décor d'une effervescence moderne présente le portrait glamour de la comédienne Julia Bartet par Jacques-Emile Blanche. Sa robe et ses gants noirs s'opposent à l'étincelante toilette blanche de la Comtesse Greffuhle organisant une somptueuse fête. Une très belle huile sur carton de Jean-Louis Forain, étude préparatoire à un portrait d'Anna de Noailles, des eaux-fortes d'Albert Besnard à l'atmosphère de tempête et nous changeons de saison.

Une salle est ainsi dédiée à l'automne. On y part dans une rêverie avec une aquarelle d'Henri Zuber, les couleurs de feu et d'eau se mariant chez Isidore Rosenstock, les blocs solides de Georges Leroux faisant des jardins une architecture rivalisant avec celle du château. Achille Duchêne dessine le parc et les jardins, le spectacle des grandes eaux au fusain, mais c'est la haute silhouette noire d'un arbre dans la vue du parc de Breteuil qui exprime le mieux cette puissance de la saison, cette solitude du promeneur dans un si vaste domaine.

Des décors de paquebots, des demeures de milliardaires, une robe de Marie-Antoinette costume de bal d'Ava Smith Vanderbilt, et Versailles devient un rêve étranger, étranger à lui-même. Dans les tableaux de Gaston La Touche, les fontaines sont comme des gâteaux, des pièces montées affolantes, les cygnes et angelots s'ébattent dans les bassins, des feux d'artifices fluos psychédéliques repeignent le ciel. Une princesse sortant de son carrosse dans un festival de couleurs sucrées entre dans un conte de fées à la chantilly façon Disney. Notre cher château se décline désormais sur des cartes publicitaires du Bon Marché, récompense et instruit les enfants sages dans les tablettes du chocolat Poulain.

Il est temps de tirer sa révérence. Sur un long miroir, le spectre de Marie-Antoinette vient nous visiter un bref instant, un peu perdue, un peu inquiète. Peut-être espère t’elle simplement que l'on ne l'oublie pas.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat de l’exposition :
Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.




À la charnière des XIXe et XXe siècles, le château de Versailles connaît un moment crucial de son histoire. Cent ans après la Révolution française, à l’aube de la « Belle Époque », un phénomène spectaculaire d’engouement, de nostalgie, de curiosité et de passion se développe autour du Versailles de l’Ancien régime. À travers près de 350 oeuvres, documents et photographies, l’exposition retrace ce moment surprenant de l’histoire de l’art où Versailles prend place parmi les grands motifs littéraires, picturaux et musicaux, tandis que s’engage un grand programme de restauration et de remeublement du château. On rêve de Marie-Antoinette en même temps que la République réunit ses assemblées à Versailles et y reçoit les souverains étrangers. Les jardins accueillent fêtes aristocratiques et tourisme populaire. Des artistes de toutes origines, peintres, photographes, illustrateurs, s’emparent du lieu et de petits Versailles fleurissent à travers le monde.

Dès le Second Empire, les prémices de ce nouvel engouement se manifestent avec l’impératrice Eugénie et sa vénération pour Marie-Antoinette. Mais c’est à la fin du siècle que la fascination gagne les milieux artistiques et littéraires. Marcel Proust redécouvre ce « Versailles, grand nom rouillé et doux, royal cimetière de feuillages, de vastes eaux et de marbres, lieu véritablement aristocratique et démoralisant, où ne nous trouble même pas le remords que la vie de tant d’ouvriers n’y ait servi qu’à affiner et qu’à élargir moins les joies d’un autre temps que les mélancolies du nôtre ».

La peinture historiciste, déjà en vogue depuis le début du XIXe siècle, connaît un essor spectaculaire à cette époque et trouve certains de ses plus beaux sujets à Versailles. Le mobilier et les arts décoratifs déclinent les grands exemples royaux. Après l’exemple de Louis II de Bavière, le palais sert de modèle aux résidences de Boni de Castellane comme d’Alva Vanderbilt, et jusqu’au paquebot France de 1912 surnommé « le Versailles des mers ». D’incroyables fêtes font revivre Trianon. Sarah Bernhardt se produit au château à l’occasion de la visite du tsar Nicolas II en 1896. Une société hors du temps se constitue autour du monument-symbole, avec ses figures mondaines, la comtesse Greffulhe et Robert de Montesquiou ; ses écrivains, Marcel Proust, Henri de Régnier ; ses musiciens, Reynaldo Hahn, Gabriel Fauré ; ses peintres : Paul Helleu ou Giovanni Boldini ; son paysagiste attitré, Achille Duchêne.

Cette vague d’enthousiasme accompagne le travail acharné auquel vont se livrer, à cette époque, les conservateurs du château pour lui rendre sa splendeur perdue et le rapprocher de son état de l’Ancien Régime, au détriment du musée historique inauguré en 1837 par Louis-Philippe. Pierre de Nolhac, directeur du musée de 1892 à 1920, est la grande figure de cette entreprise.

L’exposition, présentée dans les salles d’Afrique et de Crimée, met en tension ces deux histoires parallèles. D’un côté la chronique de cette « résurrection » du château, pour reprendre le titre des mémoires de Pierre de Nolhac ; de l’autre, ce moment étonnant de l’histoire de l’art où Versailles inspire les peintres les plus divers, du Russe Alexandre Benois à Georges Rouault en passant par Gaston la Touche, Lucien Lévy-Dhurmer et Henri Le Sidaner, mais aussi des photographes comme Eugène Atget, Edward Steichen et Man Ray.

Le château de Versailles retrouve, au tournant du XXe siècle, un éclat royal et aristocratique en même temps qu’une popularité nouvelle. Le cinéma s’en empare dès ses débuts, le tourisme s’intensifie, la mode s’en inspire. Les grandes eaux, qui n’ont jamais perdu de leur attrait au cours du XIXe siècle, deviennent une destination pour les foules et dès 1937 le château franchira le million de visiteurs.