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“Le Pacte familial” OEuvres de la collection du Centre national des arts plastiques
à L’Imagerie, Lannion

du 19 octobre au 30 novembre 2019



www.galerie-imagerie.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Eric Bouttier, le 22 novembre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jean-Philippe Charbonnier, La famille du mineur, 1954. FNAC 03-795 - Centre national des arts plastiques. © Jean-Philippe Charbonnier / GAMMA-RAPHO / Cnap / crédit photo : Galerie Agathe Gaillard.
2/  Jean-Christian Bourcart, Sans Titre (Marguerite), 1996. FNAC 03-783 - Centre national des arts plastiques. © droits réservés / Cnap / crédit photo : visuel fourni par l’artiste.
3/  Arnaud Claass, Arles 1, 1983. FNAC 92542 - Centre national des arts plastiques. © Arnaud Claass / Cnap.

 


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Interview de Eric Bouttier, directeur de l'Imagerie et commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Lannion, le 22 novembre 2019, durée 16'21". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Eric Bouttier, directeur de l'Imagerie



Avec les œuvres de Roy Arden, Roger Ballen, Iñaki Bonillas, Pierre Boulat, Jean-Christian Bourcart, Jean-Philippe Charbonnier, Arnaud Claass, Louis Faurer, Nan Goldin, Seydou Keita, Xavier Lambours, Martine Locatelli, Boris Mikhailov, Bill Owens, Florence Paradeis, Malick Sidibé, Annelies Štrba et Shoji Ueda.

Cette exposition collective, constituée d’une sélection d’oeuvres de la collection du Centre national des arts plastiques, prend place dans le cadre de L’engagement, une manifestation nationale organisée par le Réseau Diagonal, qui pour fêter ses dix ans invite vingt-et-une de ses structures membres à se saisir de la thématique de l’engagement en proposant des expositions qui se tiendront sur le territoire national entre septembre 2019 et février 2020.

A L’Imagerie, Le Pacte familial questionne, à travers le regard de dix-huit artistes, la notion d’engagement familial. Entité culturelle en permanente évolution, la famille se constitue comme un ensemble de personnes formant un groupe et ayant des liens de parenté par le sang ou par alliance. La famille est le lieu d’un engagement relationnel ontologique, du passage d’une individualité à un collectif, et donc d’un engagement commun, à la fois émotionnel et physique. Ce corpus d’oeuvres puise à la fois dans des photographies relevant des champs de l’intime, de la mise en scène ou du documentaire. La diversité des époques (1945-2001) et des géographies abordées (Canada, États-Unis, France, Japon, Mali, Mexique, Russie, Suisse) offre une pluralité de représentations.

Le parcours de l’exposition déroule la temporalité de la cellule familiale, qui se construit et se fédère autour d’une succession d’évènements, de pactes et de cérémonies qui en tissent la chronologie dramatique : unions, naissances, décès… Les générations se succèdent, s’accompagnent, quelque part entre une ascendance avérée, un héritage à porter, et une possible descendance. Le cercle familial oscille et se transforme en mouvements permanents entre ces deux pôles, du nouveau-né aveuglant dont la forme en devenir provoque l’éblouissement du photographe (Arles 1, 1983 et Capri, 1984 d’Arnaud Claass) jusqu’à cette saisissante image de Pierre Boulat, L’aïeule (1945), où une femme âgée vêtue de noir traverse un bûcher entrainée par deux hommes, devant une foule de spectateurs. Au centre : les figures du couple – tout en contrastes crus chez Nan Goldin (Valerie in the Light, Bruno in the Dark, Paris, 2001), emmuré dans le quotidien dans le diptyque de Martine Locatelli (Couple n°4, 1998) ou d’une douceur crépusculaire chez Xavier Lambours (René Rimbert, peintre, et son épouse Denise, 1986) – et de l’enfant.

Les mises en scènes épurées aux titres allégoriques des photographies de Shoji Ueda (Papa, maman et enfants, 1949 ; Notre mère, 1950) sont révélatrices de cette conception traditionnelle du noyau familial qui se fonde sur l’articulation parents-enfants. Les représentations sont également solennelles chez Jean-Philippe Charbonnier (Repas de famille chez le notaire, 1951 ; La famille du mineur, Le confort du mineur, 1954) et Pierre Boulat (Famille nouvellement installée dans un appartement neuf à Gennevilliers, de la série Les Nord-Africains de Paris, 1955).

Quelle place la photographie tient-elle dans la construction de la cellule familiale en tant que représentation médiatique ? Quand elle se met ou est mise en scène, la famille fait corps et elle fait face. Elle se fédère, épaules contre épaules, en regardant d’un air grave l’objectif (les quatre photographies de la série Mon Village, 1962 de Malick Sidibé). L’acte photographique en parachève alors l’archétype – la photographie de famille est un genre en soi, et certains auteurs n’hésitent pas à subvertir le cliché. Le portrait de famille ainsi vacille et se fissure, devenant ironique. La série Le plus beau jour de la vie (1996) nous présente cinq des photos « ratées » qui composent la collection personnelle de Jean-Christian Bourcart, photographies accidentées, non-vendues qui nous montrent le revers grinçant d’un bonheur figé et institutionnalisé. Les oeuvres d’apparence jumelles de Bill Owens (We’re really happy, 1972) et de Florence Paradeis (Sans titre, 1998) sont en réalité l’héritage formel l’une de l’autre : au témoignage sincère et spontané du premier couple répond la tension fictionnalisée du second. C’est de ce code social standardisé que Boris Mikhailov se saisit avec son Autoportrait familial (1971, photographie en noir et blanc rehaussée en couleur, extraite de la série Luriki), regard décalé et kitsch en même temps que remise en question politique du concept traditionnel de famille, l’une des fondations de la propagande soviétique.

Un regard transversal est également porté sur l’idée de lien comme matériau même du « faire famille », qu’il soit charnel, viscéral (les nouveaux nés qui se nichent dans les plis d’une maternité lasse – Sonja mit Samuel-Maria,1994 d’Annelies Strba – ou d’une paternité glorifiée – Sans titre, 1949 de Seydou Keita) ou tutélaire (les petits-fils mettant en lumière leurs grands-pères – Factory worker holding grandfather’s portrait, 1996 de Roger Ballen et Une carte de visite pour J.R. Plaza, 2007 d’Inaki Bonillas). Le lien et, dans son sillon, ce qui le matérialise directement : un contact physique rendu visible. Le pacte familial ainsi se scelle au travers d’images immémoriales de protection (Pater noster, 1987 de Roy Arden), de violence (La gifle, 1955, de Pierre Boulat) ou de tendresse provocante (Freudian Hand Clasp, New-York, 1949 de Louis Faurer, photographie qui clôture l’exposition). La photographie de famille nous dit à la fois humblement et nécessairement nos façons d’être ensemble, de nous rassembler, de nous tenir, de nous toucher : comment nos corps se lient pour habiter collectivement un même cadre, et s’y inscrire pour l’éternité en regardant dans une même direction.


Exposition collective présentée en salle 1, réalisée à partir des oeuvres issues de la collection photographie du Centre national des arts plastiques (Cnap), dans le cadre de L’engagement, une manifestation nationale organisée par le Réseau Diagonal en partenariat avec le Cnap et le soutien du ministère de la Culture / DGCA et de l’ADAGP.






Au même moment et dans le prolongement de la thématique de l’engagement :

Tu seras suédoise ma fille d’Olivier Jobard

du 19 octobre au 30 novembre 2019

Cette exposition personnelle d’Olivier Jobard présentée en salle 2 entre en résonance avec l’exposition collective en salle 1 réalisée à partir de oeuvres de la collection du Cnap, Le Pacte familial, qui propose de déplacer la thématique de l’engagement à l’intérieur de la notion de famille. Tu seras suédoise ma fille est un reportage immersif (photographies et film), qui suit l’exode d’une famille syrienne (Jihane, Ahmad et leurs trois enfants), qui, en 2015, a traversé clandestinement 4000 km, 8 frontières et 9 pays afin de gagner la Suède.

« Si vous partez en vacances à Kos — l’île grecque qui a vu naître Hippocrate —, vous n’échapperez pas à la traversée du bras de mer qui sépare la Grèce de la Turquie voisine. La balade en Orient vous coûtera 20 euros. Ahmad et sa femme Jihane, eux, ont payé 3000 euros pour voyager en sens inverse, avec leurs enfants. C’était le prix de leur clandestinité en 2015. Syriens, ils vivaient avant la guerre à Yarmouk, un ancien camp de réfugiés palestiniens, devenu une vaste banlieue commerçante de Damas. Ahmad, né de parents palestiniens, tenait une boutique de chaussures et sa femme, Jihane, était traductrice. Pacifiste, Ahmad a refusé de prendre les armes. Quand le régime syrien a commencé à bombarder leur quartier, la famille a fui dans une zone calme pour attendre la fin des combats. Elle n’a jamais eu lieu. Lorsqu’Ahmad a appris qu’il était appelé pour combattre dans l’armée de Bashar al-Assad, il a choisi de partir vers un avenir meilleur en Europe. En 2015, nous étions loin d’imaginer qu’Ahmad, Jihane et leurs enfants étaient les premiers des 600000 migrants à rejoindre clandestinement la Grèce. Leur périple de 4000 km, à travers huit frontières et neuf pays, a duré 30 jours. Mais l’exode n’est pas qu’affaire de géographie. Une fois arrivés en Suède, ils ont été pris dans les limbes de l’attente, où les souvenirs douloureux se mêlèrent aux incertitudes d’un avenir dans un pays à l’opposé du leur. Ahmad et Jihane n’en sont qu’aux prémisses d’un plus laborieux périple, celui d’une vie à reconstruire ».
Olivier Jobard