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“Bohèmes” page 680
© Pierre Normann Granier, vernissage presse, le 25 septembre 2012. |
légendes de gauche à droite |
extrait du communiqué de presse : commissaire : Sylvain Amic, directeur des musées de Rouen
Chantée, filmée, versifiée, exaltée, cent fois déclarée morte et toujours renaissante, la « bohème » fait partie des mythes modernes. Née au milieu du XIXe siècle, entre Romantisme et Réalisme, elle accompagne une profonde transformation du statut de l’artiste. Désormais, le jeune talent ne se place plus sous la protection de quelque prince : il est ce génie solitaire, misérable et incompris qui anticipe les convulsions de la société. Des poètes (Baudelaire, Rimbaud, Verlaine…), aux artistes (Courbet, Van Gogh, Satie, Picasso…) nombreux sont les grands hérauts de la modernité qui ont donné un visage à ce phénomène. Rebelles à toute convention, batteurs de pavé, mangeurs de vache enragée, amateurs de femmes et de boissons ils ont, pour des générations d’apprentis artistes, allumé le rêve d’une gloire rédemptrice, qui ne se gagne qu’au risque de l’oubli et de la mort. A travers la littérature et la presse, le théâtre et l’opéra, la bohème a très vite acquis une popularité immense ; elle a pénétré l’imaginaire collectif, et lié à jamais l’image de Paris au Quartier latin et à Montmartre. Depuis une vingtaine d’années, des travaux portant sur l’histoire des marginalités, des migrations et des nomades ont renouvelé l’analyse de ce phénomène. Le mythe de la bohème s’inscrit désormais dans l’histoire, infiniment plus riche et plus complexe, du rapport des peuples européens à la nation rom. Appelé Égyptien à l’époque classique, puis désigné des noms les plus divers, gitans, manouches, cagots, le bohémien devient, peu après son apparition en Occident au XVe siècle, un héros de roman (Cervantes le premier) et un sujet de prédilection pour les artistes (Callot, Vouet, Georges de la Tour). Le mystère de ses origines, son langage longtemps incompréhensible, son rapport intime à la nature, sa capacité de dire l’avenir, en font un personnage de légende. Ses apparitions et disparitions soudaines alimentent le fantasme d’une vie sans attaches, sans règles, intense et sensuelle. L’artiste, fasciné, a trouvé en lui son maître en liberté. À travers un voyage de cinq siècles et une quinzaine de thèmes, Bohèmes éclaire un phénomène qui, de Léonard à Picasso, traverse toute l’histoire des arts et des sociétés, et résonne encore dans notre monde contemporain. Comme l’opéra de Puccini, cette exposition se veut un grand rendez-vous populaire, mêlant la fantaisie et la gravité, le spectacle et la mélancolie, la misère et la gloire. |