contact rubrique Agenda Culturel :Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


“Les fleurs américaines” page 769  
Le Plateau, Frac Île-de-France, Paris

du 13 décembre 2012 au 17 février 2012



http://www.fracidf-leplateau.com/

 

 

© Anne-Frédérique fer, vernissage, le 12 décembre 2012.

769_fleurs_1769_fleurs_2769_fleurs_3

légendes de gauche à droite
1/  Portrait de Dorothy Miller. © Museum of American Art, Berlin.
2/  Portrait de Gertrude Stein. © Museum of American Art, Berlin.
3/  Portrait d' Alfred H.Barr, Jr. ©: Museum of American Art, Berlin.



texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt :


Du 13 décembre 2012 au 17 février 2013, Le Plateau présente Les Fleurs américaines, qui réunit trois expositions américaines d'art moderne. Elle offre ainsi trois interprétations américaines de l'art européen à travers le regard de trois personnalités : Gertrude Stein, Alfred Barr Junior et Dorothy Miller.

 

Trois expositions, trois perspectives
La première salle reconstitue le Salon de Fleurus sous le nom d'Autobiographie d'Alice B. Toklas et réunit la collection artistique de Gertrude, poétesse et dramaturge américaine, et Léo Stein à Paris. La deuxième, intitulée Musée d'Art Moderne a pour ambition de reproduire l'exposition organisée par Alfred Barr J. au Museum of Modern Art de New York en 1936, Cubism and Abstract Art. Toutes les œuvres présentes ici ont été exposées à cette occasion, à l'exception de la Fontaine (1917) de Marcel Duchamp, tirée de l'exposition Fantastic Art, Dada and Surrealism, qui a eu lieu la même année. Une maquette reproduit la disposition de la véritable exposition de 1936. Alfred Barr J. a défini à cette occasion une histoire de l'art moderne, maintenant dominante même en Europe, qui le libère du carcan des écoles et des mouvements chers à la pensée artistique européenne. La dernière salle est consacrée à une exposition itinérante organisée elle aussi par le MoMA en 1955. Affiches, peintures issues de la collection de Dorothy Miller et reproductions de photographies de l'époque en retracent le déroulement. Ces trois expositions sont rythmées par des extraits de textes anonymes des Fables des artisans et des dessins tirés de la Collection de dessins d'un amateur d'art réalisés lors de ses voyages dans l'histoire de l'art moderne confère une certaine poésie onirique à l'ensemble.

 

Une histoire de l'art moderne
La première chose qui nous frappe quand on pénètre dans l'exposition Musée d'Art Moderne, c'est la datation des tableaux. L'on est ainsi perplexe de voir Le Baigneur de Cézanne, première peinture à nous accueillir, daté de 1885. Non, nous ne nous trompons pas, les dates sont bien incorrectes. Elles sont là pour nous indiquer que toutes les productions que nous allons voir sont en réalité les reproductions de certaines des œuvres les plus connues de l'art moderne : La Danse, de Henri Matisse (1909), Le Faux Miroir, de René Magritte (1928) ou encore Les Demoiselles d'Avignon (1907). Quel est l'intérêt alors de proposer uniquement des copies ? L'objectif ici n'est pas de présenter l'art moderne mais d'en raconter l'histoire, ou plutôt la création de cette histoire, telle qu'elle fut donnée à l'époque par Alfred Barr. Parce qu'elles sont des reproductions, les peintures exposées perdent leur originalité et surtout leur statut d'œuvres pour mieux servir la démonstration. Elles ne sont plus à percevoir indépendamment les unes des autres mais bien comme formant un tout, une chronologie retraçant la naissance et le développement de l'art moderne tel qu'on le conçoit aujourd'hui. Souvenirs, reproductions de pages des catalogues de ces expositions se chargent aussi de nous rappeler qu'elles ont servi de terreau pour le développement de l'art américain.

Audrey Parvais



 

 

extrait du communiqué de presse :


 

commissariat :
Elodie Royer et Yoann Gourmel
en collaboration avec le Salon de Fleurus, New York et le Museum of American Art, Berlin

 

"L’art se définit seulement au sein de l’histoire appelée Histoire de l’Art.
Les artefacts présentés dans cette exposition ne sont pas des oeuvres d’art.
Ce sont plutôt des souvenirs, des échantillons prélevés de notre mémoire
collective»
Walter Benjamin

« Il était une fois une histoire connue sous le nom d’histoire de l’art moderne… » Ainsi pourrait commencer sur le mode du conte l’exposition Les fleurs américaines, dont les personnages principaux seraient les artistes, les commissaires, les historiens, les collectionneurs tout autant que les œuvres, les expositions et les institutions au cœur de l’art du 20e siècle.

Elle réunit trois expositions qui reviennent sur l’élaboration du récit connu sous le nom d’histoire de l’art moderne, de ses origines au début du 20e siècle jusqu’à sa reconnaissance comme récit dominant dans les années 1950. Elle vise ainsi à en interroger les fondements et l’héritage tout en court-circuitant par le biais de la copie et de l’anonymat les critères d’originalité, d’unicité et d’authenticité des œuvres d’art, qui priment toujours aujourd’hui.
Mais si toutes les œuvres présentées dans l’exposition sont des reproductions, elles ne cherchent pas pour autant à dissimuler leur statut de copies : leurs dates de création sont inexactes et il semble que leurs producteurs n’aient en aucune façon cherché à répéter la matérialité des originaux. Ce que l’on voit ici, ce ne sont ainsi pas tant des œuvres d’art individuelles qu’une série d’artefacts organisés en histoires. Des souvenirs d’œuvres jouant un rôle particulier dans ce qui a contribué à définir l’« histoire de l’art moderne ».
La première de ces trois histoires rassemblées dans Les fleurs américaines débute au 27 rue de Fleurus à Paris entre 1903 et 1913. Intitulée Autobiographie d’Alice B. Toklas d’après le livre éponyme de Gertrude Stein, elle consiste en un souvenir du fameux Salon de Fleurus abritant sa collection d’art moderne. Une collection américaine d’art européen qui  devait fortement inspirer une trentaine d’années plus tard les parti-pris du directeur fondateur du Museum of Modern Art (MoMA) de New York, Alfred Barr, Jr.
La seconde partie de l’exposition, Musée d’Art Moderne, réunit 46 œuvres iconiques d’artistes européens datées de 1990 à 2035 et présentées suivant le plan d’accrochage d’Alfred Barr, Jr., pour les expositions « Cubism and Abstract Art » et « Fantastic Art, Dada and Surrealism » au MoMA en 1936. Remplaçant notamment la notion d’« écoles nationales » par celle de « mouvements internationaux », ces expositions formulèrent une interprétation américaine de l’art européen tel que Barr l’avait représenté à travers « l’arbre de l’évolution » chronologique reproduit en couverture du catalogue de l’exposition « Cubism and Abstract Art ». Elles jouèrent ainsi un rôle déterminant, formant le terreau sur lequel se développa l’art américain quelques années plus tard et contribuèrent ainsi à sa domination progressive sur la scène internationale après la Seconde Guerre mondiale.
Ce n’est en effet qu’après la guerre et l’émergence de la génération des expressionnistes abstraits que le MoMA commence à intégrer les artistes américains dans son récit de l’art moderne, en les situant dans la continuité des avant-gardes européennes et en les promouvant à l’étranger par le biais de son programme international. Dernier chapitre de notre histoire, l’exposition itinérante 50 ans d’art aux Etats-Unis (présentée au Musée National d’Art Moderne à Paris en 1955) est ici évoquée au travers de peintures reproduisant des documents d’archives et des pages du catalogue de l’exposition se mêlant aux copies de quelques uns des tableaux présentés dans celle-ci. Aujourd’hui considérée parmi d’autres projets itinérants du MoMA comme une forme de propagande culturelle ayant participé à la suprématie artistique des Etats-Unis, cette exposition marqua néanmoins une nouvelle étape dans l’écriture de cette histoire en y légitimant la place de l’art américain le plus récent sous les hospices d’un nouveau style « international ».
En jouant des catégories établies de l’original et de la copie, de l’histoire et de la fable, de la signature et de l’anonymat, de la peinture et de l’art conceptuel, Les fleurs américaines remet en mouvement les faits et stratégies ayant contribué à définir l’art au 20e siècle. En ce sens, il ne s’agit pas d’une exposition d’art moderne, mais d’une exposition contemporaine sur la construction de l’histoire de l’art moderne et la manière dont elle continue de définir les critères de l’art aujourd’hui.
Elodie Royer et Yoann Gourmel