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“Les chasses de Monsieur Courbet” page 777  
au musée Courbet, Ornans (25290)

du 24 novembre 2012 au 25 février 2013



http://www.musee-courbet.fr

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légendes de gauche à droite
1/  Gustave Courbet, Le chasseur allemand, 1859, Huile sur toile, 118x174 cm, Lons-le-Saunier, Musée des Beaux-Arts. ©Collection Musée des Beaux-Arts, Lons-le-Saunier, cliché Jean-Loup Mathieu.
2/  Gustave Courbet, Renard dans la neige, huile sur toile, 85,72x127,79 cm, Dallas, Museum of Art, Foundation for the Arts Collection, Mrs. John B. O’Hara Fund.
3/  Gustave Courbet, Braconniers dans la neige, 1864, 65x81 cm, Besançon, Musée des Beaux-Arts. ©Musée des Beaux-Arts, Besançon – Cliché Charles Choffet.

extrait du communiqué de presse :

Sous le commissariat scientifique de
Gilbert Titeux, docteur en histoire de l’art, auteur d’une thèse portant sur les représentations de la chasse dans la peinture de Courbet

Avec la collaboration de
- Raphaël Abrille, conservateur au musée de la Chasse et de la Nature (Paris)
- Noël Barbe, ethnologue, chercheur à l’IIAC, Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture (CNRS, EHESS, ministère de la Culture), directeur scientifique de l’Ethnopôle Courbet
- Pierre Feuvrier, directeur de la Fédération départementale des Chasseurs du Doubs


Pour la première fois en France, une exposition est consacrée exclusivement aux œuvres cynégétiques de Gustave Courbet. Des tableaux venus de toute la France mais aussi de Suisse, d’Allemagne, des États-Unis, du Japon... sont rassemblés au musée d’Ornans.
Courbet, chasseur expérimenté, a réalisé plus de centtrente tableaux évoquant la chasse, les chasseurs ou le gibier. Ses oeuvres n’ont guère été étudiées à ce jour et n’ont jamais, à elles seules, constitué le thème privilégié d’une exposition en France.
Les tableaux de chasse de Courbet n’échappent pas à la vision très personnelle et novatrice qu’avait l’artiste sur tout ce qu’il peignait. Cette originalité est mise en exergue par la confrontation de ses oeuvres à quelques tableaux représentatifs de ses contemporains.
L’exposition est composée de plus de 50 œuvres et objets et a bénéficié de prêts exceptionnels du Dallas museum of Art et de collections japonaises.
Elle permet de réunir des oeuvres rarement exposées en France : le Cerf à la rivière (Gustave Courbet, vers 1850, Kofu, Yamanashi Prefectural Museum of Art - Japon), le Renard dans la neige (1860, Dallas, Museum of Art)...
… et d’autres oeuvres majeures : le Louvre prête un tableau de Carle Vernet et le musée de la Chasse et de la Nature, à Paris, des oeuvres de Jadin ; celui de la Vénerie, à Senlis, un tableau de Lepaulle.

Cette exposition a été réalisée avec le soutien des services du Conseil général du Doubs par l’équipe du musée Gustave Courbet d’Ornans : Frédérique Thomas-Maurin, conservateur en chef, directrice du musée Gustave Courbet, Julie Delmas, adjointe du conservateur, Élise Boudon et Morgane Magnin, assistantes conservation et service des publics, en collaboration avec le musée de la Chasse et de la Nature de Paris, le musée de la Vénerie à Senlis et la Fédération départementale de la chasse.

Présentation de l’exposition

Chasser en France au XIXe siècle
Après la Révolution française, un nouveau droit cynégétique se met en place. Peuvent chasser et uniquement sur leurs terres, ceux qui s’acquittent d’une autorisation de port d’arme. En 1844, la loi du 3 mai sur la police de la chasse fait évoluer les pratiques.
Elle vise la réduction du braconnage, la conservation du gibier et la protection de la propriété. Cette loi cherche à réduire les abus qui ont conduit à la diminution du gibier par une pratique exagérée. Elle interdit notamment la chasse de nuit, la chasse en temps de neige, l’usage des lévriers…
La loi est méconnue et mal appliquée dans les confins de la France. De plus, au milieu du XIXe siècle, gendarmes, gardes champêtres et gardes chasses sont rares. En France, tout propriétaire peut chasser sur son terrain quelle que soit la surface de celui-ci.
Pendant tout le siècle, grands et petits propriétaires s’opposent sur ce point, les premiers reprochant aux seconds d’anéantir leurs efforts de conservation du gibier en tirant sur tout animal hors de son territoire.

Chasser en Franche-Comté au XIXe siècle
En 1850, seulement mille chasseurs payent les vingt-cinq francs du permis de chasse dans le Doubs. De nombreux ruraux chassent sans permis d’où la référence aux braconniers, si courante en ces temps.
Les braconniers dans la neige de Courbet n’ont sans doute pas payé leurs permis de chasse… En 1865, même dans la Vie à la Campagne, périodique national de l’époque on fustige le braconnage en Franche Comté et plus particulièrement ceux qui sous prétexte de chasse au chien courant, autorisée par temps de neige, en profitent pour tuer tous les gibiers.
Il semble qu’en beaucoup d’endroits les propriétaires n’interdisent pas aux chasseurs l’accès à leurs champs et bois et que la « chasse banale », c'est-à-dire ouverte librement sans autres restrictions que celles édictées par la loi, se pratique fréquemment.
La chasse à courre des grands animaux, cerf, sanglier et loup est encore pratiquée surtout dans le Jura et la Haute Saône. Mais le gibier le plus commun à tous modes de chasse est le lièvre.

De l’art difficile de peindre le gibier
Dans une de ses lettres, Courbet affirme que ses représentations de cerfs sont «exactes comme des mathématiques…». Au XIXe siècle, le monde de la chasse n’a guère été sensible à cette prétendue « exactitude » de la peinture cynégétique du maître d’Ornans.
D’autant que l’anatomie comme le comportement du gibier qu’il représente sur ses toiles sont en effet souvent très éloignés de la biologie des espèces concernées. Car Courbet n’hésite pas à se démarquer du «naturalisme» scrupuleux qu’affichent alors nombreux peintres animaliers.
À cette époque, représenter la faune sauvage consiste le plus souvent soit à étudier celle-ci dans des jardins zoologiques, soit à pratiquer une peinture post-mortem d’animaux tirés à la chasse ou même, comme le fait régulièrement Courbet, d’animaux empruntés à quelque marchand de gibier ! Mais si Courbet a eu la chance de pouvoir se servir l’une ou l’autre fois d’une photographie d’un cerf mort, il lui est aussi arrivé de peindre d’après des modèles préparés auparavant par un taxidermiste.

Liberté et mélancolie du peintre-chasseur
« Le chasseur est un homme d’un caractère indépendant qui a l’esprit libre ou du moins le sentiment de la liberté. C’est une âme blessée, un coeur qui va encourager sa langueur dans le vague et la mélancolie des bois ». Gustave Courbet - « Notes sur la chasse », in Pierre Courthion, Courbet raconté par lui-même et par ses amis, tome II, Genève, Pierre Cailler éditeur, 1950, p. 39.
Le sentiment de liberté qu’éprouve le chasseur est aussi celui que manifeste, toujours et à nouveau, Courbet dans ses peintures. Comme peintre et comme chasseur, il est un esprit libre.
Ses représentations de cerfs, de chevreuils, de chasseurs ou de braconniers sont à cette image : elles ne s’embarrassent d’aucune loi, d’aucune convention – cynégétique ou esthétique. Aussi, ses scènes de chasse ont-elles toujours un aspect surprenant, voire contradictoire ou incohérent.
Mais les « chasses » de Courbet sont avant tout des rêves de chasse et des voyages ; que ce soit dans les forêts des alentours de Montpellier, de Francfort-sur-le-Main ou dans celles du «Grand Jura». Ses animaux sauvages restent des figures oniriques.
Quant aux chasseurs eux-mêmes, ils semblent souvent absorbés par quelque pensée mélancolique et attirés vers les profondeurs forestières.

Deux chefs-d’oeuvre de l’art cynégétique
Le Rut du printemps et L’Hallali du cerf sont deux tableaux parmi les plus ambitieux que Courbet ait consacrés à la chasse, comme à la nature en général. Leurs dimensions, comme celles de L’Atelier du peintre et de l’Enterrement à Ornans, rivalisent avec les grands formats de la peinture d’histoire.
Courbet dit à propos du Rut du printemps, qu’il n’a « pas de semblable, ni dans la tradition, ni dans les temps modernes » et qu’il «[doit] avoir, dans un sens différent, l’importance de l’“Enterrement [à Ornans] “». Quant à L’Hallali du cerf, Courbet estime qu’il est aussi « très important comme art ». Ce tableau est le dernier des grands formats qu’il réalise. Il est également le point central de son exposition personnelle de 1867, du Salon et de l’exposition internationale de Munich en 1869.
Ces deux oeuvres majeures sont innovantes : le peintre y affirme sa liberté créatrice, qui transgresse les règles habituelles de la peinture de chasse de l’époque. Les chercheurs et historiens d’art ont donc largement étudié et interprété ces deux tableaux, qui sont unanimement considérés comme des chefs-d’oeuvre de l’art cynégétique européen.

Courbet, un révolutionnaire de la peinture de chasse
Chasseur lui-même, Courbet a peint plus de cent trente tableaux évoquant la chasse et le gibier. Mais ses oeuvres, façonnées par le «réalisme», s’avèrent très différentes de la peinture cynégétique contemporaine. Car celle-ci est avant tout « naturaliste », c’est-à-dire soucieuse de permettre aux spectateurs-chasseurs de se projeter dans les représentations et d’y retrouver quelque expérience vécue.
Courbet n’a pas ce souci. D’ailleurs, il refuse aussi de se soumettre aux conventions académiques, comme il se refuse à faire la moindre concession à la peinture de chasse en vogue, inspirée de la sporting painting anglaise. Ses peintures se distinguent fondamentalement de toutes ces scènes de genre, imprégnées d’anecdotes et de figures narratives.
Les « chasses » de Courbet, par leurs incohérences, leurs rébus et ruptures, égalisent les figures et renversent les valeurs, contribuant ainsi à ouvrir la voie à l’art moderne.
Dans le cadre de l’ethnopôle « Pays de Courbet, pays d’artistes », l’équipe du musée a travaillé en collaboration avec la fédération départementale de la chasse. Celle-ci a recueilli les impressions de chasseurs de la région sur les oeuvres exposées, impressions que l’on retrouve tout au long de l’exposition.