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“Walid Raad” Préface à la première édition
au Louvre, Paris

du 19 janvier au 8 avril 2013



http://www.louvre.fr

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Légendes de gauche à droite :
1/  Walid Raad, Préface à la troisième édition : Reliure, 2013, Dimensions variables. ©Walid Raad Remerciements : Hughes Dubois.
2/  Walid Raad, Préface à la troisième édition : Coupe II, 2013, Dimensions variables. ©Walid Raad Remerciements : Hughes Dubois.
3/  Walid Raad, Préface à la troisième édition : Relief, 2013, Dimensions variables. ©Walid Raad Remerciements : Hughes Dubois.



texte de Mireille Besnard pour FranceFineArt

 

Le monde est plat
« Le monde est plat », déclarait en 2007 un habitant d’Abu Dabi à l’inauguration du Louvre aux Emirats Arabes Unis. L’homme exhortant les gens à ne pas franchir les portes du nouveau musée « universel », est arrêté et placé dans un service psychiatrique.
C’est le récit d’anticipation que nous livre Walid Raad dans Préface à la première édition, exposition présentée au Louvre jusqu’au 8 avril 2013, dans le cadre de l’ouverture du nouvel espace du Département des arts de l’Islam. Invité par le musée à continuer sur trois ans son projet Scratching on things I could disavow (Gratter les choses que je pourrais désavouer), l’artiste libanais dévoile ici un nouveau volet de sa réflexion sur la récente spéculation observée dans le monde arabe autour des arts.
Avec une œuvre faite de plusieurs morceaux, conçus chacun comme des préfaces à de nouvelles éditions de sa propre pensée, Walid Raad, nous invite à réfléchir à l’image et à la mise en espace des objets, dans la construction muséale, comme, auparavant, il interrogeait, à travers l’Atlas group, le statut du document et l’écriture de l’histoire.

Frontières
Dans la salle de la Maquette, un mobile suspendu au plafond ne trouve son mouvement que dans le jeu de lumière qui l’éclaire et dessine, comme en ombres chinoises, une ligne, une muraille ponctuée de portes représentant celles des plus grands musées du monde. Ce nouveau musée universel  serait pour Raad une frontière mobile qui n’aurait pas vraiment de fin, qui ne protégerait qu’un espace fait de béton brut de décoffrage, comme les murs de la salle d’exposition laissés à leur état naturel.
Mais que voit-on ? Des objets, Walid Raad, ne nous livre ici que des images et des formes altérées. Dans une vidéo de 12 minutes intitulée Préface à la quatrième édition, les objets sont d’abord des couleurs et des lignes ; ils ne prennent forme que dans la succession vertigineuse des images de la collection des arts de l’Islam qui défilent à l’écran. Puis ils retournent à l’état de couleurs ou d’images négatives réduites finalement à une tâche noire sur l’écran de couleur. L’écran, lui, à double face, encastré dans le mur du musée, est visible du dehors comme de l’intérieur de la salle de la maquette.

Emerveillement et perplexité
Chez Raad, ce sont les murs et les portes qui font œuvre, comme pour dire que les choses se passent aux frontières, aux limites, aux passages d’un monde à l’autre, d’un temps à l’autre, dans la projection vers le futur. A moins que ce soit pour affirmer qu’à force de recherche d’universel, le monde est devenu plat. On reste à la fois émerveillé et perplexe, désorienté, et pour certains, en colère. C’est à nous de nous raconter nos propres histoires, d’écrire le livre que toutes ces préfaces introduisent. L’artiste ne nous donne pas la clé de ces énigmes, telles que cette  Préface à la Troisième édition, dernier élément de cette œuvre, en vente en librairie, qui rassemble 28 planches issues de l’inventaire photographique du Département des arts de l’Islam, représentant des objets hybrides, dérivés à coup de Photoshop, prêts déjà à la consommation de masse. Pour les plus curieux, il y a encore la possibilité d’écouter Walid Raad, au cours de la conférence qu’il animera le 22 mars à l’auditorium du Louvre à 18h30.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat
Marcella Lista, responsable de Programmation en art contemporain, musée du Louvre


A l’occasion de l’ouverture des nouveaux espaces consacrés au département des Arts de l’Islam, le musée du Louvre invite l’artiste Walid Raad à une collaboration sur trois années consécutives. Son exposition « Préface à la Première Edition » et la publication Préface à la Troisième Edition constituent le premier volet de cette carte blanche.
Depuis quelques années, Walid Raad observe l’intérêt croissant dont le patrimoine des arts de l’Islam fait l’objet, aussi bien dans les réaménagements et extensions des grands musées occidentaux que parmi les collections publiques et les nouvelles infrastructures culturelles qui se multiplient au Moyen-Orient. Un projet spécifique commencé en 2007, Scratching on things I could disavow, aborde ainsi les formes, les concepts, les économies et les histoires relatifs à cette évolution. Invité au Louvre, l’artiste répond aux nouveaux espaces du département des Arts de l’Islam avec deux créations, inspirées par le devenir d’un « musée universel » à l’heure de la mondialisation : une installation inédite, qui est présentée dans la salle de la Maquette, et un ensemble d’images dérivées de l’inventaire photographique le plus récent des collections.

Scratching on Things I could Disavow : un projet au long cours sur l’histoire de l’art dans le monde arabe.
Commencé en 2007, le projet protéiforme Scratching on things I could disavow s’intéresse à ces deux phénomènes parallèles que sont l’émergence d’infrastructures culturelles inédites dans les pays du Moyen-Orient et le développement, à l’échelle mondiale, de nouveaux projets muséographiques consacrés au patrimoine artistique de ces mêmes régions. A travers des photographies, des installations, des publications et des performances – comme récemment à la Documenta 13 – , Walid Raad développe une méditation visuelle et narrative, répondant aux déplacements qui se jouent aujourd’hui dans l’attention portée aux scènes artistiques et à l’histoire de l’art des pays arabes. Faisant référence aux écrits du penseur irakien Jalal Toufic, l’artiste suggère que les oeuvres de création sont littéralement éclipsées par les traumas de l’histoire (guerres, conflits, mutations géopolitiques). Même lorsqu’elles survivent matériellement, les oeuvres du passé subissent les symptômes d’un « retrait de la tradition suite à un désastre démesuré », elles deviennent « invisibles » ou « inaccessibles » aux artistes d’aujourd’hui et des temps à venir.
Dans le propos artistique de Walid Raad, ombres, reflets, marges, interstices, incertitudes optiques et ruptures d’échelle nourrissent un constat poétique. Ces indices, périmètres ou traces renvoient à un référent absent. L’objet ou l’image dont ils sont supposés être le témoin se dérobent. Ainsi les photographies des collections des arts de l’Islam du Louvre proposent-elles autant d’énigmes visuelles, mettant le spectateur au défi de toute certitude du regard.

« Préface à la première édition ».
Au Louvre, Walid Raad réalise sa première production directement consacrée aux « arts de l’Islam », notion historiographique et muséographique qui s’impose à la fin du XIXe siècle, lorsque les collections publiques exposent comme tels des objets couvrant un large champ chronologique et géographique, de l’Andalousie Arabe jusqu’à l’Inde Moghole. La salle de la Maquette accueille une installation inédite, où une vision architecturale flottante, fragmentaire, semi-abstraite, côtoie les images d’objets hybridés, qui semblent se traverser l’un l’autre.

Walid Raad
Né en 1967 à Chbanieh (Liban), Walid Raad vit et travaille aujourd’hui principalement à New York, où il enseigne à l’école d’art The Cooper Union. Partie d’une pratique élargie de la photographie, son oeuvre utilise un large spectre de techniques et de formats : texte, photographie, vidéo, édition, installation, performance. Son travail affirme dès la fin des années 1980 un mode opératoire singulier avec The Atlas Group, un projet artistique qui existe dans une dimension fictionnelle, se présentant comme une collection d’archives sur les guerres du Liban. Critiquant l’autorité du document dans les récits et chroniques de l’actualité, la mise en mémoire de l’histoire y est donnée comme une série d’énigmes ouvertes, chargées des références que le spectateur peut y projeter.
Les oeuvres de Walid Raad ont été présentées entre autres dans les lieux d’exposition suivants : Kunsthalle de Zurich, The Whitechapel Gallery (Londres), la Biennale de Venise, Homeworks (Beyrouth), le Festival d’Automne à Paris, les Documenta 11 et 13 (Cassel, Allemagne), ainsi que dans des musées en Europe, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis.