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“de Pékin à Taipei” 1000 visages de la Chine
au Forum des images, Paris

du 9 janvier au 3 mars 2013



http://www.forumdesimages.fr

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Légendes de gauche à droite :
1/  Piercing de Liu Jian © Le Joy Animation.
2/  N°89 Shimen Road de Shu Haolun © Trigon Film.
3/  Last Train Home de Lixin Fan © Eye Steel Film.


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Interview de Zeynep Jouvenaux,
par Emmanuel Goyet, le 23 janvier 2013 au Forum des Images, Paris. © Samuel Hense, © FranceFineArt.

 



 

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Entretien avec Zhang Xianmin,
par Pierre Normann Granier, le 31 janvier 2013 au Forum des Images, Paris. Durée 23'56''. © FranceFineArt.

Né en 1964, Zhang Xianmin se passionne très tôt pour le cinéma. Après une double licence de français et cultures comparées à l'université des Langues étrangères de Pékin, il obtient un master de cinéma à la Sorbonne avant d'intégrer la Fémis à Paris.
De retour en Chine, il enseigne à l'Académie de Cinéma de Pékin au sein de laquelle il exerce toujours aujourd'hui. Farouche défenseur des films indépendants chinois, il crée en 2004 le Festival des films indépendants de Chine qui se déroule à Nankin.
Dans le cadre d'une carte blanche de ce festival, il présente quatre films indépendants chinois emblématiques d'un cinéma en plein essor qui réussit, par-delà les contraintes économiques et politiques, à inventer de nouvelles formes esthétiques et poétiques.

 




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Interview de Clément Magar,
par Emmanuel Goyet, le 4 février 2013 au Forum des Images, Paris. © Pierre Normann Granier, © FranceFineArt.

Clément Magar est directeur adjoint du Beijing First Film Festival.
Le festival est organisé par la société de production Legend Film, fondée en 2007 à Pékin par Wen Wu.

 


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Une question d'Anne-Frédérique Fer à Bérénice Reynaud, pour FranceFineArt.

 

Bérénice Reynaud, vous êtes spécialiste du cinéma chinois. Le forum des images vous a invité à réaliser une carte Blanche pour le cycle De Pékin à Taipei, 1 000 visages de la Chine sous le titre Underground/Expérimental : fragments de villes.
Ce sont des films d’artistes plasticiens, pourriez-vous nous expliquer comment c’est passé votre sélection ?


Parmi les sept artistes dont je montre le travail, seulement trois viennent du monde de l’art. Yang Fudong a étudié la peinture dans la célèbre école d’art de Hangzhou, mais il s’est très vite orienté vers la photographie et la vidéo. Cependant, il était « hanté » par le cinéma, en particulier par le cinéma qu’il ne pouvait pas voir, mais qu’il pouvait reconstituer dans son imaginaire à partir de lectures et de photos : le légendaire cinéma chinois des années 30 et 40, le cinéma d’auteur européen ou américain (de Fellini à Jim Jarmusch). Il est amoureux du grain de la pellicule argentique noir et blanc. Je l’ai découvert son premier film, An Estranged Paradise (1997-2002) par une amie, Liu Jie Falin, qui est diplômée de l’Institut de Cinéma de Pékin et l’auteure du roman dont Love and Bruises de Lou Ye est l’adaptation. Je suis correspondante de festivals de cinéma (San Sebastian, La Viennale) et je cherchais des films chinois pour eux. Par la suite, j’ai montré ce premier film au cours d’une des séries de cinéma chinois que j’organise tous les deux ou trois ans à Los Angeles en collaboration avec la conservatrice Cheng-Sim Lim. Tout en restant dans le monde de l’art, Yang Fudong a pu continuer à expérimenter avec la pellicule 35 en noir et blanc, en particulier la série Seven Intellectuals in Bamboo Garden (2003-2007) dont j’ai montré le dernier épisode au forum des images. Il a eu la chance de rencontrer un galeriste intelligent, Lorenz Helbling, de ShanghArt Gallery, qui l’a encouragé, ainsi que Marian Goodman, qui le représente à New York et à Paris. Lorenz et moi avons un dialogue sur les rapports entre le monde de l’art et le monde du cinéma, ce qui ne va pas toujours de soi, ni en Chine ni ailleurs. Il comprend que je viens d’un point de vue cinéphilique, et m’a fait découvrir un certain nombre d’artistes qui travaillent à la fois la photo ou le dessin et la peinture ou la performance ainsi que l’image animée, que ce soit en argentique ou en numérique : le peintre/animateur Sun Xun, le photographe/ vidéaste Chen Xiaoyun, le performance artiste/cinéaste Zhao Bandi, etc… Je ne pouvais montrer qu’un nombre restreint de titres dans cette carte blanche, je n’ai fait que poser quelques jalons.

Pour évoquer ma découverte de Meishi Street, de Ou Ning et Cao Fei, je dois revenir en arrière. Au début des années 90, dans une série de festivals (Vancouver, Hong Kong, La Viennale), j’ai pu voir les premières œuvres de ce qu’on a appelé « le Nouveau Documentaire Chinois », une redécouverte spontanée du « cinéma-vérité » née dans les cendres du mouvement de juin 1989. Je suis devenue amie avec l’un de ces cinéastes documentaires, Wu Wenguang, qui a joué un rôle fondamental dans ce sens. (Le cycle a montré un de ses derniers films, Fuck Cinema) et il est devenu mon fil conducteur, et m’a présenté un grand nombre de jeunes cinéastes. Il m’a aussi fait rencontrer Zhang Yaxuan, qui est critique spécialisée dans la cinéma chinois indépendant, conservatrice, archiviste etc… ainsi que cinéaste elle-même. Je suis allée lui rendre visite dans un espace qu’elle gérait alors, et où elle avait toute une archive de cinéma indépendant, avec une salle de projection etc.. J’étais avec un groupe d’étudiants de la CAFA (Central Academy of Art à Pékin) à qui j’avais donné une série de conférences sur « le documentaire expérimental », mais il faut comprendre qu’il est souvent difficile pour les jeunes chinois d’avoir accès au cinéma indépendant de leur propre pays, parce qu’il fonctionne « sous le radar », n’étant pas reconnu par le Bureau du Cinéma. Mais il y a des gens comme Zhang Yaxuan, ou un autre de mes guides et amis, Zhang Xianmin, que vous avez interviewé, qui essaient de changer les choses. Donc Zhang Yaxuan a organisé une projection de plusieurs films pour nous, dont Meishi Street. Plus qu’un plasticien, je qualifierai Ou Ning d’activiste multi-disciplinaire : il a fondé U-theque Organization pour la diffusion du cinéma indépendant, il a été commissaire d’un certain nombre d’expositions en Chine ou dans des enceintes européennes prestigieuses, écrit et publie beaucoup, en particulier dans son blog, et dans le magazine bilingue, Chutzpah, qu’il publie 2011. Les deux films de lui que j’ai programmés sont des projets collectifs. Il a travaillé avec des membres de U-theque pour The San Yuan Li Project (montré à la Biennale de Venise). Ensuite il a monté The Dazhalan Project, qui existe sous forme de web art, de photo, d’installation, de publication, et dont Meishi Street est la composante vidéo. Pour le projet, il a travaillé avec des activistes du quartier en voie de démolition, ainsi qu’avec un groupe de plasticiens (dont Cao Fei, très connue maintenant pour ses installations) et de cinéastes.

Un des collaborateurs de Dazhalan Project était Huang Weikai, qui est diplômé de l’Ecole d’Art de Canton, mais s’est mis très vite à faire des films. J’ai découvert son travail quand son premier long-métrage, Floating (2005) est passé au Festival de Hong Kong. Je passe son second long métrage, Désordre, qui est d’une audace et d’une imagination exceptionnelle dans l’usage du « document d’archive » pour capturer le pouls d’une grande métropole du sud. Emile Breton qui vu le film quand je l’ai passé à San Sebastian, a écrit de telles belles choses sur le film ; c’est aussi une redéfinition de ce que c’est que le cinéma. Je pense que c’est un autre ami, Zhu Rikun, qui m’a passé le DVD de Désordre. Zhou Rikun est un producteur de cinéma indépendant qui a organisé, parfois à risque personnel, plusieurs festivals et manifestations de cinéma indépendant. Il m’a fait découvrir un nombre extraordinaire de cinéastes. Je le connais grâce à Cui Zi’en ; j’étais un jour dans l’appartement de ce dernier, et il a décroché la téléphone et a appelé Zhu Rikun, juste comme ça. Dans les 24 heures j’étais sur un podium en train de donner un speech dans un festival de cinéma indépendant. La photo que je vous envoie a été prise là. La personne qui traduisait pour moi était une amie de Cui Zi’en, YangYang, qui a par la suite travaillé avec Zhu Rikun et Cui Zi’en sur le Queer Film Festival de Pékin, toujours menacé de censure et de représailles policières. C’est d’autant plus admirable que YangYang et Zhu Rikun sont hétérosexuels, mais ils pensent – tout comme Zhang Yuan, qui a réalisé avec East Palace West Palace (1996), le premier film gay chinois – qu’il n’y aura pas de liberté en Chine ni dans le cinéma chinois tant que les homosexuels et le cinéma gay sera persécuté. Le cycle du Forum des Images passe le premier film de YangYang, Our Story, sur l’histoire du Queer Festival de Pékin, avant le film de Cui Zi’en, Comrade China/Queer China.

Je ne me souviens plus de comment j’ai rencontré Cui Zi’en, mais c’est une présence incontournable. Il est Professeur de cinéma à l’Institut de Pékin, mais on lui a retiré la plupart de ses classes en raison de son activisme gay. Ils ne peuvent pas le virer parce qu’il ne fait rien d’illégal, donc ils sont obligés de lui payer son salaire. C’est une des contradictions de la censure. Il en a profité, depuis 2001, pour réaliser un grand nombre de films expérimentaux super-fauchés, en numérique, avec des acteurs en grande partie non professionnels. Comrade China est son film le plus didactique. Le reste de son œuvre, dont j’ai essayé de donner un aperçu avec Night Scene, est beaucoup plus fou, libre, avec pas mal de nudité, de situations absurdes qui mettent en avant l’aspect franchement surréaliste de la vie des homosexuels chinois. Cui Zi’en est aussi le premier homme gay à s’être exprimé à ce sujet à la télévision. J’ai beaucoup de respect et d’amitié pour lui.

Ying Liang est quelqu’un dont j’ai découvert le premier film, Taking Father Home (2005) au Festival de Hong Kong. J’ai continué à suivre son travail grâce à Zhu Rikun ainsi qu’à son vaillant distributeur, Jonathan Hung d’IndieBlue à Hong Kong. Ying Liang a fait des études de mise en scène à l’Institut de Cinéma de Chongqing. C’est un vrai cinéaste, un cinéphile mordu. On est finalement rencontrés au Festival de Shanghai, puis on s’est pas mal vus à Hong Kong où il enseigne pour le moment. Nous sommes allés voir Le Cheval de Turin ensemble. Quand il vivait dans le Sichuan, il dirigeait un festival de cinéma indépendant. C’est sans nul doute un des cinéastes les plus brillants de sa génération, avec une élégance et une rigueur de mise en scène rarement égalées. The Other Half,, que j’ai montré dans ma carte blanche, est un joyau. C’est d’autant plus dommage que, après avoir réalisé un film qui touche à la peine de mort, When Night Falls (2012), Ying Liang se soit attiré des ennuis avec le gouvernement chinois. Pour le moment, il ne peut plus rentrer en Chine. Son film n’est pas « militant », c’est une grande œuvre de cinéma, qui a remporté deux Léopards d’Or à Locarno. Tout ce qu’il demande, c’est qu’on lui permette de continuer à faire des films.

Une des mes grandes joies a été de présenter Liu Jiayin à Ying Liang, qui adore son cinéma. Liu Jiayin est incontestablement un génie. A 23 ans, avec son premier film, Oxhide, elle remportait le prix de la FIPRESCI à Berlin, et MK2 le distribuait dans les cinémas parisiens. Je crois que c’est cet infatigable globe-trotter du cinéma asiatique, Tony Rayns, qui avait déniché le film – qu’il a ensuite montré à Vancouver, tout comme il m’avait permis de découvrir les premiers films de Wu Wenguang. J’entretiens maintenant des rapports d’amitié avec Liu Jiayin, dont j’ai montré les films à Los Angeles et San Sebastian. Elle a une vison singulière, une vraie culture cinéphilique, une grande rigueur esthétique et un culot du diable pour aller jusqu’au bout de son esthétique : 3 personnes, un petit appartement, des petites histoires de tous les jours (fabriquer des sacs en cuir, faire la cuisine, se disputer avec ses parents), le huis clos de la famille unique, tout cela en 23 plans-séquences pour le premier film, 9 pour le second, Coupés au cordeau. Et, si on se laisse aller, ça marche, et c’est très drôle, et même, quand on y réfléchit, poignant. L’amour, dans un appartement pékinois de 50 mètres carrés, ça veut dire quoi ?

Enfin je n’ai pas pu résister, bien que ce soit un Taiwanais de Malaisie (c’est une histoire compliquée) mais bon, un Chinois. Au dernier festival de Hong Kong, j’avais vu Walker de Tsai Ming Liang, que je n’ai pas besoin de présenter. C’est un des plus beaux films que j’ai vus sur la dérive que présente l’urbanisme chinois. Un homme au crâne rasé, habillé en moine, dans lequel je reconnais le héros des Rebelles du dieu néon et Vive l’Amour marche, o, si lentement, dans un Hong Kong transformé en Babylone de la diaspora chinoise et du capitalisme avancé. C’est ça le cinéma : un homme qui marche.

 

 


 

extrait du communiqué de presse :

 

La programmation De Pékin à Taipei, 1 000 visages de la Chine a été élaborée par Zeynep Jouvenaux et Chantal Gabriel, programmatrices du Forum des images, assistées d’Issei Morimoto et Xinyu Zhou. 
Conseillers artistiques : Jean-Michel Frodon, Wafa Ghermani, Damien Paccellieri, Luisa Prudentino, Bérénice Reynaud.

 

Le programme : http://www.forumdesimages.fr/fdi/Cycles/De-Pekin-a-Taipei-1-000-visages-de-la-Chine

 

Loin des traditions ancestrales, la Chine connaît de profondes mutations politiques, sociales et culturelles. La ville et ses citadins en sont le reflet, à l’image du cinéma qui déploie des imaginaires où se mêlent fiction et réalité, puissance symbolique et critique sociale.
A partir du 9 janvier, le Forum des images invite le public à pénétrer l’âme et les villes d’1,3 milliard de Chinois, loin des stéréotypes et du folklore, avec une programmation cinématographique inédite, éclairée par des débats et la présence de nombreux invités.
Ce portrait de la Chine contemporaine réunit plus de 80 films - fictions, documentaires, films noirs ou comédies - qui mettent en scène la réalité de ces mégalopoles en mutation, dont la singularité et les dualités ont façonné l’histoire collective : Pékin, symbole du pouvoir politique, Shanghai, la ville-cinéma, Taipei et son identité fragmentée, Hong Kong et son statut particulier.
Projections en avant-première (Full Circle de Zhang Yang le 9 janvier à 20h00, Mystery de Lou Ye, le 20 février à 20h00), découvertes du cinéma indépendant (Piercing de Liu Jian, N°89 Shimen Road de Shu Haolun), hommage à l’acteur Jia Hongsheng (Frozen de Wang Xiaoshuai) côtoient les oeuvres de réalisateurs emblématiques tels que Jia Zang-ke (I wish I knew), Hou Hsiao-hsien (Fleurs de Shanghai) et Wang Chao (Voiture de luxe).
Pendant 2 mois, le Forum des images va accueillir de nombreux cinéastes qui viennent présenter une sélection de leurs films et débattre avec les spectateurs.
A commencer par les réalisateurs Zhang Yang (Spicy Love Soup, Getting Home, du 9 au 12 janvier) et Wang Xiaoshuai (Beijing Bicycle, Shanghai Dreams, les 19 et 20 janvier).
En février, les spectateurs rencontreront Cui Zi’en, figure du cinéma underground et du mouvement gay (« Comrade » China, les 9 et 10 février) et Lou Ye, cinéaste reconnu sur la scène internationale (Suzhou River, Mystery, le 20 février).
Deux femmes sont aussi à l’honneur dans ce programme : les cinéastes Peng Xiaolian, attachée à sa ville de prédilection Shanghai, (les 25 et 26 janvier) et Ning Ying, qui scrute la vie pékinoise (les 15 et 17 février).
Figure incontestable du cinéma chinois, Wu Tianming (les 9 et 10 janvier), Isabelle Glachant, la productrice française (24 janvier), Zhang Xianmin, fondateur du Festival des films indépendants de Chine (30 et 31 janvier) et des spécialistes du monde contemporain chinois sont également les hôtes du Forum des images.
Parmi eux, Jean-Michel Frodon (critique de cinéma et écrivain), Luisa Prudentino (sinologue et spécialiste du cinéma chinois), Brigitte Duzan (écrivain et linguiste) ou encore Damien Paccellieri (spécialiste du cinéma chinois) accompagnent les projections de certains films et sont les auteurs de cours de cinéma, en lien avec le cycle.
Entre tradition et modernité, multitude et diversité, fascination et mystère, ce portrait de la Chine d’aujourd’hui, en films, en images et en rencontres, est unique.

Présentation – texte de Jean-Michel Frodon
C’est très simple, très compliqué, et finalement assez simple. Très simple : depuis son apparition en Chine – première projection Lumière en 1899, premier tournage par des Chinois en 1905 –, le cinéma montre ce qui arrive là, comme il le fait partout ailleurs. Et ce qui arrive là, c’est d’abord l’éveil du vieil Empire du Milieu à la modernité, et en particulier l’urbanisation, notamment dans la métropole métisse qu’est Shanghai, berceau et longtemps capitale du cinéma chinois.
C’est très compliqué, parce qu’il y a plusieurs histoires, plusieurs Chines, et plusieurs cinémas. Il y a l’histoire violente de l’exploitation de la Chine par les puissances occidentales et le Japon, l’histoire d’une des premières révolutions du siècle (en 1911) et d’une des premières républiques non-occidentales, l’histoire d’un enchaînement de guerres civiles et étrangères, d’une occupation sanglante par le Japon, de la résistance et de la victoire des communistes en 1949, de la sécession de Taiwan, de transformations extrêmes et de tragédies immenses, depuis le Grand Bond en avant jusqu’à l’actuelle domination des marchés boursiers en passant par la Révolution culturelle.
Il y a “la Chine”, continent immense, langue, culture, pensée, histoire plurimillénaire, et la République de Chine, la République populaire de Chine, Taiwan, Hong Kong, Macau, les diasporas chinoises dans le reste de l’Asie et sur la côte ouest de l’Amérique. Et puis les Chines imaginées par les Occidentaux, eldorados orientalisants, enfers du jeu et de l’opium, paradis révolutionnaires dont les lendemains déchanteront.
Il y a le cinéma scandé, en Chine continentale, par des “générations” qui désignent non seulement des époques mais des états entièrement différents : naissance des studios à l’époque du muet sur le modèle hollywoodien, activisme progressiste à Shanghai sur fond de guerre civile, cinéma militant pendant la guerre de résistance anti-japonaise, studios officiels sur le modèle soviétique dans les années 50, destruction pendant la Révolution culturelle, renaissance avec les stylistes de la 5e génération dans les années 80, émergence du documentaire critique et de formes alternatives influencées par le numérique, volonté officielle de rivaliser avec Hollywood.
Mais encore génie du film de genre avec les arts martiaux hongkongais, apparition d’immenses artistes singuliers à Taiwan, complexité des productions par et pour les diasporas.
Et finalement assez simple : dans sa multiplicité et ses contradictions, le(s) cinéma(s) chinois témoigne(nt) de la destruction des villes par les guerres et les crises, raconte(nt) les modes de vie traditionnels dans les ruelles et les maisons collectives, la singularité des hutong du vieux Pékin et le cosmopolitisme fondateur de Shanghai, donne(nt) à voir ce qui est chinois dans toutes les villes chinoises, aussi bien à San Francisco, Vancouver ou Kuala Lumpur que dans le désert de Gobi ou sur les côtes du Shandong.
Dans la dynamique de ses élans et de ses retournements, par les films noirs, les comédies et les romances aussi bien que grâce aux œuvres réalistes dénonçant excès, absurdités et tragédies, ont été documentés le surgissement foudroyant des immenses métropoles modernes, leur violence, leurs beautés, la rapidité de leur mutation, leur capacité à imiter, absorber, transformer les influences étrangères.
Jean-Michel Frodon, journaliste, critique, écrivain et enseignant.