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“Jors” Réalisme paradoxal
à la Voz'Galerie, Boulogne Billancourt

du 25 janvier au 4 mai 2013



http://www.vozimage.com

 

 

© Anne-Frédérique Fer, le 24 janvier 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  © Jors, Naine jaune, 2007.
2/  © Jors, A la croisée.
3/  © Jors, Nature morte de vanité – Mur, 2003.

 

extrait du communiqué de presse :

 

Qu’il travaille en couleurs ou en noir et blanc, c’est toujours avec un grand talent que Jors transpose et magnifie le paysage à travers des photographies éminemment picturales empreintes de mystère et d’étrangeté où la lumière tient une place prépondérante, où la brume révèle plus qu’elle ne dissimule, structurant les plans dans de subtiles compositions. Qu’elles soient saisies dans le parc du château de Versailles, le long d’une route de campagne, d’une digue de bords de mer ou dans l’entre-deux d’une zone urbaine, ses photographies offrent différents niveaux de lecture invitant tantôt le spectateur à se perdre dans la géométrie des plans, tantôt à découvrir un détail qui vient redéfinir la lecture de l’image.
Mais la nature – fût-elle versaillaise - n’a pas seule le privilège de son oeil, Jors évolue aussi en terrain urbain où il n’aime rien tant que capter la fantaisie qui s’immisce dans le quotidien, l’absurde qui vient enrayer la routine. Jors s’amuse des paradoxes. Dans cet inventaire à la Prévert que forme la série des «Urbs», on trouve pêle-mêle : une ribambelle de chaussettes séchant sur une palissade de chantier, une vache de pacotille broutant près d’un immeuble de banlieue ou des enfants regardant le ciel par le trou de la serrure…
Autant d’images, autant de tableaux qui se découvrent comme on grimpe un escalier, selon différents degrés. Car au-delà de la fine carapace des apparences, Jors invite le spectateur à réinterpréter le spectacle de la réalité, à découvrir le voile fin de la poésie qui recouvre notre quotidien faisant sien le conseil de Flaubert au jeune Maupassant : à savoir celui de regarder un arbre dans un paysage jusqu’à ce que cet arbre ne ressemble plus à aucun autre, jusqu’à ce qu’il ait sa propre vérité.
Comme les mots, les compositions photographiques de Jors créent des rapports, précisent, distinguent, différencient jusqu’à avoir leur propre vérité, leur propre réalité, jusqu’à témoigner de ce « réalisme paradoxal » cher à l’auteur que l’on retrouve de manière souterraine et continue au fil de l’oeuvre qu’il construit.

Jors, Réalisme paradoxal. Texte de Suzy Chic
Jors n’aime pas beaucoup les idées reçues. Ni ses idées, ni son métier, il ne les a reçus : il lui a fallu les composer. Quand il prend en photo la réalité, on a curieusement l’impression qu’il l’a inventée. Après tout, ne dit-on pas de celui qui découvre un trésor, qu’il en est l’inventeur ? Alors, comme à un élève qui aurait rendu une trop bonne copie, on le soupçonne d’avoir triché. L’ordre qu’il met dans ses photos, risque carrément de nous les faire prendre pour des peintures, des montages, des collages. Après ce stade d’authentification auquel l’esprit immanquablement se livre — surtout depuis l’ère de l’image numérique — il entre dans le sujet. Ici la photo n’a pas de sujet : elle est le sujet.
Agissante, elle nous situe dans un espace et un temps, qui, avec la lumière, sont l’objet de son travail. Par son positionnement en même temps que son attitude, Jors nous donne accès à des situations inédites, dans lesquelles ce que traditionnellement on appelle le sujet (paysage, portrait, nature morte), est abandonné ; au profit d’un travail de synchronisation sublimant la vie.
Jors cherche à capter dans la réalité ce qui est inconcevable. Il appelle cette démarche «le Réalisme Paradoxal». Paradoxal, car on s’était habitué à applaudir le plausible dans le réalisme, alors que lui ; cherche à faire vaciller les limites du réel par un simple positionnement spatio-temporel, un point de vue. Il produit ainsi des images que l’esprit juge impossibles. Ce qu’il y a de paradoxal et que la fiction ne peut s’offrir, c’est que chacune de ses photos est une trace du monde objectif, alors que cette trace est subjective. N’entre t-on pas alors à nouveau dans la fiction par cette maitrise absolue du temps et de l’espace ? Puisque nous ne saurions voir ces images au naturel... Le cadrage, n’est-il pas un mensonge par omission ? Jors de citer la préface de l’oeuvre de Maupassant « Pierre et Jean » : «Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner une vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.» Ce qu’il y a de plus probant, c’est la poésie révélée par ses images.
Suzy Chic