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“Homo capax” par Mårten Medbo
à l’Institut suédois, Paris

du 15 février au 7 avril 2013  (prolongation jusqu'au 21 avril 2013)



www.institutsuedois.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, le 20 février 2013 (et performance de Mårten Medbo, le 17 février).

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Légendes de gauche à droite :
1/  © Mårten Medbo.
2/  © Mårten Medbo.
3/  © Mårten Medbo.


extrait du communiqué de presse

 

”Certains disent que mon travail est effrayant, dégoûtant, voire cauchemardesque. D’autres y voient de la beauté. J’aime montrer l’inattendu pour provoquer l’étonnement et la stupéfaction, et révéler l’enfant qui sommeille en chacun de nous.” Mårten Medbo


Le travail de Mårten Medbo, un des plus grands céramistes contemporains suédois, ne cesse de briser les limites entre l’art, le design et l’artisanat. Il utilise ce dernier tel un héritage puis s’en éloigne tant sa direction, théorique et conceptuelle, devient académique. Ces trois disciplines lui étant incontestablement acquises, les oeuvres de Medbo n’apparaissent alors que sous leur dimension artistique. L’artiste travaille la céramique et le verre, ses deux matières de prédilection, toujours avec une grande liberté. Il approche ces médias de façon non conventionnelle, en leur ajoutant des traitements d’une extravagante variété, avec pour résultat des jeux de surface aux effets surprenants. Dans sa série Creatures, la céramique, matériau dur une fois cuit, paraît aussi douce que le pelage d’un phoque et aussi vivante que le corps d’un animal.

”Je suis profondément imprégné par les matériaux que je travaille, j’entretiens une relation très intime avec eux. Leurs possibilités intrinsèques et la tradition qu’ils portent deviennent un langage que je m’approprie. Ils ont une langue propre qui permet d’exprimer l’indicible. Dans mon expression, je cherche quelque chose d’immédiat, que l’on ressent par le corps, via le coeur ou le ventre, avant que le cerveau et l’intellect n’entrent en jeu.”

Mårten Medbo puise son inspiration de l’île de Gotland, en pleine mer baltique, sur laquelle il vit. Son travail balaie le spectre de la nature, partant de la cellule organique d’origine, puis l’agglomérat cellulaire. Ses sculptures paraissent avoir été congelées pendant leur processus de croissance organique. Leurs structures semblent être sur le point de se détacher de leur propre logique ; elles se libèrent, s’élèvent et commencent même leur mutation.
Puis les formes prennent vie par le biais de représentations d’ours en peluches ou de petits singes. La société apparaît au fil des scènes de la vie quotidienne dont ces espèces deviennent les acteurs principaux. Les nounours endossent à travers des tableaux le rôle de pompiers - Medbo est lui-même volontaire sur son île - confrontés au hasard de la vie, aux accidents, à la nécessité de sauver leurs frères d’armes… Les petits singes gris et noirs, eux, représentent la société des enfants, avec ses règles tantôt brutales, tantôt empreintes de solidarité et de compassion. L’artiste les met en scène dans les cours de récréation que nous avons tous connues : les uns cognent, tirent ou regardent, les autres encaissent les coups. On aperçoit dans un regard fuyant une larme au coin de l’oeil, quelques gouttes de sang qui coulent du nez dans une main ouverte.
Dans ses dernières oeuvres présentées à la Galerie NeC, l’artiste articule son travail autour de la condition humaine. Dans cette série, qui est la continuité de Créatures (série réalisée pendant sa résidence au Centre d’Art de John Michael Kholer aux Etats-Unis), Medbo s’interroge sur la nature de l’homme, son enfermement et le regard qu’il porte sur le monde. Pour lui, l’être humain est prisonnier de la perception qu’il a de lui même et par conséquent du monde dans lequel il vit et qu’il crée. Il s’interroge sur la morale et ses barrières, et l’isolement dans lequel l’homme peut s’engloutir en faisant allusion à la solitude humaine semblable à une île perdue dans l’océan. A force de manipulation de la matière et de destruction, Medbo laisse apparaître une forme humaine à l’aspect incertain au-delà de toute convenance figurative. Son choix de matériau se porte cette fois-ci sur le grès et attaché à la valorisation du sujet, il utilise une palette de teintes sourdes, le noir et le blanc.

Plusieurs fois primé, Mårten Medbo consacre la plupart de son temps à réaliser des commandes publiques et à monter des expositions à travers le monde. Depuis 2010, il prépare une thèse sur la représentation de l’artisanat et des métiers d’art comme mode d’expression contemporaine, et non plus comme une opposition à l’industrialisme ou à une technique liée aux objets fonctionnels.

C’est dans cette démarche que s’inscrit l’installation Homo Capax, « homme responsable de ses propres actions », selon l’expression du philosophe français Paul Ricoeur, qu’il présente dans une des salles de l’Institut suédois.
Cette installation illustre les souvenirs de son premier emploi d’été en 1987 à la manufacture de porcelaine de Gustavsberg. Alors que Mårten Medbo avait envisagé d’oeuvrer avec les autres céramistes expérimentés à la création de formes inédites, il se retrouve installé dans une cage de verre, au beau milieu de la cafétéria du musée, devant un tour, pour divertir les visiteurs. Par chance, l’un des doyens de la manufacture prit son mal en pitié, et consacra de longues heures à former ce céramiste en herbe pour lui transmettre un savoir faire ancestral. Cependant, un accident marquera durablement la conception que Medbo avait des métiers d’art : un chariot qui transportait des vases de sa création par dizaines, se renverse, détruisant ainsi toute sa production. II fut soudain envahi d’un sentiment de vacuité. Alors qu’il commençait tout juste à s’inscrire dans cette tradition, cet accident remet en question ce matériau et son mode d’expression. Il lui faudra des années avant de redonner un sens au tournage.
L’installation Homo Capax, éponyme de l’exposition jumelée à la Galerie Nec et à l’Institut suédois, renvoie aux souvenirs contradictoires de son expérience à Gustavsberg, et illustre la consommation des objets industriels par la société contemporaine et le regard que cette dernière porte sur le travail artisanal. Quelle relation existe-t-il entre la demande excessive d’objets à bas prix et la valeur accordée aux connaissances pratiques et empiriques?