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“Marie Laurencin” (1883-1956)
au musée Marmottan-Monet, Paris

du 21 février au 30 juin 2013 (prolongée jusqu'au 21 juillet 2013)



marmottan.com

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 20 février 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Marie Laurencin, vers 1925 – Droits réservés / Archives Daniel Marchesseau.
2/  Marie Laurencin, Danseuses, vers 1939. Huile sur toile 65 x 81 cm– Musée d’Art Moderne de la ville de Paris – Marie Laurencin, Danseuses, vers 1939 © Adagp, Paris 2012.
3/  Marie Laurencin, Autoportrait, vers 1905. Huile sur panneau 40 x 30 cm – Musée Marie Laurencin, Nagano-Ken, Japon – Marie Laurencin, Autoportrait, vers 1905 © Adagp, Paris 2012.

 


texte de Mireille Besnard pour FranceFineArt

 

C'est toujours un moment fort que celui de saisir l'œuvre d'un artiste à travers le temps. C'est ce qui nous est donné de faire dans l'exposition que consacre le musée Marmottan jusqu'au 30 juin 2013 à Marie Laurencin. Cette rétrospective, rendue grandement possible grâce au prêt du Musée Marie Laurencin au Japon, permet aussi au public de redécouvrir une artiste française regrettablement tombée dans l'oubli.

Première femme peintre
Première femme-peintre à avoir connu le succès en France, Marie Laurencin était une personne libre, qui n'hésita pas à se démarquer des avant-gardes et de ses compères cubistes du Bateau-lavoir pour élaborer une peinture très personnelle, souvent taxée de décorative et mièvre, mais qui offrait un univers particulier, fait certes de rubans et de couleurs pastels, mais aussi composé de formes presque exclusivement féminines qui dévoilaient une homosexualité à peine déguisée.

Pratique de l’autoportrait
De la période cubiste aux peintures plus tardives, on est toujours saisi par la force des portraits individuels ou de groupe. Les profils de Picasso et d'Apollinaire, dont elle fut longtemps l'amante, se fixent durablement dans la mémoire. Elle était d'ailleurs une portraitiste recherchée. A Marmottan, on peut admirer notamment ceux de Jean Cocteau ou de Coco Chanel. Comme une autre artiste, longtemps ignorée, Claude Cahun, homosexuelle qui fréquenta les avant-gardes, Marie Laurencin pratiquait abondamment l'autoportrait dans une recherche identitaire, qui pourtant l'amena vers une esthétique très différente de celle de la photographe installée sur l'île de Jersey.

Un peu triste et mélancolique
Dès 1911, son univers s'affirme dans ses toiles. Elles représentent essentiellement des femmes, accompagnées parfois d'animaux domestiques ou de chevaux. Elles sont souvent installées dans des postures lascives, câlines ou amoureuses, dans des espaces souvent indéterminés et flottants. Ces femmes ont toutes un regard un peu triste et mélancolique, même celles qui sont représentées en groupe, dansant et s'amusant au château. Par ailleurs, l'évolution de la peinture de Marie Laurencin est aussi très marquée par la dégradation physique de l'artiste. Atteinte progressivement d'une très forte myopie, les traits et les détails finissent par disparaitre ; sa palette se fait plus rouge, même si le rose domine toujours.

En venant au musée Marmottan, peut –être aurez-vous l'occasion d'échanger quelques mots avec Hirohisha Takano, le directeur du musée Marie Laurencin au Japon. Il chantonne un français littéraire d'une voix rocailleuse et chaude et a une jolie histoire, mais un peu triste, à raconter. Lors de son premier voyage à Paris, son père fit l'acquisition d'une toile de Marie Laurencin pour sa femme, et devint peu à peu son principal collectionneur. C'est le succès d'une salle consacrée à ses toiles, dans l'hôtel touristique tenu par la famille qui mena à l'ouverture d'un musée tout entier. Malheureusement, avec la crise et surtout le séisme qu'a connu le Japon, l'activité familiale a périclité. Mais les Takano qui ont réuni plus de 600 pièces ayant appartenu à l'artiste veulent conserver l'intégralité de la collection et cherchent des appuis qui permettraient la réouverture du musée. Cette fois, le coup de cœur pourrait-il venir de France ?

Mireille Besnard

 

 


extrait du communiqué de presse

 

commissariat
Daniel Marchesseau, Conservateur général du Patrimoine Directeur honoraire Musée de la Vie Romantique
Hirohisa Yoshizawa, Directeur Musée Marie Laurencin, Japon
Coordination : Lauranne Neveu, Attachée de conservation au musée Marmottan Monet

 

Le musée Marmottan Monet rend un vibrant hommage à Marie Laurencin, une des femmes-peintres parmi les plus célèbres du xxe siècle. Cette exposition est la première à être organisée dans un musée français pour rendre justice à un des pinceaux les plus séduisants de la première moitié du siècle. Sa redécouverte permettra, plus de cinquante ans après sa mort et pour célébrer le cent trentième anniversaire de sa naissance, de redonner sa place, longtemps occupée sur la scène artistique parisienne, à celle dont Matisse disait : « Au moins, en voilà une qui n’est pas qu’une fauvette ».
Enfant naturelle, élevée non loin de Montmartre par une mère couturière exigeante et silencieuse, Marie est brièvement formée à l’Académie Humbert où Georges Braque est son condisciple. Henri-Pierre Roché l’encourage. Bientôt, elle fréquente le Bateau-Lavoir et Picasso la présente en 1907 à Wilhelm de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire. Immédiatement André Salmon, Le Douanier Rousseau, Max Jacob, Gertrude Stein l’adoptent avant le grand Jacques Doucet, Paul Poiret et sa soeur Nicole Groult. « Prise au piège entre les fauves et les cubistes », Laurencin, vingt-cinq ans en 1908, séduit d’abord par l’originalité de ses points de vue, son timbre et sa conversation. Mais, défendue par Apollinaire, elle s’impose rapidement au Salon et participe à la Maison cubiste, comme à l’Armory Show à New York. Cette période qui reste la plus singulière, démontre un sens inné du portrait classique et une modernité soutenue par une palette en camaïeux de gris, bleus et ocres, cernés de noirs.
Après un douloureux exil de quatre ans en Espagne pendant la Grande Guerre, Marie Laurencin, divorcée d’un peintre allemand francophile, Otto Van Wätjen, s’affranchit durant « les années folles » et vit très librement au sein de l’Ecole de Paris pendant la période Art Déco. Le marchand Paul Rosenberg lui signe un contrat et contribue par ses expositions à sa notoriété. Son tropisme naturel l’inclinant vers une grâce féminine non dénuée de saphisme lui inspire une peinture de chevalet toute « laurencine », qui s’inscrit avec élégance et intensité dans l’art décoratif de son temps. Elle est alors la portraitiste très prisée d’une société choisie où règnent la Baronne Gourgaud, la Comtesse Etienne de Beaumont ou Lady Cunard, entourées d’amis masculins dont le brillant Jean Cocteau. Ses amitiés lui inspirent en particulier de nombreuses variations comme autant d’autoportraits autour d’un éternel féminin : rondes de jeunes filles aux effigies intemporelles qu’elle pare volontiers de perles ou de fleurs. Dans sa maturité, Marie Laurencin préfère la compagnie des écrivains à celle des peintres dont elle admire avec trop de modestie l’éclatante réussite. Jusqu’au soir de sa vie, elle continue à réinventer un monde de rêveries dont la fraîcheur élégiaque est la plus poétique des qualités.
Parmi les quelques quatre-vingt-dix oeuvres rassemblées au musée Marmottan Monet, une large majorité provient du musée que les mécènes japonais, M. Takano et son fils M. Yoshizawa, lui ont consacré depuis une trentaine d’années près de Tokyo. Nos amis nippons, en raison de leur sensibilité propre et de leur francophilie légendaire, ont été les premiers à avoir de Marie Laurencin, après sa disparition en 1956, une appréciation aussi fine. Ils ont su acquérir les oeuvres les plus abouties du peintre, relevant l’évolution subtile de sa facture et de son chromatisme au fil de cinquante ans de peinture. Plusieurs musées et collectionneurs français ont permis de compléter ce panorama aussi séduisant qu’emblématique de cette oeuvre qui participe pleinement du génie français au xxe siècle.