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“SOTO” dans la collection du Musée national d’art moderne
au Centre Pompidou, Paris

du 27 février au 20 mai 2013



www.centrepompidou.fr/

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 26 février 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Jesús Rafael Soto, Vibration jaune, 1965. Peinture acrylique sur bois et métal, fils de nylon, 106x106x20 cm. Dation, 2011 Centre Pompidou, MNAM-CCI / Georges Merguerditchian / Dist. RMN-GP. © Adagp, Paris 2013.
2/  Jesús Rafael Soto, Cuadrado tabaco y vibración, 2004. Peinture acrylique sur bois et métal peint, 102x102x17 cm. Dation, 2011, Centre Pompidou, MNAM-CCI / Georges Merguerditchian / Dist. RMN-GP. © Adagp, Paris 2013.



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Interview de Jean-Paul Ameline,
par Pierre Normann Granier, à Paris le 26 février 2013, © FranceFineArt.


extrait du communiqué de presse

Commissariat
Jean-Paul Ameline, conservateur au Musée national d’art moderne
Nathalie Ernoult, attachée de conservation
Laurence Fontaine, architecte/scénographe
Aurélie Gavelle, chargée de production

Le Centre Pompidou rend hommage à l’artiste vénézuélien Jesús Rafael Soto, disparu en 2005, l’une des figures majeures du développement du cinétisme en Europe, durant la seconde partie du 20ème siècle.
Jesús Rafael Soto était jusqu’à présent paradoxalement peu représenté dans les collections publiques françaises. La dation à l’État français par la famille de l’artiste, en 2011, de vingt oeuvres-clés, datées de 1955 à 2004, offre un ensemble exceptionnel qui permet de reconstituer le parcours d’un artiste majeur, célèbre pour ses Pénétrables. L’exposition retrace son itinéraire depuis ses premiers reliefs en plexiglas des années 1950 jusqu’aux volumes monumentaux des années 1990-2000.
Installé à Paris dès 1950, l’artiste élabore une oeuvre en constant dialogue avec les fondateurs de l’abstraction, Mondrian, Malevitch ou Moholy-Nagy, mais aussi avec ses contemporains Agam, Pol Bury, Yves Klein, Jean Tinguely, Daniel Spoerri. Dès les années 1960, Soto accède à une renommée internationale et expose notamment à Londres, Krefeld, Berne, Amsterdam, Bruxelles et Paris.
Dès 1979, le Centre Pompidou présente les oeuvres récentes de l’artiste. En 1987, une œuvre emblématique intitulée Volume virtuel , est commandée à Soto par l’Association des Amis du Centre Pompidou à l’occasion du 10ème anniversaire de l’institution. Cette oeuvre monumentale restera installée dans le Forum du Centre durant 10 ans, en témoignage des relations étroites nouées entre l’institution et l’artiste.
L’exposition sera accompagnée d’un catalogue publié aux Éditions du Centre Pompidou, sous la direction de Jean-Paul Ameline, commissaire de l’exposition.

Texte du commissaire, Jean-Paul Ameline
La dation Soto permet de saisir, dans sa rigueur et sa subtilité, un travail qui s’est inlassablement construit en dialogue avec les maîtres fondateurs de l’abstraction, Mondrian, Malevitch et Moholy-Nagy, mais aussi avec ses contemporains, au premier rang desquels Yves Klein et Jean Tinguely. En effet, les premières peintures parisiennes de Soto exposées au Salon des réalités nouvelles de 1951, l’année suivante de son installation à Paris, montrent déjà son projet de « faire bouger » Mondrian. Ses premières oeuvres présentées, des peintures sérielles, visent à rompre avec les règles canoniques des compositions abstraites pour organiser la succession rythmique des couleurs et des formes et suggérer leur mouvement optique. C’est en 1953 que Soto après avoir découvert, par les livres, les oeuvres de Moholy-Nagy, a pour la première fois recours au plexiglas pour réaliser ses nouvelles oeuvres abstraites. Des motifs y sont répétés deux fois, sur un fond de bois d’une part, puis sur une plaque en plexiglas placée à 20 cm en avant. Soto aboutit ainsi à des « éclatements perceptifs » qui vont se développer dans les années suivantes. Ces éclatements, selon le voeu de Soto, émancipent les formes géométriques et les plans colorés de leur statisme. Ils semblent vibrer et se mouvoir.
En 1955, Soto est invité par Denise René et Vasarely à exposer ses premiers plexiglas dans l’exposition « Le Mouvement ». Il y découvre la Rotative demi-sphère motorisée de Marcel Duchamp et s’en inspire pour réaliser dans les mois qui suivent sa Spirale en plexiglas. Celle-ci est en fait dédoublée : une spirale noire occupe le fond du panneau de bois qui la porte et laisse apparaître une spirale blanche peinte sur une feuille de plexiglas placée à l’avant-plan. Le déplacement du regard du spectateur engendre ainsi l’illusion de la rotation de la spirale. Prolifique dans les réalisations des oeuvres en plexiglas (on en compte 38 dans son travail), Soto arrêtera néanmoins leur production en 1958, refusant que sa recherche soit assimilée à un matériau. C’est à cette date qu’il adopte le métal sous forme de fines tiges ou de carrés monochromes confrontés à des fonds striés à la main en noir et blanc. Soumis à ce régime, tiges et carrés, placés en avant de ces fonds striés, semblent se doter d’une instabilité illusionniste. Cette aspiration à faire de l’œuvre d’art non pas un ensemble achevé de formes et de couleurs subtilement composées, mais un outil de saisie d’une réalité mouvante, rapproche l’artiste des nouveaux réalistes parisiens mais aussi des Allemands du groupe Zero (Mack, Piene, Uecker…) aux côtés desquels il expose à maintes reprises en ces années 1960-1965.
Au cours des années 1959-1962, des ferrailles usagées, le plus souvent trouvées, seront réemployées par Soto pour ses oeuvres. C’est ce que certains critiques appelleront sa période « baroque ». Proche alors de Daniel Spoerri et de Jean Tinguely, Soto fréquente les ferrailleurs et les marchés aux puces et cherche alors à se prouver qu’il peut « dissoudre » à l’aide de ses fonds striés n’importe quel élément métallique et le conduire à la dématérialisation par la vibration optique.
À partir de 1963, Soto abandonne les matériaux trouvés. Ses premières installations à partir de fils de fer neufs et librement mis en forme apparaissent en contrepoint de fonds régulièrement peints au tire-ligne : ce sont les Écritures. Au même moment, Soto commence également à utiliser les tiges suspendues à des fils de nylon devant des fonds striés. Il s’agit de trouver enfin la « vibration pure » dégagée de la poétique des matériaux trouvés. Les solutions auxquelles il aboutit seront pérennes. Par leur classicisme, elles se distinguent délibérément des jeux optiques montrés dans les expositions Op Art. S’opposant à celui-ci, Soto insiste sur la révélation, par ses oeuvres, du caractère cinétique du réel, marqué par la trilogie espace-durée-matière. Ainsi, en 1967, accroche-t-il dans la galerie Denise René son premier Pénétrable dans l’idée de s’inclure lui-même – et le visiteur avec lui – au milieu des tiges qui pendent du plafond. Le spectateur peut soit percevoir l’oeuvre optiquement de l’extérieur, soit la traverser et se placer à l’intérieur de l’ensemble constitué en s’y intégrant pour en devenir partie prenante. Le Volume suspendu (1968) proposé en dation fait donc partie de ces premières oeuvres impliquant le spectateur. Avec ses trois éléments (un panneau mural peint au tire-ligne et restauré après la mort de Soto, un premier volume vertical de tiges peintes en bleu et un deuxième volume vertical de tiges peintes en noir), il constitue, dans l’oeuvre de Soto, le chaînon manquant entre les oeuvres d’avant 1967 (où la vibration optique domine) et les Pénétrables au sens strict où la perception du spectateur est tout autant tactile que visuelle. « Avec le Pénétrable dit Soto, nous ne sommes plus des observateurs mais des parties constituantes du réel. L’homme n’est plus ici et le monde là. Il est dans le plein et c’est ce plein que je voudrais faire sentir avec mes œuvres enveloppantes. Il ne s’agit pas de rendre les gens fous, de les assommer d’effets optiques. Il s’agit de leur faire comprendre que nous baignons dans la trinité espace-temps-matière ».
Après 1975, l’oeuvre de Soto connaît une ultime évolution. Tandis que le cinétisme subit une éclipse dans l’actualité artistique, Soto, tout en répondant largement aux commandes d’oeuvres pour l’espace public et se prêtant à de multiples expositions rétrospectives en musées, donne à son œuvre une rigueur nouvelle en revenant aux reliefs où les carrés colorés jouent à nouveau un rôle essentiel.
Au cours des années 1980, une série d’oeuvres mobilise les recherches de Soto : c’est la série des Ambivalences, issue de ses réflexions sur la dernière période de travail de Mondrian, celle qui culmine avec les Boogie Woogie dans lesquels la couleur éclate en multiples petits carrés disposés sur toute la surface de la toile. Comme Mondrian, Soto disperse ses carrés de couleurs sur ses fonds striés en les plaçant à la fois en opposition à ceux-ci mais aussi en contrepoint les uns par rapport aux autres. Chaque couleur, portée par des carrés de dimensions différentes (mais tous situés dans le même plan du tableau), semble réagir à sa manière par rapport à ses voisines et donner au spectateur la sensation optique que le carré qui la porte est plus ou moins en avant du plan du tableau.
On le voit, la dation Soto, par son ampleur, par sa diversité et par la qualité muséale des oeuvres proposées, permet aux collections publiques françaises de se doter enfin d’un fonds de référence essentiel sur l’une des figures majeures du cinétisme, internationalement reconnue.