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“L'Ange du bizarre” Le romantisme noir, de Goya à Max Ernst
au Musée d'Orsay, Paris

du 5 mars au 9 juin 2013 (exposition prolongée jusqu'au 23 juin)



www.musee-orsay.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 4 mars 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Anonyme, Photographie Spirite (médium et spectres), vers 1910. Épreuve argentique, 14x9,8 cm. Paris, musée d’Orsay, PHO 2000 14. © RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.
2/  Adolphe William Bouguereau (1825-1905), Dante et Virgile aux Enfers, 1850. Huile sur toile, 281x225 cm. Paris, musée d’Orsay, RF 2010 8. © Musée d’Orsay, dist. RMN / Patrice Schmidt.
3/  Carlos Schwabe (1866-1926), La Mort et le fossoyeur. Aquarelle, gouache, mine de plomb, 76x56 cm. Paris, musée d’Orsay, RF 40162. © RMN (Musée d’Orsay) / Jean-Gilles Berizzi.

 


Texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt

 

Une gigantesque danse macabre
Teintes sombres, lumières basses, moquettes molletonnées, l’exposition « L’Ange du bizarre », conçue comme un dédale, nous emmène dans les entrailles d’un imaginaire inquiétant. Littératures, contes, mythes, mythologies, religions, toutes nos « histoires » sont convoquées pour nous parler de nos hantises, peurs et angoisses, celles des mystères de la vie, de la cruauté, de la folie et de la mort. Démons, vampires, sorcières, fantômes, méduses sont réunis pour une sorte de gigantesque danse macabre que les artistes ont peinte, sculptée ou filmée de Füssli à Masson en passant par Murnau, tout au long d’un 19ème siècle étendu (1791-1955), né paradoxalement avec les Lumières.

Un parcours tortueux
Le spectateur est entraîné dans un parcours tortueux, rythmé par des citations littéraires et par les changements chromatiques des parois et des moquettes, marquant les espaces, les transitions, les paliers, accélérant ainsi cette sensation de plongée dans les enfers. Un marron profond, un bleu de Prusse et un parme dense accompagnent la déambulation dans une ambiance feutrée, presque ouatée, un peu étouffante. Ici, Goya fait face à Géricault pour conter les horreurs et crimes d’un siècle naissant. Là, Victor Hugo a pris son encre brune pour créer des paysages de ruines et des passages qu’on imagine maléfiques. Un peu partout, des projections nous montrent les premiers films d’horreur, entre autre, Faust et Nosferatu. Plus loin, Franz von Stuck fait apparaitre un Sphinx aux formes féminines, dévorant un homme agenouillé.

Retour à la lumière
La femme, jeune fille frêle face au démon ignoble dans la période romantique devient figure de tentation, de tourments et de perversité avec les peintres symbolistes, pour enfin se figer sous la forme des poupées cassées de Hans Bellmer. Les symbolistes et les surréalistes, nourris des découvertes de la psychanalyse explorent notre inconscient et plongent dans des couleurs, puis des formes fantasmagoriques. Le passage du dernier boyau, époque surréaliste, est plus accidenté. Nous sommes peut-être au milieu de la forêt qu’évoque Blaise Cendrars ; nous sommes sans doute à l’origine d’un nouveau monde. Le retour à la lumière dans la salle de l’ancienne gare est bénéfique, tout ceci n’était peut être qu’un cauchemar.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse

 

Commissariat général :
Côme Fabre, conservateur peinture au musée d’Orsay
Felix Krämer, conservateur au Städel Museum, Francfort-sur-le-Main

 

Après une première étape au Städel Museum de Francfort-sur-le Main, le musée d’Orsay accueille dans ses murs l’exposition L’Ange du bizarre, le Romantisme noir, de Goya à Max Ernst réunissant environ 200 oeuvres, peintures, dessins, estampes et sculptures, de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au début du XXe siècle, mais aussi une douzaine de films datant de l’entre-deux-guerres.

 

Sous le terme de « romantisme noir » forgé par l’historien de la littérature Mario Praz, on désigne un vaste pan de la littérature et des arts plastiques qui, à partir des années 1760-1770, met en évidence la part d’ombre, d’irrationnel et d’excès qui se dissimule sous l’apparent triomphe des lumières de la Raison. A la fin du XVIIIe siècle apparaissent en Angleterre les romans noirs gothiques, qui rencontrent un succès immédiat. Tout en étant situés dans le monde contemporain, ils font la part belle au mystère et aux émotions fortes, capables de faire frissonner le lecteur de peur comme de plaisir, explorant les terreurs de chaque humain pour l’inconnu, mais aussi ses penchants sadiques et grotesques.
De Londres à Paris en passant par Madrid et Dresde, peintres, graveurs et sculpteurs multiplient les solutions plastiques pour plonger leurs spectateurs dans les vertiges du terrible et du grotesque, rivalisant avec les poètes, les dramaturges et les romanciers : Goya et Géricault nous confrontent aux atrocités absurdes des guerres et des superstitions de leur temps, Füssli et Delacroix livrent leur interprétation passionnée des lectures de Dante, Milton, Shakespeare et Goethe en donnant corps aux spectres, sorcières et démons qui peuplent ces récits, tandis que C.D. Friedrich et Carl Blechen projettent le spectateur dans des paysages énigmatiques et funèbres.
C’est sur ce terreau européen extrêmement divers et fécond que se développent les ramifications sombres du symbolisme à partir des années 1880. Constatant la vanité et l’ambiguïté de la notion de progrès, maints artistes se tournent vers les mondes occultes, raniment les mythes et exploitent les nouvelles découvertes sur les rêves. À la suite des contes fantastiques d’Edgar Poe, Charles Baudelaire, Théophile Gautier et Villiers de L’Isle-Adam, ils posent volontairement les questions gênantes qui confrontent l’homme à ses terreurs ancestrales et ses contradictions : la sauvagerie et la perversité cachée en tout être humain, le risque de dégénérescence collective, l’étrangeté angoissante du quotidien faussement rassurant. Tandis que certains artistes tels Khnopff, Spilliaert et Klinger essaient de dissoudre silencieusement la frontière entre réel et rêve, on voit ressurgir chez Ensor, Stuck et Rops, en pleine époque de seconde révolution industrielle, les hordes fantastiques et bruyantes de sorcières, squelettes ricanants, démons informes, Satans lubriques, Méduses et autres Sphinx qui, loin de signifier un repli obscurantiste sur le passé, traduisent un désenchantement lucide, provocant et festif face au présent et affirment le désir de liberté créatrice face aux carcans de la bienséance bourgeoise.
Le romantisme noir reprend une nouvelle vigueur lorsque l’Europe s’éveille du cauchemar de la Première guerre mondiale. Bercés par les fées maléfiques de Goya, du romantisme allemand et du symbolisme, les surréalistes mettent en oeuvre les forces motrices de l’inconscient, du rêve et de l’ivresse comme fondement de la création artistique, parachevant le triomphe de l’imaginaire sur le principe de réalité, et ainsi, l’esprit même du romantisme noir. Au même moment, la magie du cinéma s’empare de Frankenstein, de Faust et des autres chefs-d’oeuvre du romantisme noir qui, par des plans filmés inoubliables, s’installe définitivement dans l’imaginaire collectif.
Convoquant les créations visionnaires de Goya, Füssli, Blake, Delacroix, Hugo, Friedrich, Böcklin, Moreau, Stuck, Ensor, Mucha, Redon, Dali, Ernst, Bellmer, Klee et de nombreux autres artistes et cinéastes, l’exposition permet aussi de relire et comprendre les sources littéraires et artistiques de l’univers de la fantaisie noire qui continue d’imprégner nombre de films, de jeux vidéo et de créations musicales de notre temps.