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“Le broyeur de sombre” Bourdelle dessins de jeunesse
au Musée Bourdelle, Paris

du 6 mars au 7 juillet 2013



www.bourdelle.paris.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 5 mars 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Paysan, vers 1885, fusain sur papier vergé, 24,7 x 31,7 cm, © Musée Bourdelle / Roger-Viollet.
2/  Homme ailé, vers 1883, plume et lavis d’encre de Chine sur papier vélin beige, 32,4 x 25,2 cm, © Musée Bourdelle / Roger-Viollet.
3/  OEuvre de jeunesse, vers 1883, plume et encre de Chine sur cartonnette beige, 24,7 x 17,9 cm, © Musée Bourdelle / Roger-Viollet.

 


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Interview de Stéphane Ferrand, commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, au Musée Bourdelle, le 5 mars 2013. © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse

 

commissaire de l’exposition :
Stéphane Ferrand, chargé d’études documentaires.


La sélection de près de 70 dessins de jeunesse esquisse un portrait de Bourdelle en « Broyeur de sombre » dans l’accomplissement de son obscure et éblouissante trajectoire.
L’encre noire, brune ou de Chine et le crayon graphite, complétés par le fusain, deviennent les médiums exclusifs du jeune artiste à la sensibilité exacerbée. L’alchimie du sombre fait surgir les contours de silhouettes farouches - gibets, sorcières et démons, danses macabres, paysages létaux...

Le parcours initiatique commence vers 1880, dans le caveau de l’église Saint-Michel de Bordeaux où le jeune homme dessine à la lueur de la bougie des têtes de momies. Il s’achève dans la cave de La Closerie des Lilas où Bourdelle expose à la fin de l’année 1889, ainsi qu’aux deux premiers Salons de la Rose+Croix en 1892 et 1893 : premiers succès de l’artiste qui s’est frayé un chemin à travers de sombres clartés.
L’exposition fait toute la lumière sur cette noire période de gestation durant laquelle le sculpteur confronte l’ambition de son « grand dessein » à la résistance du réel comme à la réalité artistique du temps. Les débuts amers sur la scène parisienne - dénuement du jeune homme déraciné à Paris... -, les feux crépusculaires du romantisme à la mort de Victor Hugo (1885), l’esprit fin-de-siècle produisant la « fleur maladive et bizarre » du symbolisme, la part d’ombre du naturalisme... Autant d’épreuves intimes, autant de références plastiques, poétiques ou littéraires que transmue l’œuvre au noir de Bourdelle.

 

Le parcours de l’exposition :

Dessins d'un écrivain ?
Dans le creuset de l’encrier, l’alchimie du « Broyeur de sombre » opère la première transmutation du grand dessein artistique. L’ambition première du jeune Bourdelle? Puiser à la source de l’encre et du spleen. Fixer en quelques traits définitifs le « chant des poètes et les vibrations de lignes ». On ne saurait mieux dire la complicité de l’image et du mot, de la poésie et de l’art graphique. Les « alexandrins sanglants et noirs » dont le jeune homme couvre ses cahiers, les vers que lui inspirent Les Fleurs du mal ou les sombres incantations de Victor Hugo, trouvent leur immédiate correspondance dans les spectres et les silhouettes farouches tracés sur la blancheur des feuilles de vélin. Bourdelle écrit comme il dessine. La graphie des manuscrits et les contours ductiles ou fiévreux des dessins de jeunesse obéissent à la même énergie libératoire. Ils donnent corps à l’éblouissement du noir.

Entre symbole et vie réelle
« Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours, qui attendent que nous les secourions. » Cette lettre que Rainer Maria Rilke adresse à un jeune poète pourrait aussi bien servir de devise ou de viatique au « Broyeur de sombre ». Tous les spectres qui hantent ses poèmes et les pages de ses manuscrits, tous les démons de ses encres ou de ses fusains se révèlent comme autant d’ombres tapies au plus profond de soi, de peurs que l’artiste doit transfigurer. Affronter la Méduse avec pour seules armes la plume ou la gouge. Faire front à l’intrusion du réel – la solitude, le dénuement du jeune sculpteur déraciné à Paris, l’angoisse de la maladie et de l’hôpital, la hantise de faillir à son « grand dessein », la douleur de l’amour non partagé, la mort des proches, des plus chers… Ces clairs-obscurs de l’âme, Bourdelle les reconnaît pour siens. Il en réfléchit la noirceur. De cette matière noire, il fait une oeuvre.

Autoportrait de l'artiste en génie
Les autoportraits du « Broyeur de sombre » sont frappés de quelque chose de fatal, d’une forme de stupeur qui nous saisit en retour. Comme si l’expression galvaudée des « yeux miroirs de l’âme » opérait avec la force d’un sortilège. Une âme dont la mélancolie se révèle dans le noir du fusain ou de l’épreuve argentique. Et cette parenté de noirceur donne aux images révélées par Bourdelle un « air de famille ».
Famille née d’un sang d’encre – celui du créateur plongé dans « l’enfer de l’Art ». Jaillie sur fond de ténèbres, chacune de ces têtes est une apparition. Toutes nous questionnent. Tête à tête. La confrontation nous amène au seuil d’une réalité indicible.
Il y a du prophète et de l’alchimiste chez Bourdelle, animé de la foi du «Grand OEuvre». Chacun de ses autoportraits rend justice à la passion de l’artiste. Dans la manière noire du dessin, dans la clarté de l’instant photographique ou dans le travail autour de la figure de Beethoven, tant de doubles de soi – désarmés et rayonnants, nimbés de fierté, de déroute passagère, de promesse de gloire.