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“Peter Vos” Métamorphoses
à l'Institut Néerlandais, Paris

du 7 mars au 26 mai 2013



www.institutneerlandais.com

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, avec la présence de Saïda Vos, le 6 mars 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Yorick, sa lumière et son ombre, 13 juin 1985, plume et encre noire, lavis gris et rouge, 19,3x13 cm, collection particulière.
2/  Minotaure endormi, 14 février 1983, crayon et aquarelle, 12x17 cm, Rijksprentenkabinet, Rijksmuseum, Amsterdam.
3/  Ascalaphe changé en moyen duc, 16 octobre 2003, plume et encre noire, aquarelle, 15,8X23,8 cm, avec les inscriptions : ASCALAPHUS, 16.X.03 et VOS, Rijksmuseum, Amsterdam .



Texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt

 

Graphiste, illustrateur de renom, Peter Vos (1935-2010), artiste néerlandais, était surtout un dessinateur profus qui explora tout au long de sa vie artistique les questions de la métamorphose de l’homme en animal et celles de l’hybridité. Ces interrogations ont traversé son œuvre de manière si constante que l’on soupçonne qu’elles répondaient à des inquiétudes intimes et profondes, même si elles se nourrissaient abondamment de mythologie gréco-romaine, riche en métamorphoses et en chimères. Passionné d’ornithologie, fin observateur du monde animal, il fut particulièrement attiré par la transformation de l’homme en oiseau ; scènes qu’il a largement représentées, notamment dans ses illustrations du poème épique d’Ovide, les Métamorphoses, qui constituait son vade-mecum. L’exposition regroupe ce travail graphique autour de la tension homme/animal, et du désir de changement et de mutation. Elle est le fruit d’une collaboration entre la Fondation Custodia et l’Institut Néerlandais, avec des historiens de l’art des Pays-Bas et de l’épouse de Peter Vos, Saïda Lokhorst. Elle permet aussi de découvrir des travaux plus intimes, jusqu’ici restés inédits, souvent liés à des bouleversements dans la vie de l’artiste. L’ensemble, composé de dessins, de lithographies, de leporellos, de carnets et de livres d’artistes (dont beaucoup en exemplaire unique), fournit une vision très riche de l’univers onirique de Peter Vos dans lequel on perçoit toujours un soupçon d’ironie, mêlé à une certaine tendresse, mais aussi empreint de sensualité.

Vous serez peut être particulièrement touché par ce Minotaure endormi, profondément humain et vulnérable. Ou sans doute grincerez-vous des dents devant cette harpie, mi-femme-mi-oiseau, s’apprêtant à dévorer un rat. Incontestablement, vous serez attiré par toutes les fables contées par Ovide et ces personnages se changeant en pies, cigognes, pintades et chauve-souris. Ces métamorphoses ovidiennes composées de séquence de quatre à six instantanés, font souvent penser à une prolongation de l’évolution hominidée. Cette fois, l’homme devient oiseau ; il vole. Plus loin, vous pourrez découvrir un travail plus intime, comme Dépression, décomposé en seize dessins, courant sur un leporello, qui finit par une disparition des personnages et de l’espace, mangés par l’encre noire. C’est un scénario cathartique retranscrivant l’épisode douloureux du premier divorce de Peter Vos. Enfin, un catalogue extrêmement complet, en lecture à divers endroits de l’exposition, offre la possibilité de suivre en détail les étapes du travail de l’artiste et de comprendre ses sources d’inspiration. C’est un magnifique hommage à cet artiste disparu il y a deux ans, hommage orchestré par l’Institut Néerlandais, engagé comme toujours dans un travail de qualité qui va bien au-delà des tendances. L’Institut devrait fermer ses portes d’ici la fin de l’année 2013, suite à une décision gouvernementale. On regrettera vivement ce lieu de culture.

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse

 

L'Institut Néerlandais présente en collaboration avec la Fondation Custodia une exposition de dessins de l’artiste néerlandais Peter Vos (1935-2010), autour du thème des Métamorphoses. Peter Vos fut l’un des dessinateurs majeurs des Pays-Bas de l’après-guerre. Ressentant une forte affinité pour les dessinateurs du passé, il s’est consacré à des questions plastiques et à des sujets universels et intemporels. Les œuvres choisies pour l’exposition ont pour point commun les métamorphoses ; celles d’Ovide tout d’abord, et particulièrement les transformations dont la phase finale résulte en un oiseau ; mais encore les métamorphoses de certaines autres figures de la fable classique, voire d’une mythologie toute personnelle à l’artiste.

 

Depuis son plus jeune âge, Vos avait coutume de dessiner pratiquement chaque jour. L’artiste possédait cette puissance créatrice que les naturalistes du XVIIIe siècle désignaient par le terme “Bildungstrieb”, autrement dit un besoin vital de créer. Il en a résulté une production d’œuvres aussi abondante que variée. Quoique profondément original et inventif, son travail de dessinateur perpétue une certaine tradition. Vos le savait et se considérait lui même, comme il le disait, en qualité de “lointain neuveu”, comme le membre d’une vieille famille, qui comptait pour lui des artistes aussi différents que Pisanello, Dürer, Urs Graf, Gustave Doré ou Picasso.
Vos était d’abord et avant tout dessinateur, même s’il pouvait pratiquer occasionnellement la pointe sèche et la lithographie. Ses outils étaient le crayon, la plume et le pinceau, ses couleurs l’encre de Chine et le rouge vénitien, puis plus tard dans sa carrière, la palette complète de l’aquarelliste. Ses dessins possèdent une telle singularité qu’on les reconnaît en général au premier coup d’œil. Mais on trouve dans leur facture la diversité de style d’un artiste qui aimait utiliser différentes formes d’expression et la technique la mieux adaptée à son sujet.
Une part importante de l’œuvre du dessinateur présente un caractère non narratif. Ainsi de ces milliers d’oiseaux dont il fait le portrait, dans un style qu’on peut qualifier tout à fait de personnel et de naturaliste, un alliage raffiné qui, s’il produit un ensemble absolument cohérent, se laisse difficilement décrire. Vos était un infatigable fabricant d’inventions visuelles. Outre ses portraits d’oiseaux au rendu si minutieux qu’ils pouvaient passer l’épreuve de l’ornithologie, il a dessiné quantité de volatiles qui portent, pour une part, le sceau de la nature et pour une autre, celui de sa seule imagination.
Les métamorphoses ont exercé sur l’artiste une séduction qui a produit, jusqu’à la fin de sa carrière, toutes sortes d’étonnantes créatures, hybrides pour la plupart. Vos a attendu assez longtemps avant de se représenter d’authentiques métamorphoses inspirées d’Ovide. Ses créatures ont longtemps été envisagées comme des figures isolées. Il faut attendre l’année 1982 pour les voir jouer un rôle dans un processus de transformation complet. Mais la grande éruption n’a lieu qu’en 2003 quand Vos, suivant un objectif bien précis, réalise quantité d’esquisses et de dessins des métamorphoses de Zeus, Philomèle, Ascalaphe, Nisus, Térée, Antigone, Céyx, des filles de Piérus ou des sœurs de Méléagre et autres figures du poème d’Ovide.
Si Vos aimait tant les Métamorphoses, c’est sans doute qu’il était sensible à l’ironie, à l’esprit et au non-conformisme poétique dont faisait preuve l’auteur de l’Antiquité. Des qualités qu’il possédait lui-même. L’intérêt profond qu’il portait à ces récits merveilleux résultait également, selon ses dires, de son éducation catholique et de sa familiarité avec les miracles accomplis par les saints.
On trouve nulle part ailleurs que dans l’œuvre de Vos des métamorphoses aux accents parfois si burlesques, nulle part ailleurs des hommes changés si souvent en oiseaux. Le choix du dessinateur d’illustrer Ovide a beau s’inscrire dans une certaine tradition, rien dans ses motivations ni dans sa facture n’obéit à une quelconque convention. Aucune des métamorphoses qu’il a dessinées n’avait été représentée avant lui, exceptées, de très rares fois, celles de Térée et d’Ascalaphe. L’artiste avançait donc en terrain inconnu et pour s’aider dans sa tâche, il lui fallait étudier dans le détail le texte d’Ovide, mais aussi (ré)examiner à la loupe la physionomie de la huppe fasciée, du martin-pêcheur, de la cigogne, de la pie, de la pintade et des différentes espèces de hiboux, tous ces oiseaux qui ont d’abord été des hommes. Dans son œuvre, même la chauve-souris avait, au commencement, une apparence humaine.
Le fait que Vos ait attendu longtemps avant de dessiner des métamorphoses “complètes” ne signifie aucunement qu’il ne les avait pas déjà représentées en tant que phénomènes. Vers 1960 sont ainsi parus respectivement le dessin d’un homme changé en oiseau, celui d’un homme changé en centaure et d’un troisième partiellement transformé en cancrelat. Celle du cancrelat était directement inspirée de La Métamorphose de Kafka. Vos avait fait précéder sa composition d’une vignette montrant l’animal en train de lire l’ouvrage assis dans son fauteuil. On imagine mal à posteriori que le fameux récit n’ait pu stimuler, d’une manière ou d’une autre, l’imagination du dessinateur.
Partiellement ou complètes, les métamorphoses ont continué de jouer un rôle crucial jusqu’à la fin de sa carrière. L’un des chefs-d’œuvre de la mythologie personnelle de l’artiste est un cycle poignant de seize dessins, plastiquement superbes, réalisés en 1976 sous forme de leporello. La série, intitulée Dépression, raconte une métamorphose qui s’achève dans une fuite. Un autre spécimen, symptomatique par l’homme à tête d’oiseau qui se tint penché par la fenêtre.