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“L’école de Shanghai (1840-1920)” Peintures et calligraphies du musée de Shanghai
au musée Cernuschi, Paris

du 8 mars au 30 juin 2013



www.cernuschi.paris.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse avec le commissaire Eric Lefebvre, le 7 mars 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Ren Xiong (1823-1857), Nong Yu attire le phénix, Album de paysages et de personnages. Encre et couleurs sur papier, H. 27,4cm - L. 34,2cm - sans date - © Musée de Shanghai.
2/ 
Wu Changshuo (1844-1927), Gourdes, Compositions florales. Encre et couleurs sur papier, H. 42,8cm – L. 43,2cm - sans date - © Musée de Shanghai.
3/ 
Qian Hui’an (1833-1911), En versant du thé, en nettoyant la pierre à encre. Encre et couleurs sur papier, H.27,4cm – L. 34,2cm - 1871 - © Musée de Shanghai.

 


Texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt

 

Au milieu du XIXéme siècle, Shanghai connait un afflux d'artistes fuyant les conflits du centre de la Chine. Ils y trouvent une ouverture sur l'occident, un développement des technologies et un nouveau modèle économique du marché de l'art. La ville va devenir le creuset de nouvelles expressions artistiques se détachant peu à peu des traditions pour embrasser les formes de la modernité.

Ren Xiong peint La chaumière du Lac Fan, rouleau de 7 mètres de long matérialisant la demeure que son mécène, Zhou Xian, rêve de construire, une série de pavillons au bord d'un lac, entourés d'arbres et de végétation. L'insolite ici, c'est l'absence de personnages, l'espace n'étant peuplé que de quelques grues et canards. Les couleurs sont riches et les détails précis et abondants, faisant oublier que ce n'est qu'un projet imaginaire. Ren Xiong sera parmi les premiers artistes à rompre avec la tradition picturale pour passer à la « peinture sans os », se libérant de l'armature du trait pour peindre fleurs, fruits et feuillages en mouvements maitrisés de pinceau. De même, Wu Changshuo peint des compositions florales en larges touches d'encre sur papier humide. La simplification des formes favorise le pouvoir évocateur des oeuvres. Il renouvelle aussi la calligraphie cursive, lettres au tracé dense, chargé d'encre, qui s'affine au fur et à mesure que le pinceau s’allège.

Xugu est sans doute l'artiste le plus original et le plus novateur de ce groupe. Des personnages fortement stylisés émergent de la brume. La force des paysages vient du tracé au pinceau très sec, minimaliste, évocation presque abstraite mais description d'une nature en mouvement, de l'essence des saisons. Le style de Xugu, très en avance sur son époque, préfigure les mouvements artistiques du début du XX éme siècle comme l'Art nouveau.

Le Portrait de Gao Yong, de Ren Bonian et Hu Gongshou, étonne par l'opposition de deux styles différents. La collaboration de deux artistes, l'un réalisant le personnage, l'autre peignant le pin auquel il est adossé, n'était pas rare et montre les liens qui unissaient la communauté d'artistes de Shanghai. L'arbre est peint de façon traditionnelle tandis que la figure de Gao Yong est tracée avec des mouvements audacieux de pinceau.

Qian Hui'an, qui a étudié la peinture occidentale, introduit dans les portraits de En versant le thé, en nettoyant la pierre à encre un modelé des visages saisissant de réalisme, technique nouvelle dans la représentation classique. La rencontre des traditions orientales et occidentales enrichit le dessin d'une expressivité plus subtile, comme dans la semi-transparence des poissons nageant dans l'étang.

Dans cette époque charnière, ces artistes font évoluer les codes. Ils ouvrent leur culture et posent les bases de ce qui sera l'âge d'or de Shanghai dans les années qui suivront.

 

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse

 

Commissariat :
Eric Lefebvre, conservateur du patrimoine au musée Cernuschi

 

Poursuivant son exploration de la peinture chinoise après les expositions consacrées à « Six siècles de peintures chinoises » en 2009, et aux « Artistes chinois à Paris » en 2011, le musée Cernuschi propose, grâce aux prêts exceptionnels du musée de Shanghai, de découvrir une période clé de l’histoire de l’art chinois au cours de laquelle peintres et calligraphes réunis à Shanghai ébauchent une nouvelle modernité.
Au XIXème siècle, la dynastie Qing est profondément ébranlée par la révolte des Taiping et la menace militaire des puissances occidentales. A partir des années 1840, la région du Jiangnan, au centre sud de la Chine, est le théâtre de conflits armés qui ravagent les villes de Nanjing (Nankin), Yangzhou et Hangzhou. La communauté d’artistes qui avaient participé au rayonnement exceptionnel de ces cités au XVIIIème siècle, est dispersée. De nombreux peintres et calligraphes fuyant les conflits convergent vers la région de Shanghai où se développe une nouvelle culture influencée par les échanges avec l’Occident. Ces bouleversements historiques sont à l’origine d’un profond bouleversement culturel mais aussi d’un véritable renouveau des arts caractérisé par la libération du trait et l’irruption de la couleur.
L’exposition présente dans un premier temps l’héritage du Jiangnan en montrant comment, genre par genre, les peintres sont habités par les réminiscences des styles créés dans cette région. Elle accorde ensuite une place importante aux personnalités les plus marquantes : celles qui ont provoqué une rupture dans la représentation humaine en créant des images réalistes ou caricaturales, comme Ren Xiong ou Ren Bonian; celles, comme Xu Gu, qui ont sorti le paysage des formules stylistiques héritées du début de la dynastie Qing, et qui l’ont orienté vers une simplification essentielle.
La transposition des modèles calligraphiques dans le domaine de la peinture consacre la puissance expressive du trait. Ce style, initié par Zhao Zhiqian, trouve son aboutissement dans l’oeuvre de Wu Changshuo. C’est probablement dans la catégorie des « peintures de fleurs et d’oiseaux », que cette évolution du style est la plus manifeste : la tige d’une plante, la queue d’un poisson sont animés d’un puissant dynamisme dont l’effet est renforcé par des tons vifs, parfois empruntés à la palette occidentale.