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“Angelika Markul” Installation Monumentale
au Domaine de Chamarande, Essonne

du 17 mars au 12 mai 2013



www.chamarande.essonne.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage avec la présence de Angelika Markul, le 17 mars 2013.

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Angelika Markul, Monte Negro, 2011 © Droits réservés. Art Paris / Les Nuits Parisiennes, Espace Culturel Louis Vuitton, Paris, France.



Texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt

 

Le glacis noir de l’ère industrielle
C’est comme si un glacis noir, celui de l’ère industrielle, avait submergé la terre. Comme si une immense couche de suie, mi-houille, mi-mazout, avait recouvert la surface du globe. Car la cire noire de fonderie nappe toute l’œuvre d’Angelika Markul, présentée à l’Orangerie du domaine de la Chamarande, depuis le dimanche 17 mars. De lumière, ne reste que celle des néons, froide et morbide. Quelques lampadaires couchés en travers éclairent faiblement la scène du trophée, au pied du monument. Celui-ci, simple panneau noir, épais, un bloc, est agrémenté de quelques barres fines et élancées : les frontières, selon Angelika Markul. Dans le fond, de la feutrine travaillée évoque des peaux d’animaux éventrés. Encadrée dans de petits tableaux sertis d’aluminium, elle forme de part et d’autre deux croix plus hautes qu’un homme. Sur les côtés, deux panneaux à la surface accidentée, rappellent les cartes murales en relief. Deux tubes de néons éclairent leur surface noire.

L’homme a vaincu la nature
Au centre, la scène du trophée. On y trouve des formes indécises, du métal cabossé, des sacs de cette même feutrine, affalés comme des masses sur de petits socles noirs, parsemés de végétaux, tous vernis de suie. Ils côtoient des sangliers, de véritables prises de chasse, naturalisées et disposées dans ce tableau de chasse, où l’homme n’est présent qu’à travers son action prédatrices. L’Installation monumentale d’Angelika Markul, n’est pas seulement macabre, elle est, d’un certain point de vue, jubilatoire, et semble dire : « Enfin, l’homme a vaincu la nature ! ». L’armure, présente sous forme de grillages, à proximité des gigantesques croix, le confirme : il pourrait s’agir du plus grand fait d’armes de tous les temps, l’ultime, peut-être. Celui qui causera notre perte. C’est ce que semble prédire l’artiste franco-polonaise.

Espèce en voie d’extinction
Le propos est d’autant plus dramatique que l’artiste s’est emparée de certains matériaux fétiches de Joseph Beuys, comme le feutre et la cire. Ainsi, ces matériaux qui auraient permis la survie de l’artiste, sont à présent menacés ou participent à la destruction. Avec cette mise en espace spectaculaire, où la salle d’exposition fait partie intégrante de l’œuvre, Angelika Markul se place dans une lignée formelle proche des œuvres de Beuys et de Boltanski. C’est dans une attitude quasi mystique, teintée de messianisme apocalyptique qu’elle se rapproche également d’eux. Ici, pourtant, dans l’œuvre d’Angelika Markul, le visage de l’homme a disparu. L’artiste ne parle pas de l’angoisse de notre propre mort ou celles de nos proches, mais bien de celle de l’espèce humaine.

 

Mireille Besnard



extrait du communiqué de presse

 

Commissaire : Lauranne Germond

 

Angelika Markul, artiste lauréate du Prix SAM pour l’art contemporain 2012, crée pour l’orangerie du Domaine départemental de Chamarande en Essonne une Installation Monumentale inédite.

 

Une Installation Monumentale
L’artiste d’origine polonaise Angelika Markul place le vivant en regard de la violence de la nature, et de celle de l’Homme. Brouillant les frontières entre les disciplines artistiques et usant d’un sens aigu de la mise en espace, elle provoque l’imagination et la perception du visiteur le plaçant au coeur d’une nouvelle dimension spatio-temporelle.
Pour l’orangerie du Domaine de Chamarande, l’artiste réalise une installation monumentale inédite, puisant sa source dans les cabinets de curiosités, les tableaux de chasse et les gisants médiévaux.
Forte de ses récents succès, l’artiste choisit ici de célébrer l’ensemble de son processus créatif par une démarche accumulative et commémorative, qui rappelle et célèbre le caractère précaire des existences et nos tentatives pour en garder la trace.
Panthéon éphémère, l’orangerie devient l’écrin des vanités de l’artiste. Elle y exhibe les trophées d’une activité incessante, faite de réussites et d’hésitations, traces tangibles d’une voracité rabelaisienne d’expérimentation. L’artiste redéploie sa grammaire des formes et ses matériaux de prédilection que sont le plastique, le néon, le béton, le feutre et la cire. Elle les expose avec ostentation, comme autant de symboles érigés en mémoire du chemin parcouru.

Le crépuscule de la fureur
L’espace est ici entièrement investi. Un imposant drapé de plastique s’érige et surgit du mur pour venir s’écraser sur le sol. Les jeux d’ombre sont accentués par la lumière franche des néons disposés ça et là. Le béton vient se faufiler entre les plis du plastique, où la lumière ne peut pénétrer, soulignant et immortalisant l’oeuvre par sa lourdeur, sa pesanteur.
Au mur, de part et d’autre, des plaques de cire et de feutre sont agencées telles une galerie de portraits. La dimension organique de ces matériaux contraste avec la stérilité de ceux qui nivellent le sol. L’oeuvre se fait métaphore d’un réseau trophique où chaque élément maintient la cohérence et la stabilité de l'ensemble. Alternant entre le vertical et l’horizontal, l’ancien et le nouveau, les formes s’entremêlent pour créer un ensemble unique, sublimé par le bain de lumière ocre d’un coucher de soleil qui s’étirerait indéfiniment. Cette anticipation de la pénombre plonge le visiteur dans une intimité troublante, un cocon néanmoins bienveillant où bouillonne une fureur de vivre.

Une métaphore de la pratique artistique
Angelika Markul propose une mise en scène de son processus créatif. Les objets qu’elle investit errent entre le sommeil et l’éveil, à l’image des trésors jonchant les tombes des gisants médiévaux, gardiens éternels de leurs pouvoirs et de leurs secrets.
L’oeuvre devient la collection éphémère de souvenirs et d’archives mises en scène. À l'instar de la tête du sanglier vaincu ou des photographies de famille accrochées au mur par affection ou par peur de l’oubli, elle scelle la mémoire des fortunes antérieures : elle devient la gardienne du culte de l’artiste.
La prédation, composante essentielle de la vie, interroge aussi sur la quantité de matière et de ressources détruites, transformées, perdues par l’activité humaine. Les matériaux utilisés par Angelika Markul, au coeur des problématiques environnementales liées aux ressources et à l’énergie, comme le plastique, le béton ou les néons, s’entremêlent avec des matériaux naturels transformés par la main de l’homme, le feutre et la cire, dans un dialogue sur la part destructive de la création, et sur la part morbide de toute mythification.
La programmation artistique du Domaine de Chamarande, réalisée en collaboration avec l’association COAL, s’attache à soulever les questions relatives aux nouveaux enjeux écologiques et au vivant. Ainsi l’Installation Monumentale d’Angelika Markul fait elle écho à l’exposition Spécimens présentée au château jusqu’au 31 mars ; elle annonce également celle de printemps-été qui s’intéressera aux différents Milieux du Domaine départemental.