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“De l’Allemagne 1800-1939” de Friedrich à Beckmann
au Louvre, Paris

du 28 mars au 24 juin 2013



www.louvre.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, le 25 mars 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Johann Heinrich Wilhelm Tischbein, Goethe dans la campagne romaine, 1787, huile sur toile, 164x206 cm. Francfort, Städel Museum © U. Edelmann, Städel Museum, ARTOTHEK.
2/  Caspar David Friedrich, L’Arbre aux corbeaux, 1822, huile sur toile, 59x73 cm. Paris, musée du Louvre. © RMN Grand Palais (Musée du Louvre)/Michel Urtado.
3/  Anselm Feuerbach, Médée à l’urne, 1873, huile sur toile, 192x127,5 cm. Collection particulière © Courtesy of Sotheby's.

 


Texte de Mireille Besnard, rédactrice pour FranceFineArt

 

De l’Allemagne, l’œuvre qu’Anselm Kiefer a réalisée pour l’exposition éponyme du Louvre est une invite à passer les frontières physiques et psychologiques qui nous séparent de l’Allemagne, comme le fut en son temps l’ouvrage de Madame de Staël. Elle ouvre et conclut le parcours de l’exposition qui célèbre le traité d’amitié, dit traité de l’Elysée, signé en 1963, entre les deux anciens ennemis qu’étaient l’Allemagne et la France. Cette œuvre, située dans la rotonde du Hall Napoléon, forme comme un panorama cylindrique, composé de plusieurs panneaux, où figurent deux rives qui se font face autour d’une étendue d’eau. Comme l’inscrit Kiefer sur des panneaux de bois, c’est tout autant le Rhin, la ligne Maginot que le mur de l’Atlantique qui sont représentés. Ils pourraient même tous défiler sous nos yeux si, placé au milieu de la rotonde, on tournait sur nous-mêmes quelques instants et ainsi, grâce à ce mouvement, nous voir transportés enfin sur l’autre rive.

Là, c’est sur un parcours réunissant plus de 200 œuvres dans une scénographie sobre que le spectateur peut voir s’articuler les différentes réponses des peintres et artistes aux questionnements sur l’identité naissante de l’Allemagne tout au long du XIXe siècle et plus tard. Des recherches que les cinq commissaires d’exposition ont regroupées autour de trois grands moments : l’un qui se tourne vers le passé et projette l’Allemagne dans un rêve d’idéalité vers les splendeurs antiques ou bien dans les légendes germaniques ; un second moment, qui, avec une articulation autour du travail scientifique de Goethe, emporte l’imaginaire allemand vers des paysages vertigineux, où finalement la peinture de Caspar David Friedrich parvient au-delà du visible ; le troisième moment enfin, celui de l’homme, mais aussi celui de la violence de l’ère industrielle et des conflits armés qui s’enchainent. Ils sont très bien représentés par Otto Dix dans les 17 aquatintes intitulées La Guerre. De nouveaux arts comme la photographie ou le cinéma tentent de cerner le visage de l’homme dans sa singularité, mais déjà le régime nazi, impose une vision figée et mortifère.

Ce parcours quelque peu sinueux, mais aussi audacieux de la peinture et des arts visuels allemands s’arrête sur cette fracture sordide du nazisme, où plus rien n’est représentable. On comprend fort bien que la rupture est immense, et ne permet plus le récit pictural et l’interprétation, mais on peut cependant s’interroger sur le choix symbolique de l’entrée en guerre pour achever l’exposition. Une renaissance de l’Allemagne était-elle concevable ? Peut être pas dans une recherche identitaire qui comporte toujours un risque d’enfermement schizophrénique, comme le suggère la scénographie en boucle de l’exposition. Elle serait plutôt émergente dans une Nouvelle vision et dans l’aventure des avant-gardes qui, de Walter Gropius à Joseph Beuys, ont proposé des recherches formelles révolutionnaires dont Anselm Kiefer est bien l’héritier.

 

Mireille Besnard

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires généraux :
Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre,
et Andreas Beyer, directeur du Centre allemand de l'histoire de l'art de Paris

Commissaires :
Sébastien Allard, conservateur en chef au département des Peintures, musée du Louvre,
Danièle Cohn, professeur des universités, directrice du Centre d’esthétique et de philosophie de l’art, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
et Johannes Grave, directeur adjoint du Centre allemand d'histoire de l'art de Paris.

 

Riche de plus de deux cents oeuvres, l’exposition propose une réflexion autour des grands thèmes structurant la pensée allemande de 1800 à 1939. Elle replace la création artistique et les artistes, de Caspar David Friedrich à Paul Klee, de Philipp Otto Runge à Otto Dix, dans le contexte intellectuel de leur création et les confrontent aux écrits des grands penseurs au premier rang desquels figure Goethe.
De la fin du XVIIIe siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’histoire allemande est marquée par la constitution difficile de son unité politique dans le cadre de l’Europe des nations qui se met alors en place. Multiconfessionnelle, marquée par une discontinuité géographique, par un flottement dans ses frontières, par des contextes politiques et culturels très différents, voire antagonistes, l’Allemagne doit faire émerger l’unité sous-jacente à l’ensemble des Allemands, de la Bavière à la Baltique, de la Rhénanie à la Prusse. La notion de « Kultur », concept hérité de la philosophie des Lumières, est apparue comme la plus susceptible de constituer le terreau sur lequel inventer une tradition allemande moderne. Si l’occupation napoléonienne a pu favoriser la prise de conscience de cette unité, fournissant l’arrière-plan politique aux premières expérimentations romantiques, la montée du nazisme, à l’autre bout du parcours chronologique, a mis en évidence la dimension tragique de ce concept, sans pour autant réussir à l’anéantir.
L’exposition analyse la façon dont les beaux-arts, du romantisme à la Nouvelle Objectivité, ont pu participer à ce mouvement d’une grande liberté de composition et d’invention, toujours avide de réinventer une tradition allemande.

 

L’exposition se déroule en trois mouvements :

- Apollinien et dionysiaque
Placée sous les auspices de Goethe et de Nietzsche, cette section montre le désir récurrent, chez les artistes, d’un ailleurs temporel et géographique, entre une Italie où se développent, avec les Nazaréens, puis les Deutsch-Römer (Hans von Marées en particulier), les fondements d’un art qui se veut allemand et moderne et une Grèce rêvée, patrie des arts, prise entre pureté classique et déchaînement vital. Cette section présente des oeuvres de Gottlieb Schick, des Nazaréens, de Moritz von Schwind, de Caspar David Friedrich, Friedrich Schinkel, Arnold Böcklin, Hans von Marées, Franz von Stuck, Max Beckmann….

- Le paysage comme histoire de Caspar David Friedrich à George Grosz
Placée sous les auspices de la théorie morphologique de Goethe et de ses écrits sur la peinture de paysage, cette section montre comment le romantisme a tenté d’ériger la peinture de paysage comme peinture d’histoire (en partie contre les hiérarchies classiques françaises), en rompant avec le paysage composé héroïque où l’homme domine encore (demeure le centre) et en faisant de la nature le protagoniste principal. Elle expose des oeuvres de Jacob Philip Hackert, Joseph Anton Koch, Carl Gustav Carus, Philip Otto Runge, Paul Klee, Otto Dix, Franz Radziwill, George Grosz… une grande salle est bien évidemment consacrée à Caspar David Friedrich.

- Ecce Homo. Humain/Inhumain
La section s’ouvre avec la fameuse Forge de Menzel, image héroïsée d’hommes au travail, les nouveaux cyclopes, à l’aube de l’unité sous l’égide de la Prusse. Puis envisage le traumatisme suscité et par la première guerre mondiale et par la révolution de 1919, qui signèrent de façon tragique l’échec de l’unité de la communauté, jusqu’à l’avènement du nazisme et l’exposition des « Artistes dégénérés » en 1937. Elle se concentre sur l’articulation entre la notion de culture (qui a construit l’identité allemande) et barbarie. Elle montre la façon dont les peintres ont répondu à l’idéologie. A travers la tension entre les représentations de l’individu et de la masse, entre le particulier et le type, entre la singularité individuelle des visages de l’homme et les canons d’une beauté pseudo-classiques, c’est la question de l’humain et de la souffrance comme révélatrice de l’humain qui est posée. D’où la vogue du thème de l’Ecce homo. La section expose des oeuvres de Adolphe Menzel, Lovis Corinth, Otto Dix, George Grosz, Max Beckmann, Christian Schad