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“Signac” les couleurs de l’eau
au musée des impressionnismes, Giverny

du 29 mars au 2 juillet 2013



www.mdig.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 28 mars 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Paul Signac, Saint-Tropez. Le clocher, 1896. Aquarelle, 20,2x15,5 cm. Collection particulière © Tous droits réservés / Photo : Atelier 53.
2/  Paul Signac, Rotterdam. Les fumées, 1906. Huile sur toile , 73x92 cm. Shimane (Japon), Shimane Art Museum.
3/  Paul Signac, Herblay. Coucher de soleil. Opus 206, 1889. Huile sur toile , 57,7x90,3 cm. Glasgow Art Gallery and Museum © CSG CIC Glasgow Museums Collection.

 


Texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt

 

Prenant le parti d'une présentation chronologique, cette exposition nous offre une vision intime du parcours artistique de Signac. Peintre autodidacte, son travail est un constant apprentissage et reste indissociable de sa passion pour l'eau, du cours tranquille d'un fleuve à la puissance de l'océan.

Fortement inspiré par Monet, il peint ses premières toiles dans la tradition impressionniste, d'une touche forte, en forme de virgule, posant dans les paysages des bords de l'eau les bases de son œuvre.
Parallèlement à ces tableaux, sont exposés études de couleur et cercles chromatiques d'Eugène Chevreul et Charles Henry, montrant le travail théorique qui lui permettra de développer son expressivité et sa personnalité.
Signac réalise des paysages marins par petites touches dispersées, de tons pastels aux variations subtiles. Il pose l'horizon à mi-hauteur de la toile, instaurant un dialogue équilibré entre le ciel et l'eau. Le travail sur les reflets donne un rythme à l'écoulement des fleuves, au mouvement des vagues et des bateaux qui y naviguent. Comme la photographie, ses tableaux capturent un instant, la lumière précise d'une heure de la journée, la chaleur ou le froid, la douceur de la brise, le calme entre deux marées, les vibrations de l'air ou la fragrance d'une saison.

La période suivante voit la touche s'épaissir, la couleur prendre de l'ampleur dans l'expression de la lumière. La série de paysages de Saint-Tropez offre des teintes nouvelles, oppositions de violet et de vert, bleus et jaunes, terre rouge d'une forêt de pins évoquant Hokusai, ciels enflammés par le soleil couchant. La peinture de Signac, jusque là plutôt contemplative, s'arme d'une force nouvelle et invite au-delà du visible.

S'appuyant sur un travail de recherche complet : croquis, aquarelles, études sur carton, Signac enrichit constamment sa palette, poussant l'audace jusqu'à utiliser des couleurs presque fluorescentes. Sa maîtrise de la couleur lui permet d'exprimer le passage du temps. Un Mont Saint-Michel émerge d'une brume turquoise et rose, comme peint par les premiers rayons jaunes du soleil. Des paysages d'automne disparaissent dans un brouillard aux teintes violettes. Ces toiles s’inscrivent dans une temporalité plus étendue, comme le passage d'une saison à l’autre. D'autres, comme les séries sur le port de Rotterdam et les berges de la Seine, évoquent le développement de l'industrie. Les lentes volutes de fumée des cheminées d'usines ou de bateaux serpentent au gré des vents, leur tracé sinueux donnant à voir et à ressentir le temps qui s'écoule, son accélération et l'industrieuse activité du port.

En peignant l'eau sous toutes ses formes, de la vague au nuage, de l'écume à la brume, Signac déroule le fil conducteur de son œuvre, faisant de l'eau la toile métaphorique où il pose ses couleurs.

 

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat général :
Marina Ferretti Bocquillon, directeur scientifique du musée des impressionnismes Giverny et responsable des Archives Signac.

Commissariat à Montpellier :
Michel Hilaire et Marie Lozón de Cantelmi
Exposition organisée par le musée des impressionnismes Giverny en collaboration avec le musée Fabre de Montpellier Agglomération

 

Pour célébrer le 150ème anniversaire de la naissance du peintre et dans le cadre de la seconde édition du festival Normandie Impressionniste consacrée au thème de l’eau, le musée des impressionnismes Giverny organise une exposition intitulée Signac, les couleurs de l’eau. Ce projet, dédié à la mémoire de Françoise Cachin, petite-fille du peintre et ancienne directrice des musées de France sera présenté au musée Fabre de Montpellier Agglomération du 13 juillet au 27 octobre 2013.
Depuis les premières marines peintes sur le littoral normand avec une vigueur et une liberté impressionnistes jusqu’aux amples architectures portuaires aux couleurs quasi fluorescentes d’après-guerre, la description de l’eau et du ciel offrirent à Paul Signac (1863-1935) un inépuisable prétexte à multiplier les variations chromatiques. Comme Monet, Signac a en effet trouvé une source d’inspiration constante dans l’évocation de l’eau et de ses couleurs. La réflexion de la lumière à la surface du fleuve et de la mer y fragmente le réel et l’artiste, ardent défenseur de la couleur pure, trouva dans ce motif une illustration naturelle de la théorie néo-impressionniste de la division des tons. Épris de plein air, Signac fut aussi un marin averti. Il sut conférer au genre de la marine une rigoureuse modernité formelle sans renoncer à sa force d’évocation. Car, au-delà de l’exigeante technique de la division des couleurs qui tend naturellement à l’abstraction, son oeuvre véhicule une puissante poétique du voyage et de l’évasion.
L’exposition comptera une centaine d’oeuvres, peintures, aquarelles et dessins, sélectionnées dans les plus grandes collections publiques et privées. Elle sera complétée par une riche section documentaire présentée avec le concours des Archives Signac et consacrée aux recherches sur la perception de la couleur. Enfin, une section pédagogique permettra aux visiteurs de mettre en pratique les principes de la division des tons et du contraste des couleurs.

 

Le parcours de l’exposition

1. Signac impressionniste : 1882-1885
C’est la visite de l’exposition présentée par Claude Monet en juin 1880 dans les locaux de La Vie moderne qui décida de la vocation de peintre du jeune Signac. D’emblée, il choisit d’évoquer les bords de Seine et c’est en Normandie, à Porten-Bessin qu’il peignit ses premières marines. Cette section mettra en valeur l’impact de l’oeuvre de Monet sur le jeune artiste autodidacte qui témoigne d’emblée d’une sensibilité impressionniste, avec un goût marqué pour l’usage des couleurs vives et les compositions frontales. Marin averti, Signac aime le contact des éléments et la description du fleuve, de la mer et du ciel le passionne. Quand la pratique de la division des tons exigera de sa part un patient travail en atelier, son tempérament énergique et son goût du plein-air ne se démentiront pas et s’exprimeront dans les études peintes sur le motif. Bientôt, la pratique de l’aquarelle lui offrira un espace de liberté supplémentaire.

2. Théories de la couleur autour de 1885
En 1884, Signac fait la rencontre déterminante de Georges Seurat auquel il fait découvrir l’impressionnisme. Il participe à ses recherches sur l’harmonie des lignes et la perception des couleurs et, ensemble, ils s’intéressent aux théories de Charles Blanc, d’Eugène Chevreul, d’Ogden Rood et de Charles Henry. La présence de cercles chromatiques, de gammes colorées et d’ouvrages scientifiques rappelleront au visiteur l’importance et la modernité des recherches consacrées alors à la perception des couleurs. Les travaux corollaires de Signac et de Louis Hayet témoigneront de l’impact immédiat de ces théories sur la création artistique.
Au cours de l’hiver 1885-1886, Seurat reprend entièrement Un Dimanche après midi sur l’île de la Grande Jatte (1884-1886, Chicago, The Art Institute) en appliquant pour la première fois la théorie du mélange optique selon laquelle c’est l’oeil du spectateur qui, à une certaine distance, recompose les tons. Il retravaille l’ensemble de la surface du tableau à partir de petites touches de couleur pure posées côte à côte sur la toile : le néo-impressionnisme est né.

3. Des Andelys à Concarneau, les premières séries néo-impressionnistes : 1886-1891
Signac adopte d’emblée cette technique à laquelle il sera définitivement fidèle. Au printemps 1886, c’est aux Andelys, non loin de Giverny, qu’il peint sa première série de paysages néo-impressionnistes. Il peint dès lors des toiles au chromatisme mesuré qui s’inspirent souvent des bords de Seine, notamment à Herblay où il séjourne en 1889. Mais très vite c’est la mer qu’il privilégie : la Méditerranée à Collioure en 1887 ou à Cassis en 1889, la Manche à Portrieux et Saint-Briac en 1889-1890 ainsi qu’à Concarneau en 1891. Les paysages d’eau peints au cours des premières années néo-impressionnistes sont de véritables poèmes de lumière où l’artiste décline les couleurs du paysage selon le climat et l’heure du jour. Les visiteurs de l’exposition auront le privilège d’en voir certaines, réunies pour la première fois telles que l’artiste lui-même les accrochait au Salon des Artistes Indépendants. C’est le cas de l’admirable série composée de Saint-Cast Opus 209 (Boston, The Museum of Fine Arts), Saint-Briac. Les balises Opus 210 (collection particulière), Saint- Briac. La Garde Guérin Opus 211 (Remagen, Musée Arp, dépôt de la Fondation Raü) et Saint-Briac. Le Port Hue Opus 212 (Moscou, musée Pouchkine).

4. Saint-Tropez 1892-1900 : de la lumière à la couleur
En 1892, l’année qui suit la mort de Seurat, Signac découvre Saint-Tropez où il loue puis achète une villa, La Hune. Jusqu’en 1900, il peint quasi exclusivement les paysages de Saint-Tropez et progressivement, sans renoncer à la division des tons, il en use plus librement. Il élabore une touche plus large, vivement colorée, et rédige le traité « D’Eugène Delacroix au néoimpressionnisme » publié en 1899. Président de la Société des Artistes Indépendants, il devient une des figures majeures de la scène artistique et reçoit à La Hune les jeunes peintres qui, comme lui, passionnés par l’expression de la couleur, feront l’art du XXe siècle.

5. L’appel du large 1895-1935
Dès 1897, Signac retrouve les sites qui ont inspiré ses premières oeuvres : la Manche au Mont-Saint-Michel et la Seine aux abords de Paris. Il visite les grands ports européens : Gênes, puis Venise (1904-1908), Marseille et Rotterdam en 1906, Istanbul en 1907, sans oublier les ports de France, notamment Saint-Malo où l’attirent les terre-neuvas. Au cours de ces voyages, il note ses impressions dans ses carnets d’aquarelliste avant d’élaborer ses oeuvres à l’atelier. À partir de 1900, les tableaux expriment le goût croissant de l’artiste pour les compositions extrêmement mesurées, rythmées par d’amples arabesques décoratives. Quant à la couleur, elle s’éloigne de plus en plus ostensiblement de la réalité observée. Pierre Bonnard a très justement parlé à son propos du « grand réalisateur des architectures colorées et des magnifiques ordonnances en réaction contre le bas réalisme et aussi le réalisme inconscient des impressionnistes ».

6. Aquarelles et dessins
Signac prépare ses tableaux par un ensemble de dessins, d’études peintes sur le motif et de cartons préparatoires qui constituent une part importante de son oeuvre. Ici aussi, l’ampleur décorative très mesurée des grands lavis s’oppose à la liberté des aquarelles où l’artiste exprime la permanence d’un tempérament foncièrement impressionniste. Progressivement, il privilégie l’aquarelle qu’il pratique avec passion depuis la découverte de Saint-Tropez en 1892 ; elle prend définitivement le pas sur sa production peinte à l’huile à partir de 1910.