contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Alexandre Hollan” L’experience de voir
au Domaine national de Chambord, Chambord

du 7 avril au 1er septembre 2013



www.chambord.org

 

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse en présence de Alexandre Hollan, le 6 avril 2013.

877_Alexandre-Hollan_1877_Alexandre-Hollan_2877_Alexandre-Hollan_3

Légendes de gauche à droite :
1/  Alexandre Hollan, Dans l’arbre, 2011. Acrylique sur toile, 180x180 cm. Photo © Illés Sarkantyu.
2/  Alexandre Hollan, Le grand chêne de Viols-le-Fort, le soir, 2006. Acrylique, 57x76 cm. Photo © Illés Sarkantyu.
3/  Alexandre Hollan, Le chêne bas, circulation d’énergies, 2012. Acrylique sur toile, 60x92 cm. Photo © Illés Sarkantyu.

 


877 Alexandre-Hollan video
Interview de Alexandre Hollan,

par Anne-Frédérique Fer, dans son atelier parisien, le 22 avril 2013, durée 19'06". © FranceFineArt.

Alexandre Hollan est représenté par la Galerie Vieille du Temple, Paris. http://www.galerievieilledutemple.com/

 


extrait du communiqué de presse :

 

Jean d’Haussonville, directeur de l’établissement public de Chambord
Yannick Mercoyrol, directeur de la programmation culturelle

 

Né en Hongrie en 1933, Alexandre Hollan est l’auteur d’une oeuvre abondante, considérée aujourd’hui comme l’une des plus marquantes du tournant des XXème et XXIème siècles. Quittant son pays natal lors du soulèvement de 1956, Hollan arrive alors en France où il suit les cours de l’Ecole des beaux-arts puis des arts décoratifs à Paris.
A partir de sa première exposition personnelle en 1978, l’artiste se consacre à un travail sur le motif qui élit deux modèles exclusifs : les arbres et les natures mortes, qu’il préfère nommer « vies silencieuses ». Aujourd’hui, il partage son travail entre ces vies silencieuses, à Paris, et les arbres qu’il peint en été depuis son mas de Gignac, dans le Languedoc. Ce partage de l’oeuvre recoupe celui entre mouvement (les arbres) et immobilité (les natures mortes), qui est également celui de deux chemins de l’art contemporain : celui de Rothko, dédié à la couleur, et celui de Morandi, dont Hollan a pu dire qu’il était son « père » artistique. Le travail sur le motif, inauguré en France au XIXème siècle par l’Ecole de Barbizon puis par les impressionnistes, revêt néanmoins ici un caractère paradoxal : Hollan s’attache au motif afin d’éviter toute dérive abstraite tout en dépassant son apparence afin de peindre l’énergie intérieure qui en émane. Son travail oscille donc entre visible et invisible, s’efforçant de peindre la sensation de celui qui regarde, opposée à la simple perception des signes extérieurs du monde. En ce sens, l’artiste revendique une recherche personnelle, liée à une réflexion proprement plastique : alternance du trait et de la forme ; travail sur les « réseaux » d’énergie des arbres ou des objets peints ; saisie de la présence vitale des éléments par différentes techniques picturales : lavis, fusains, acrylique, et différents supports : papiers, toiles, bannières.
En retrait d’un monde toujours plus frénétique, détourné des objets usuels et vieillis ou des paysages sans lustre monnayable, l’artiste donne également par son travail une leçon de patience, de tranquillité, de ténacité qui fait lentement surgir, pour le spectateur attentif, un autre ordre de la réalité, plus profond, plus sourd, mais plus intense aussi.
Peu spectaculaire, l’art intime et la recherche patiente de Hollan ont mis longtemps à trouver la place qui leur revient : régulièrement montré dans des galeries (M., Nane Stern, puis la Galerie Vieille du Temple depuis 1994), son travail a depuis quelques années franchi la porte d’institutions plus importantes, comme le Musée Jenisch (2001), le Musée d’art de Joliette (2006), le Musée Morandi (2011) et, l’an dernier, le Musée des Beaux-Arts de Budapest et le Musée Fabre de Montpellier.
A Chambord, au second étage du château entouré de 5500 hectares de forêt, l’art d’Alexandre Hollan se trouve comme chez lui. Mais au-delà du rapport évident aux arbres visibles des fenêtres de l’exposition, le travail si singulier de l’artiste dialoguera étroitement avec la qualité de silence, d’intensité sourde et de présence artistique qui constituent la marque essentielle de Chambord. Sur 600 m2, l’exposition présentera en une centaine d’oeuvres récentes les deux pans du travail du peintre ; elle constituera de fait la plus grande exposition jamais consacrée à l’artiste en France.

Entre natures mortes et paysage, entre figuration et abstraction
Le travail d’Alexandre Hollan se situe dans une double tradition de l’histoire de l’art : les natures mortes (qu’il nomme « vies silencieuses » en référence aux still lifes anglo-saxonnes) et le paysage (ses arbres). Qu’il peigne les unes ou les autres, l’artiste a toujours recours au motif, c’est-à-dire qu’il travaille avec l’objet réel devant les yeux, à une distance d’ailleurs relativement proche. En cela, il s’intègre également à une tradition, notamment celle de l’atelier en plein air inauguré en France mi XIXème. Pareillement, les techniques utilisées sont également traditionnelles : fusains, lavis ou acryliques. Néanmoins, le résultat de son travail oscille quant à lui entre la figure (présence du motif, saisi de l’intérieur) et la forme (travail plus abstrait, extérieur). Il existe ainsi dans l’oeuvre une ligne de partage entre figuration et abstraction, entre réel et représentation, de sorte que coexistent des arbres ou des objets reconnaissables par leur forme, et d’autres où seules les lignes de force (pour les arbres) subsistent, ou sont au contraire dissoutes (notamment pour les vies silencieuses). Les écritures d’arbres, notamment, constituent comme une simplification qui s’oppose à l’image mimétique de l’arbre. Tout l’art du peintre consiste à préserver la tension féconde entre ces deux représentations du réel, en conservant le motif pour éviter de donner libre cours à une subjectivité détournée du réel, tout en travaillant à le nier. Hollan parvient ainsi à peindre comme le suspens entre deux états du monde, de sorte à faire advenir dans l’objet la sensation qu’il projette. De sorte, également, à en révéler la présence sourde, notamment par l’usage d’une science très aboutie de la couleur. Comme il l’écrit lui-même dans une des nombreuses notes qui éclairent son travail : « une des joies les plus intimes est la perception de la lumière dans la matière. »

La question du mouvement
La lumière que le peintre révèle dans ses arbres ou ses natures mortes désigne également un mouvement propre à ces corps qu’on dirait a priori inertes. Le mouvement est en effet paradoxalement très présent dans l’oeuvre d’Hollan. Si le trait, et notamment le trait brusque des écritures d’arbres, désigne ce mouvement dans nombre de dessins ou même de toiles, il est également possible de voir un mouvement plus lent, plus sourd, dans la plupart des papiers que produit l’artiste. C’est qu’Hollan est un peintre de l’énergie, un peintre qui révèle l’énergie et le mouvement vital qui habitent ses figures. De la perception du motif à sa sensation, c’est tout un mouvement qui est mis en branle et se répercute sur le support. Comme le dit si justement Yves Bonnefoy dans sa Journée d’Alexandre Hollan, cette sensation « induit Hollan à noter d’un trait ce qu’il perçoit : et qu’il appelle un « courant », autrement dit la brusque émergence de l’arbre, grâce à un rythme, tout au long d’un frémissement, de ce que la vie porte en soi d’énergie, de volonté d’être. »

« Une traversée de l’apparence » Yves Bonnefoy
Démarche ascétique, rigoureuse, opiniâtre, l’art d’Alexandre Hollan questionne mystérieusement les apparences, elle est aimantée par un au-delà de la vision, hors de tout contexte explicitement religieux. Il s’agit, pour lui, de tenter par les moyens de la peinture de comprendre de l’intérieur la vie qui anime un arbre ou tel pot usé, tel fruit blet. Hollan travaille à la limite de la visibilité pour atteindre un invisible, une présence comme cachée ordinairement par les apparences. Sans doute y a-t-il dans cette œuvre l’intuition profonde d’une réalité transcendante, d’un regard qui dépasse ou creuse les contours du visible. C’est dans ce sens que l’art d’Hollan attache le spectateur qui prend le temps du regard, d’un abandon à des conditions différentes de la sensibilité. En ce sens qu’il est l’art d’un poète. Exposer un tel artiste à Chambord, c’est donc ouvrir la possibilité d’un dialogue intime entre deux œuvres d’art, entre deux silences, entre deux conceptions à la frontière de la figuration et de l’abstraction. C’est donc beaucoup plus que le simple rapport des arbres du peintre à ceux de la forêt qui entoure le monument. C’est donner au visiteur l’intuition d’une visée artistique du monument révélée par le travail d’un artiste d’aujourd’hui.

Biographie
Avant son départ lié au soulèvement de 1956, Alexandre Hollan a vécu plus de 20 ans dans sa Hongrie natale. Une enfance heureuse tout d’abord, dans un milieu privilégié ; une jeunesse plus difficile, en butte au pouvoir autoritaire : il effectuera ainsi son service militaire dans les mines, puis ne pourra accéder qu’à une école de décor de théâtre à Budapest, qui lui ouvre la carrière peu enthousiasmante de décorateur pour des salles mineures de la province hongroise. Il commence néanmoins déjà à peindre des paysages dans ces jeunes années, marqués notamment par une qualité de lumière qu’il a trouvée chez Rembrandt. Ignorant à peu près tout de l’art contemporain, il le découvre à Paris dès son arrivée en 1956 : Bram van Velde, puis Kline, Rothko et surtout Morandi bouleversent profondément sa compréhension de la peinture ; ce dernier, surtout, demeurera pour Hollan une référence majeure. Ces découvertes vont de pair avec un enseignement proprement artistique, qui lui est dispensé à l’Ecole des Beaux-Arts puis à celle des Arts décoratifs. Bien que continuant à peindre, Hollan ne montrera rien de son travail durant plus de 15 ans ; pendant cette période, il s’improvise, avec une vieille 4L, un atelier roulant qui le conduit du nord de l’Ecosse jusqu’en Italie : il peint déjà sur le motif, lentement, et cherche un lieu qui puisse satisfaire sa passion pour les arbres. Il le trouvera au début des années 80 en Languedoc ; dès ce moment-là, son temps se partagera entre ses « vies silencieuses » dans l’atelier parisien, l’hiver, et son travail sur les arbres dans le sud, l’été.