contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Ricciotti architecte” article 886
à la Cité de l’architecture & du patrimoine, Paris

du 11 avril au 8 septembre 2013



www.citechaillot.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 8 avril 2013.

886_Ricciotti_1886_Ricciotti_2886_Ricciotti_3

Légendes de gauche à droite :
1/  Villa Navarra, Provence (2002-2007) © Philippe Ruault.
2/  Siège de l’organisation internationale ITER, Cadarache (2007-2012) © Lisa Ricciotti.
3/  Stade Jean-Bouin, Paris (2007-2013) © Olivier Amsellem.

 


Texte de Frank Denon, pour FranceFineArt. © Frank Denon/FranceFineArt.

 

RICCIOTTI
Entre geste pur et prouesse…

L’exposition que présente la Cité de l’architecture et du patrimoine, annonce haut et fort non pas une rétrospective, mais bien plutôt la monographie d’un architecte ancrée dans le présent.

On découvre dans cet espace une scénographie plus plastique qu’architecturale, avec par endroits des aquarelles de Yvan Salamone, relatant l’œuvre de l’architecte, et de ci de là au sol des éléments de construction disposés avec rigueur sur de petites estrades. Des panneaux lumineux animent les murs, et l’on se sent très vite absorbé, presque dérouté, par une sorte de densité d’éléments géométriques et de masses sombres se juxtaposant avec force.

Rudy Ricciotti parle de minéralité, de sensorialité et de radicalité. On sait sans détour, en découvrant ses travaux, ce que peuvent signifier, cet engagement plastique avant tout et cette affirmation volontaire de la prouesse technique. On hésite toutefois, car il est difficile d’appréhender la dimension réelle des œuvres, à les saisir « physiquement », tant la surdimension des panoramas défilant sur les murs est imposante, et aussi, plus paradoxalement, du fait de la quantité d’objets techniques disposés sur le parcours de l’exposition.

Deux modestes maquettes, en terres cuites, emportent l’adhésion. On peut regretter ce choix justement si restreint dans cette mise en scène. Rudy Ricciotti aime parler de son art, de ses références, de son goût pour les arts plastiques et assume ainsi une figure maniériste dans ses choix. Un petit film explicatif nous montre l’architecte passant en revue ses réalisations. Je m’attarderai sur deux exemples : le Centre culturel Aimé Césaire à Gennevilliers et le Musée mémorial du camp de Rivesaltes.

Pour le premier, Rudy Ricciotti évoque « une convergence sympathique » afin de produire de l’optimisme chez les riverains. Ici, l’architecte s’est inspiré des travaux de l’artiste Lucio Fontana, en suivant ses toiles monochromes lacérées. Le deuxième exemple mérite une attention toute particulière, car on devine que le projet est un nouveau défi, une nouvelle prouesse qui illumine son regard.

Mais on s’interroge là, en dehors de toute considération technique et esthétique, sur la pertinence d’un tel projet. Que peut signifier cet emportement mémoriel, où tout lieu, tout espace symbolique devient sujet à construction ? La simplicité de cette terre aride, sous le soleil implacable couvrant les restes des bâtiments de la honte n’appelle rien d’autre que le silence. Alors pourquoi bâtir, et pour dire quoi de plus, que ce que peuvent renvoyer les restes de notre misère historique ?

Frank Denon
Paris, avril 2013

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat
Francis Rambert, commissaire
avec la collaboration de

Christine Carboni, responsable de programme
Martine Colombet, responsable éditoriale

 

C’est difficile de devenir architecte mais c’est beaucoup plus difficile de le rester
citation de Rudy Ricciotti, extraites du texte « La mise en danger comme moteur », publié dans le livre accompagnant l’exposition Ricciotti architecte.

 

 

L’architecture de Rudy Ricciotti est un récit, à la manière d’une peinture de scène, de bataille ou de genre. Eloquente, dans une volonté d’allier lyrisme et haute technicité, toujours au service des savoir faire. Audacieuse, elle met les mains dans la matière pour en extraire ses limites, quelquefois au delà de la compréhension visuelle.
De la transformation du patrimoine (Philharmonie Nikolaïsaal à Potsdam, abbaye de Montmajour, Grands Moulins de Paris, département des arts de l’Islam au Louvre) aux ouvrages d’art (passerelle de la Paix à Séoul, pont du Diable à Gignac, passerelles du MuCEM à Marseille, pont de la République à Montpellier), son travail foisonnant exprime la minéralité.
Les trente projets présentés, construits ou en cours d’achèvement comme le Stade Jean-Bouin à Paris, ou projets de concours majeurs, révèlent le travail de Ricciotti constructeur. Des éléments de chantier, moules et prototypes à l’échelle 1, viennent augmenter de grandes projections thématiques, comme la relation au contexte, essentielle dans le travail de l’architecte.
L’exposition intègre des oeuvres d’artistes, dont une série d’aquarelles d’Yvan Salomone, et s’accompagne d’un film d’auteur, L’Orchidoclaste, regard de Laetitia Masson sur Rudy Ricciotti, et d’un livre aiguisé à l’univers créatif de l’architecte.

 

 

Minéralité, sensorialité, radicalité
Ancré à Bandol, Rudy Ricciotti a commencé sa carrière en construisant de nombreuses maisons sur la Côte d’Azur, c’était sa période « balnéo-baroque », sous influence floridienne. Tout bascule avec la réalisation du Stadium de Vitrolles, projet fondateur dessiné en 1990. Avec cette architecture monolithique dans un paysage teinté de bauxite, il va marquer son goût pour l’expression de la « physicalité ». Sans trace d’effort, l’architecture s’impose, la structure s’exprime. Puis il ne tarde pas à s’affirmer comme un « maniériste radical », oxymore s’il en est. D’où son écriture aux antipodes du minimalisme, qu’il considère comme « une perte de la narration ».
Pétri de la culture du travail sur le chantier, Ricciotti « le constructeur » s’ingénie à pousser ses recherches sur la matière, expérimentant notamment la technologie du béton fibré ultra performant. La haute maîtrise technique va ainsi de pair avec l’expression plastique. Sensorialité de la peau et matérialité de l’ossature sont liées in solidum, exprimant l’indéniable force de son architecture. En témoignent l’exosquelette du Pavillon noir, centre chorégraphique d’Aix-en-Provence, la coque lacérée du Musée Cocteau à Menton, les résilles structurelles du MuCEM, pièce maîtresse de la reconquête du port de Marseille, ou bien encore celles du stade Jean-Bouin à Paris, qui entre dans un rapport dialectique intéressant avec le Parc des Princes, icône tout béton des années 1970.
La relation au paysage est aussi l’une des clés du travail de Ricciotti, qui peut se lire comme contextuel et circonstanciel. À commencer par la série de maisons mono-orientées, tout en longueur pour se connecter sur un horizon lointain – c’est la quête de l’« horizon métaphysique de la Méditerranée ». Ainsi la maison Navarra, sur les hauteurs de Saint-Tropez, cherche-t-elle, par sa plaque en porte à faux, à se rendre aussi efficace que furtive. Même type de rapport avec le pont du Diable à Gignac ou bien avec le futur mémorial du camp de Rivesaltes, autre plaque, gigantesque cette fois, qui affleure sur 200 mètres.
Se confronter au patrimoine relève pour lui de l’aimable défi, infiltration du contemporain en milieu historique, qu’il s’agisse de l’abbaye de Montmajour, du mastodonte moderne des Grands Moulins de Paris (qu’il aura contribué à sauver de la destruction), ou encore de l’extension d’un bâtiment des années trente pour y installer la Philharmonie de Potsdam.
Dans l’actualité de l’ouverture du MuCEM à Marseille, capitale européenne de la culture 2013, et de la nouvelle aile du Louvre à Paris dédiée aux arts de l’Islam, la Cité de l’architecture et du patrimoine présente la première monographie consacrée au travail de Rudy Ricciotti depuis qu’il a obtenu le Grand Prix national d’architecture en 2006.
Le livre qui accompagne l’exposition s’enrichit de contributions d’artistes (Fred Rubin, Yvan Salomone), d’écrivain (Jean-Paul Curnier), de poète (Julien Blaine), d’un architecte-ingénieur comme Marc Mimram, qui voit dans le travail de Ricciotti le signe d’un « rationalisme lyrique ». Sans oublier Laetitia Masson, le cinéma s’étant invité dans le domaine de l’architecture. Son film réalisé pour l’exposition dépasse le documentaire pour offrir le regard d’une cinéaste-auteur sur un architecte-auteur. Après Esquisses de Frank Gehry par Sydney Pollack, après Combien pèse votre bâtiment, monsieur Foster ?, voici L’Orchidoclaste.
Francis Rambert, commissaire de l’exposition