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“Jean de Gonet” relieur
à la BnF François-Mitterrand, Paris

du 16 avril au 21 juillet 2013


www.bnf.fr

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Légendes de gauche à droite :
1/  Portrait de Jean de Gonet. © BnF / David-Paul Carr.
2/  Jean de Gonet, Léopold Survage. Phrases. 1976, Bibliothèque Paul Destribats, Paris, © ADAGP, 2013.
3/  Jean de Gonet, Marcel Proust. À la recherche du temps perdu. Tome V. Sodome et Gomorrhe II. 2010., Coll. Jean de Gonet, © ADAGP, 2013.

 


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Interview de Jean de Gonet,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 15 avril 2013. © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt

 

Trente-cinq ans après l’avoir fait découvrir au public pour la première fois, quand il n’était qu’aux prémisses de son art, la Bibliothèque nationale de France consacre une nouvelle exposition au relieur, Jean de Gonet. Sous forme de rétrospective, elle présente 160 reliures, de 1974 à 2010, de cet amoureux de l’objet livre, devenu depuis une référence mondiale.

Reliure d’art
De Jean de Gonet, l’on peut dire qu’il est à la fois un artisan et un artiste. Artisan, car ses reliures témoignent d’un véritable savoir-faire technique. Inventeur d’une nouvelle méthode, la création de plats moulés en polyuréthane, au milieu des années 1980, il utilise les matériaux les plus divers et les plus étonnants. Cuir et papier, bien sûr, mais aussi bois, ardoise, et même ardoise et joncs constituent tout autant d’outils et de moyens d’expression au service de son imagination. Malgré la singularité des matières, Jean de Gonet ne perd pourtant pas de vue l’objectif premier d’une reliure : protéger le livre. Artiste car, au-delà de la maîtrise purement pratique des méthodes de fabrication, il y a la beauté née de l’harmonie des couleurs, de l’élégance des motifs, de l’agencement délicat des éléments. Exécutées sur commandes ou simplement par plaisir, pièces uniques ou en édition limitée, chacune de ces productions faites main témoigne du même souci du détail et, surtout, de l’amour du livre. Vecteur du premier contact entre le lecteur et le texte, les reliures deviennent ici écrins précieux.

Du regard au toucher
L’exposition séduit par la variété (des formes, des matériaux, des tailles) des ouvrage présentés. La nature des textes eux-mêmes importe finalement peu. Les titres apparaissent d’ailleurs rarement sur les couvertures, où ils se fondent alors dans les autres éléments. Seul l’exemplaire de Nadja, d’André Breton, laisse les lettres occuper librement l’espace. Reprenant la calligraphie propre à la collection de la NRF, elles se déploient sur un fond vert entre des colonnes gaufrées, en relief. Car le livre de Jean de Gonet s’admire mais doit aussi se manipuler, se sentir et se ressentir. L’artiste joue sur la différence des textures tout autant que sur la variation des teintes (dont les recueils de Cotte, dans les tons chauds, sont un parfait exemple). L’édition de La Planète des singes (Pierre Boulle), d’une élégante sobriété, décline ainsi le noir entre peau poulain et de crapaud, pour créer un contraste entre douceur et rugosité. Parfois, l’univers du texte se retrouve dans la reliure, comme cette réinterprétation du motif en « pied de coq » qui orne l’ouvrage de Paul Morand, L’Allure de Chanel. Le livre devient ainsi un objet désirable, que l’on souhaite toucher tout autant que lire. Mais il n’est pas sûr, pourtant, que l’on ose l’ouvrir, de peur d’en abîmer le lustre…

Aydrey Parvais



extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Antoine Coron, directeur de la Réserve des Livres rares, BnF

 

La Bibliothèque nationale de France expose l’oeuvre de Jean de Gonet, relieur qu’elle avait contribué à faire découvrir par une première exposition dès 1978, alors qu’il s’annonçait comme la figure montante de son art. Depuis, la reliure, en France et à l’étranger, ne se conçoit plus sans référence à celui qui l’a si fortement marquée de son empreinte, sur le plan technique aussi bien qu’artistique, guidé par deux exigences : conserver à l’acte de relier sa fonction première, qui est de protéger l’ouvrage en en facilitant la lecture, et faire en sorte que les livres ainsi couverts soient des objets aussi beaux à voir que plaisants à tenir en main.
S’étant formé en autodidacte à l’exécution impeccable des figures les plus classiques de son métier, Jean de Gonet s’en est libéré en deux ans, de 1976 à 1978, pour mettre au point une nouvelle manière de relier, inspirée de techniques anciennes. Les plats, rattachés au dos par une couture visible, en restent cependant distincts, rendant ainsi plus aisée l’ouverture du livre. Traités isolément, ils peuvent être plus librement travaillés en toutes sortes de matériaux.
L’oeuvre de Jean de Gonet est le résultat de son exploration progressive des voies ainsi ouvertes, retenant les plus directes, revenant sur les plus fécondes, agrégeant à son outillage toute une gamme de nouveaux moyens d’expression. Avec de l’imagination et de l’adresse pour tout bagage, ce relieur a su amener le métier à sa main, contraignant sa dextérité à s’effacer devant une rigueur bien à lui, partout présente et surtout lisiblement signée.
Le parcours de l’exposition se décline en 160 reliures, de 1974 à 2010. Il ne peut se résumer à l’inventaire des matériaux employés et des techniques constamment réinventées. Pourtant, rien n’a été laissé de côté, pas même le hasard : bois précieux, semelles de caoutchouc, reliures à plats moulés en polyuréthane, en carbone et kevlar, gaufrages en tous genres, teintures végétales, monotypes, peintures au pochoir, roussette, galuchat, goitre de dinde, ardoise ou plus sobrement medium, tout ou presque y est passé, a été repensé. Jusqu’à offrir à ses reliures photographiques la sensualité d’un laque de Chine.
Maître des couleurs, des tensions subtiles qu’il dessine en surface, des vibrations tactiles qu’il y imprime, Jean de Gonet a réussi le tour de force d’être un relieur contemporain, sans que ses créations dissonent avec les livres les plus anciens. Ainsi a-t-il séduit les bibliophiles les plus exigeants qui lui ont confié des pièces souvent très précieuses, comme en témoigne aussi le catalogue publié, où tous les livres et manuscrits exposés, de 1492 à 2007, sont décrits et leur reliure reproduite.