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“Jean-Luc Chapin, La table des chiens” photographies
au musée de la chasse et de la nature, Paris

du 23 avril au 29 septembre 2013


www.chassenature.org

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 22 avril 2013.

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1/ 2/ 3/ © Jean-Luc Chapin

 


912 Jean-Luc Chapin

Interview de Jean-Luc Chapin,
par Pierre Normann Granier, à Paris, le 22 avril 2013, durée 6'51". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt

 

Le Musée de la Chasse et de la Nature propose trois expositions temporaires se mêlant à ses œuvres permanentes. « La Table des Chiens » réunit des clichés du photographe Jean-Luc Chapin, pris dans quatre régions différentes de la France, en compagnie d’un groupe de traqueurs. Si une salle lui est exclusivement réservée, quelques photographies se sont néanmoins égarées dans les autres pièces du musée. Les « Échappées » du plasticien Arno Kramer ont pour leur part investi l’escalier d’honneur de l’hôtel de Guénégaud. Installation éphémère et flottante de toiles suspendues au mur, elles ont le charme inquiétant d’une songerie romantique. Enfin, « Regards persans » réunit plusieurs clichés et vidéos de deux noms de la scène artistiques iranienne, le réalisateur Abbas Kiarostami et l’artiste Morteza Ahmadvand. Trois expositions pour trois regards différents sur les rapports entre l’homme et la nature.

La chasse comme porte sur la nature, voilà ce que les photographies de Jean-Luc Chapin nous donnent à voir. Une porte qui cadre, nécessairement de manière arbitraire, le désordre du paysage pour mieux en exprimer la beauté sauvage. Ainsi, sur les rives couvertes de givre d’une rivière, un demi-cercle de bois rougeoie sous une lumière crépusculaire. L’œil du photographe révèle alors l’ordre géométrique inattendu qui préside à l’enchevêtrement de la forêt. La verticalité des arbres se confronte à la courbe des bords d’une mare ou la sinuosité d’une rivière gelée dont la blancheur éclatante tranche sur le brun mordoré de la terre. Le chasseur, rendu maître de son territoire pour l’avoir arpenté encore et encore, est ici un guide qui permet à l’artiste d’approcher au plus près de la nature afin de ne faire qu’un avec elle. Dans les pas du traqueur, le photographe se penche sur les traces de vie semblant baliser son chemin : traces de l’homme bien sûr, telles ce fil barbelé qui blesse l’écorce d’un arbre, mais aussi traces de l’animal, empreintes de pattes sur la neige ou le sable mouillé, témoins éphémères d’une existence sauvage invisible. Cette entrée dans la forêt par le biais du chasseur est fatalement marquée de violence et d’une certaine barbarie. Quand une souche fendue paraît dévoiler ses entrailles blanches de sève, une scène de dépeçage offre une vision crue de la mort, que le spectateur ne peut ignorer.
Crépusculaires et brumeuses, parfois cruelles ou abstraites, les photographies de Jean-Luc Chapin effleurent les rapports teintés d’âpreté de l’homme à la nature sans pour autant se départir d’une poésie presque romantique.

Les « Échappées » d’Arno Kramer, soixante dessins dont de grandes toiles suspendues aux murs, sont autant d’invitations au rêve. Le dessin contemporain d’Arno Kramer entre en résonnance avec l’escalier d’honneur à l’architecture classique. Quand la ferronnerie rappelle les arbres, les grandes fenêtres couvertes de papier blanc laissent entrer une lumière diffuse rehaussant le sentiment d’irréalité qui se dégage de l’installation. Les couleurs pâles, les formes parfois à peine esquissées et l’emploi de plusieurs techniques évoquent une nature spectrale. À la transparence de l’aquarelle et à ses coups de pinceaux visibles s’unissent le trait gras du fusain ou la douceur du pastel, comme pour mieux dessiner les contrastes. De la flore aux teintes sombres émergent des animaux opalescents, comme cette biche à la silhouette gracile qui évolue au milieu d’arbres longilignes d’un noir profond. Le calme et la sérénité qui émanent des créatures sont alors troublés par la noirceur presque oppressante de la végétation. L’homme comme chasseur représente ici une menace pour cette forêt chimérique.

Les projections et les photographies d’Abbas Kiarostami et de Morteza Ahmadvand dressent une troisième vision du rapport entre l’homme et la nature. Leur clichés épurés (des murs uniformément gris rompus seulement par le carré noir d’une fenêtre ou le vert par contraste éclatant d’une branche), disséminés dans le musée, provoquent de véritables ruptures avec les œuvres classiques de l’exposition permanente. Les vidéos, quant à elles, éveillent l’attente du spectateur. Les oiseaux en cage, confrontés à la possibilité de la liberté, vont-ils choisir de s’échapper ? La mer qui vient se fracasser sur les rochers, emportera-t-elle finalement les œufs qu’elle malmène ? Les mouvements et les sons des ailes et celui des vagues tendent à créer une ambiance hypnotique, seulement rompue par l’envol soudain d’un oiseau ou la disparition d’un œuf emporté par les flots.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Claude d’Anthenaise, conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée de la Chasse et de la Nature

 

Après l’exposition Un sauvage sentiment, présentée en 2002, Jean-Luc Chapin est de retour au musée de la Chasse et de la Nature avec cinquante photographies récentes.
Cette sélection de clichés carrés (40x40 et 80x80) marque le passage du noir et blanc (exclusif jusqu’en 2007) à la couleur (photographies 2012-2013). La série a été réalisée dans quatre régions françaises aux identités distinctes : le domaine de Bel Val (Ardennes), le Marais-Vernier (Haute-Normandie), la réserve naturelle des prés salés d’Arès et de Lège Cap Ferret (Gironde), Dissésous-le-Lude (Sud Sarthe). Elle s’inscrit dans un nouveau cycle intitulé La Table des chiens. Titre de l’exposition, ce cycle fait référence à l’invitation à dîner que le photographe a reçue au cours d’une partie de chasse : les traqueurs (personnes qui, au cours d’une battue, recherchent le gibier avec l’aide des chiens) l’ont accueilli en leur sein pourvu qu’il accepte de partager leur repas, servi à part de celui des autres convives, à « la table des chiens ».
Pour Jean-Luc Chapin, les chasseurs sont des « passeurs » en ce qu’ils l’aident à entrer dans le paysage. Celui-ci est perçu comme une vue et une construction de l’esprit. L’homme et l’animal y occupent une place non négligeable. Grâce à la chasse – que Chapin ne pratique pas – il peut entrer en contact avec le territoire et ses réalités. Le photographe rappelle que l’action de chasse fait appel à l’esthétique et recourt au sensible (lumières, ambiances, humidité, odeurs…) à l’instar de la pratique photographique. Outre l’évocation d’une expérience personnelle, Jean-Luc Chapin est très lié au livre, comme lecteur, comme photographe et dans la relation singulière qu’il entretient avec des auteurs contemporains. Le photographe avoue un intérêt particulier pour le sanglier dont il dit qu’« il rend aux hommes une part de leur sauvagerie ».
Pour l’exposition, Eric Audinet (écrivain et éditeur), Alain Borer (poète et théoricien de l’art), Christian Caujolle (fondateur de l’agence VU’ et critique d’art) et Jean-Marie Laclavetine (écrivain et éditeur) ont donné des textes qui mettent en perspective le travail de Jean-Luc Chapin.

Né en 1963 au Lude (Sarthe), Jean-Luc Chapin vit dans la campagne bordelaise. Photographe de l’agence Vu depuis 1993, il travaille exclusivement en argentique. Il a publié un grand nombre de livres et certaines de ses photographies appartiennent à des collections publiques ou privées notamment « Racines » et la série d’études « Sangliers », présentées au musée de la Chasse et de la Nature.

 

 

 

 

Également au musée de la chasse et de la nature,

 

L’installation de Arno Kramer : Echapée(S)
À l’invitation de Claude d’Anthenaise, directeur du musée de la Chasse et de la Nature, le plasticien et commissaire d’exposition néerlandais Arno Kramer investit la cage de l’escalier d’honneur de l’hôtel de Guénégaud (Monument historique). Cette oeuvre éphémère renouvelle le regard habituellement porté sur ce chef-d’oeuvre de l’architecture classique française du XVIIe siècle, dû à François Mansart.
Conçue comme un décor flottant de tapisseries suspendues pour quelques semaines aux murs de la cage d’escalier, cette installation monumentale comporte 60 dessins marouflés sur papier Japon. Intitulée « Échappées », elle présente la vision très personnelle du rapport de l’homme à l’animal que s’est construite Arno Kramer. La Création y est symbolisée par des silhouettes d’hommes et d’animaux simplement esquissées. À ces formes fugitives et à ce bestiaire à la mine de plomb rehaussés de pastel, de lavis et d’aquarelle, s’adjoint tout un univers fantomatique, surgi de figures minérales et végétales. Influencé par l’Irlande, pays dont il apprécie les paysages et la poésie, Arno Kramer y a effectué plusieurs résidences depuis 1995. Parallèlement à son travail, exposé en Europe et aux États-Unis, l’artiste organise des expositions qui contribuent au renouveau du dessin contemporain.
Arno Kramer est né en 1945 à Winterswijk (Hollande). Il vit et travaille à Broekland (Hollande).

Les vidéos de Ahmadvand & Kiarostami : Regards Persans
À l’approche de la période estivale, la proposition culturelle du musée de la Chasse et de la Nature se renouvelle. Au fil de la visite, la projection de cinq vidéos d’artistes réalisées par deux figures de la scène iranienne contemporaine permet de porter un nouveau regard sur les collections. L’esthétisme et l’étrangeté de ces images animées vient parfois perturber le bel ordonnancement des oeuvres du musée. Cette proposition permet aussi de jeter un pont vers l’Orient, à travers deux générations d’artistes iraniens, Abbas Kiarostami (né en 1940) « réalisateur star de la nouvelle vague » et Morteza Ahmadvand (né en 1981). Ils revisitent leur tradition culturelle nationale dans laquelle le monde animal occupe une large place, en particulier dans la littérature.

Abbas Kiarostami est né en 1940 à Téhéran. Réalisateur à la notoriété internationale, il est également poète, photographe, dessinateur et peintre. Morteza Ahmadvand est né en 1981 à Téhéran.