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“Simon Hantaï” article 947
au Centre Pompidou, Paris

du 22 mai au 2 septembre 2013



centrepompidou.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, présentation de l’exposition par Dominique Fourcade, le 21 mai 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Portrait du peintre Simon Hantaï, vers 1970. © Édouard Boubat / Rapho.
2/  Simon Hantaï, Étude, 1969. Huile sur toile, 275x238 cm. National Gallery of Art, Washington, Don du Collectors Committee, 2012. © Adagp, Paris 2013.
3/  Simon Hantaï, À Galla Placidia, 1958-1959. Huile sur toile, 326x400 cm. Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Paris. Don de l’artiste en 1998. © Adagp, Paris 2013.

 


947 Simon Hantai
Interview de Dominique Fourcade, co-commissaire de l’exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 21 mai 2013, durée 37'58". © FranceFineArt.

 


texte de Audrey Parvais, rédactrice pour FranceFineArt.

 

Cinq ans après la mort de l’artiste, le Centre Georges Pompidou consacre une rétrospective à Simon Hantaï, une des figures majeures de la peinture abstraite du XXe siècle. Cette exposition est d’autant plus exceptionnelle que la dernière de ce type a eu lieu en 1976, au Musée national d’art moderne, et que le peintre lui-même s’est retiré de la scène artistique dès 1982. C’est l’occasion de redécouvrir cet artiste dont les rares apparitions ne doivent pas dissimuler un travail d’une extraordinaire richesse.

De l’échange des couleurs
Qui dit rétrospective dit parcours chronologique. La première partie, consacrée aux années 1949-1955, fait d’abord découvrir une facette peu connue de l’artiste : sa période surréaliste. Sur les tableaux, dominent des couleurs acides étalées en formes tourmentées, figurant des corps contorsionnés d’où émane une certaine violence visuelle, dans la lignée de Dali. Déjà, Simon Hantaï démontre qu’il aime jouer avec les matières. Plumes et cordelettes collées, ou même crânes d’animaux accrochés à la toile accompagnent la peinture à huile aux tons vifs. Les années qui précèdent les séries des Mariales (1960-1962), avec lesquelles il introduit la méthode de pliage qu’il utilisera tout au long de sa carrière, témoignent ensuite d’une brusque évolution. Aux gestes amples du pinceau succèdent de petites touches de couleurs juxtaposées émergeant d’un fond plus sombre, comme autant de points de lumière. Les Larmes de saint Ignace (1958) évoque alors un vitrail brisé dont on aurait aléatoirement recollé les morceaux. Toute la suite de l’exposition est consacrée à la méthode de pliage et de peinture qui a fait la renommée de Simon Hantaï, et aux nombreuses expérimentations auxquelles il a pu se livrer au fil des années. Les toiles froissées, peintes puis dépliées, offrent des formes étranges et poétiques où la couleur, vive et lumineuse, dialogue avec le blanc de la matière.

De l’abondance au néant
Car Simon Hantaï est avant tout un coloriste. D’abord emprisonnées par les figures de la période surréaliste, puis étroitement mélangées les unes aux autres dans de petits coups de pinceau incisifs, les teintes se libèrent par la suite pour se déployer en larges aplats. L’on distingue alors les plis et les bosses provoqués par le pliage, soulignés par des tons plus soutenus, comme pour cette œuvre noire et brillante éclairée par d’étonnants reflets verts. De peinture, le tableau devient aussi alors presque sculpture. Peu à peu, la couleur, qui recouvre d’abord toute la toile, laisse la place aux espaces non-peints, rompus par des éclats de violet ou de bleu vifs d’autant plus flamboyants qu’ils sont rares et soudains. Cette démarche presque nihiliste atteint son apogée avec les Tabulas lilas (1982), pliage blanc sur blanc qui se pare, sous une lumière adéquate, d’une teinte lilas diaphane. Prestigieuse, l’exposition réunit surtout certaines des plus grandes œuvres de l’artiste. Après Sexe-Prime. Hommage à Jean-Pierre Brisset (1955) et ses courbes qui se déroulent et se croisent sans fin, sont réunis côte à côte les deux majestueux tableaux Peinture [Écriture rose] et À Galla Placidia, réalisés en même temps entre 1958 et 1959. Le premier se compose en réalité de couches successives de textes philosophiques ou poétiques, interrompues par des symboles pour la plupart religieux représentés dans une peinture dorée scintillante et rappelant les étapes cruciales de la vie de l’artiste. Le rose du tableau provient, lui, de la juxtaposition des textes et de leurs couleurs différentes. Car Simon Hantaï, comme ne cesse de nous rappeler l’exposition tout au long de son parcours, est resté un expérimentateur de l’abstraction, jouant avec les couleurs pour mieux les sublimer.

Audrey Parvais

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissaires
Dominique Fourcade, Isabelle Monod-Fontaine et Alfred Pacquement

 

 

 

Le Centre Pompidou rassemble pour la première fois l’oeuvre de l’un des plus grands peintres de la seconde moitié du XXème siècle, figure magistrale de l’abstraction : Simon Hantaï. Cinq ans après la disparition de l’artiste, le Centre Pompidou consacre à l’oeuvre de Hantaï une exposition inédite – la première depuis plus de trente-cinq ans. À travers plus de 130 peintures créées à partir de 1949 jusqu’aux années 1990, cette exposition sans précédent par son ampleur et son caractère rétrospectif, témoigne de l’importance et de la richesse foisonnante d’une oeuvre aujourd’hui internationalement reconnue.
La dernière rétrospective consacrée à l’oeuvre de Hantaï avait eu lieu en 1976 au Musée national d’art moderne quelques mois avant son transfert au Centre Pompidou. Depuis, Hantaï avait été invité dans de nombreux musées en France, ainsi qu’en Allemagne et à la Biennale de Venise dans le pavillon français (1982), mais les occasions de voir son oeuvre sont ensuite devenues extrêmement rares. Hantaï s’est alors volontairement retiré du monde de l’art, se refusant à exposer sauf en d’exceptionnelles occasions, jusqu’à son décès en 2008.
Surtout connu pour ce que l’artiste nomme « le pliage comme méthode », initié en 1960, l’œuvre de Hantaï se déroule en moments successifs d’une étonnante diversité. L’exposition s’ouvre sur les premières années de création qui suivent son arrivée en France et offre une lecture chronologique de son parcours artistique dès les années 1950 : des toiles surréalistes, telle Femelle Miroir,1953, aux peintures gestuelles, telle Sexe-Prime, Hommage à Jean-Pierre Brisset, 1955, des peintures de signe, comme Souvenir de l’avenir, 1957, à celles constituées de petites touches, cette époque s’achève avec les peintures d’écriture. Cette première phase, largement méconnue, culmine avec deux chefs-d’oeuvre de 1958-59 réunis pour la première fois : Écriture Rose et À Galla Placidia.
À partir de 1960, avec la suite des Mariales, Hantaï peint « en aveugle » une surface préalablement pliée en la recouvrant de couleurs : « Cette fois la couleur est le mode principal [...]. La lumière a l’air de venir dans la couleur de par derrière, sur le mode d’un vitrail. En vérité, la couleur est la lumière » (Dominique Fourcade). Dès lors chaque série de peintures va faire appel à cette méthode selon des modes très différenciés : Catamurons, 1963, Panses, 1964-1965, Meuns, 1967-1968, Études, 1969, Blancs, 1973-1974, Tabulas, 1973-1982 enfin, permettront à Hantaï d’élaborer et de renouveler des compositions formelles et inédites, souvent de grand format. C’est alors qu’il s’affirme comme l’un des plus grands coloristes de son temps. L’oeuvre de Hantaï est à cette époque très présente sur la scène française et a un fort impact sur les générations de peintres plus jeunes. Suivra une longue absence, ponctuée de rares événements comme une nouvelle suite d’oeuvres, les Laissées, qui verra le jour dans les années 1990. On y voit Hantaï découper de grandes Tabulas des années 1980 et en extraire des fragments qui deviennent à leur tour des oeuvres à part entière. S’achevant sur cette série, l’exposition constituera l’extraordinaire redécouverte d’un peintre éblouissant qui compte parmi les figures les plus importantes de la seconde moitié du XXème siècle.
Un catalogue, ouvrage de référence sur l’oeuvre de l’artiste, est publié aux Éditions du Centre Pompidou, sous la direction de Dominique Fourcade, Isabelle Monod-Fontaine et Alfred Pacquement, commissaires de l’exposition.

 

 

Extraits de textes de l’album

 

Premières peintures, 1949-1950
Les premières peintures que Simon Hantaï réalise immédiatement après son arrivée à Paris, en 1948, traduisent l’influence des primitivistes hongrois, mais, surtout, portent la marque de son séjour en Italie. C’est particulièrement le cas des Baigneuses, datées de 1949. En 1950, il peint plusieurs œuvres associant des figures isolées au centre de la toile, sur des fonds colorés et composés avec différents effets de matière, dont des coulures. Commencent alors à apparaître des figures fantastiques.

Période suréaliste, 1951-1955
Dès 1951, Hantaï réalise des peintures proches du surréalisme. Des réseaux de formes organiques commencent à se mettre en place, cadrées dans certaines toiles par une juxtaposition de carrés ou de rectangles. Pendant cette période, Hantaï expérimente des techniques très diverses : collage, frottage, grattage à l’aide de lames de rasoir, coulures et même pliage. À partir de 1952, Hantaï utilise dans certaines oeuvres des ossements d’animaux (crânes de volaille, arêtes de poissons), et le geste surréaliste tend à s’assumer comme tel. André Breton découvre ces oeuvres en 1952 et invite Hantaï à exposer un ensemble important de tableaux à la galerie L’Étoile scellée en 1953. Hantaï fait dès lors partie du groupe surréaliste et participe à quelques réunions.

Sexe-prime et peintures gestueles, 1955-1957
Hantaï continue ses expériences de collage et de grattage, tout en réalisant des peintures plus abstraites, construites à partir d’un réseau de coulures et de « drippings ». En 1954 et 1955, la présence d’éléments explicitement figuratifs tend progressivement à diminuer. Le travail de Hantaï devient plus homogène au cours de l’année 1955. Au lieu de lames de rasoir, il utilise désormais systématiquement son « outil-réveil » avec lequel il racle par gestes répétés la couche de peinture industrielle noire posée en dernier, révélant ainsi la couleur sous-jacente, souvent très vive, et rendant l’emportement du geste de plus en plus lisible. En 1957-1958, le réseau des signes devient progressivement moins dense et moins violent : Hantaï réalise des peintures à signes très épurées et méditatives, ne comportant qu’une croix ou une ellipse, qui résume le travail de simplification auquel l’image a été soumise. D’autres peintures, où le geste de raclage produit une prolifération de traces, sont explicitement dédiées à des penseurs, des saints, des théologiens, ou des poètes catholiques.

Peintures à petites touches et à écriture, 1958-1959
En 1958-1959, Hantaï expérimente de nouvelles voies. Optant pour une occupation plus systématique de la surface, il juxtapose des touches régulières en forme de longues virgules ou de petites surfaces plus rondes, qu’il racle en faisant apparaître des couleurs très vives. La couche de jus noir renvoyée à la périphérie de la surface grattée produit l’impression d’un maillage. Ces œuvres appartiennent au groupe de toiles-satellites, de dimensions moins exceptionnelles, dont certaines, réalisées parallèlement aux deux oeuvres monumentales Écriture rose et À Galla Placidia, combinent magnifiquement le geste et l’écriture.

Peinture (écriture rose) - A Galla Placidia, 1958-1959
À la fin de 1958, Hantaï entreprend deux oeuvres qu’il réalisera de front pendant toute l’année 1959. Tous les matins ou presque, il se consacre à cette toile monumentale encore sans nom (329,5 x 425,5 cm), où il transcrit la liturgie entendue à la messe du jour. La peinture se couvre de couches successives de ces textes religieux, mais aussi philosophiques, esthétiques ou poétiques. La superposition des encres (noire, verte, rouge, violette…), variant selon le cycle, donne à l’ensemble une tonalité qui explique le titre Écriture rose que l’oeuvre prendra plus tard. L’après-midi est dédié à l’autre peinture, À Galla Placidia.

Mariales, 1960-1962
À partir de 1960, Hantaï utilise une toute nouvelle méthode : le pliage. Il commence par une importante série de peintures, intitulée par la suite Mariales, à laquelle il travaille pendant deux ans. Dans les quatre variantes de cette série, la toile est pliée, ou, plus exactement, froissée de bord en bord, et les parties restées accessibles sont peintes. Puis elle est dépliée, et les parties en réserve – l’intérieur des plis – sont peintes à leur tour, créant un espace totalement recouvert, un tissu coloré all over complexe. Les lettres attribuées par Hantaï correspondent aux variantes de cette méthode de base : a, pour les toiles régulièrement pliées, première séquence de huit toiles très colorées, réalisée en 1960 ; b, pour une séquence de six toiles jouant davantage sur le monochrome, exécutées en 1960-1961 ; c, pour neuf toiles au fond préalablement travaillé et deux fois pliées, créées en 1962 ; d, pour quatre toiles préalablement éclaboussées de peinture, datant de 1962.

Catamurons, 1963
En 1963, Hantaï entreprend une nouvelle série. Intitulée Catamurons, du nom d’une des maisons de vacances qu’il loue au bord de la mer, à Varengeville où il séjourne chaque été en famille à cette époque, elle est née de l’image d’une serviette bleue sur une porte en bois se détachant sur un mur blanc. La toile pliée est peinte, puis recouverte d’une couche de peinture blanche ; ensuite, les quatre bords sont repliés, et le carré restant est de nouveau froissé et peint plusieurs fois. Dans certaines oeuvres, les quatre côtés ont été repliés sans être peints ni préparés.

Panses, 1964 – 1965
La suite commencée en 1964, intitulée Maman ! Maman !, dits : La Saucisse évoque l’embryonnaire, le cellulaire, en référence à une citation d’Henri Michaux : « Tout, véritablement tout, est à recommencer par la base : par les cellules, de plantes, de moines, de proto-animaux : l’alphabet de la vie. […] La cellule peut encore sauver le monde, elle seule, saucisse cosmique sans laquelle on ne pourra plus se défendre » (Henri Michaux, Vents et poussières, Paris, Karl Flinker, 1962). La toile est nouée aux quatre angles, en un sac informe, avant d’être peinte, dépliée – éventuellement peinte et repliée plusieurs fois –, puis tendue. Les formes ainsi obtenues flottent dans un espace non peint. Cette série, qui sera plus tard appelée Panses, comprend également de très nombreuses œuvres plus petites.

Pré-Meuns, 1965 et Meuns,1967-1968
En 1965 à Paris, Hantaï réalise les dernières Panses, les MM, et commence une série d’œuvres qui ne recevra son nom, les Pré-Meuns, qu’après l’installation de l’artiste à Meun, village proche de Fontainebleau, en 1966. En 1967, Hantaï entreprend la série des Meuns. Dans un premier groupe, à formes simples, la toile nouée aux quatre angles, et parfois en son centre, est recouverte d’une peinture monochrome – dans certains cas avec des ajouts de couleur plus dilués. En 1968 un deuxième groupe de Meuns présente des formes plus complexes, plus agitées, et qui sont davantage peints en aplats.

Études, 1969
Dans la série suivante – Études, dédiées au poète Pierre Reverdy (1889-1960), qu’il réalise de janvier à mai 1969 –, la toile froissée, régulièrement pliée, reçoit une seule couleur (rouge, jaune, bleu, vert, violet, noir…). Après dépliage, le blanc des zones en réserve, laissé intact, agit à égalité avec la couleur sur l’ensemble de la toile.

Blancs, 1973-1974
Dans la série des Blancs (1973-1974), le pliage est conçu de telle sorte que des zones colorées restreintes activent le blanc et en révèlent la multiplicité des valeurs, sans pour autant faire surgir une quelconque lisibilité des formes. Par renversement, ce sont les éclats colorés – la couleur n’a jamais été aussi vive, aussi saturée, aussi contrastée – qui tiennent le rôle jusqu’ici dévolu aux parties non peintes. Les Blancs vont comporter des zones non colorées de plus en plus grandes, surtout en 1974.

Tabulas, 1973-1976
À partir de 1980, Hantaï élargit progressivement la grille des Tabulas, chaque carreau devenant, avec l’agrandissement de l’échelle, un pliage en soi. Pliages en blanc sur blanc, les Tabulas lilas, réalisées en 1982, terminent la série et apparaissent comme l’aboutissement des recherches sur les couleurs menées de 1976 à 1979 : les formes blanches peintes sur la toile à drap non préparée produisent, sous certaines conditions d’éclairage, une lumière lilas immatérielle.

Laissées, 1981-1995
Jetant un regard rétrospectif sur son travail, surtout sur les immenses Tabulas présentées à Bordeaux, Hantaï, aidé de son ami le peintre Antonio Semeraro, décide d’entrer dans une phase active de destruction/reconstruction. Celle-ci passe par la découpe et le recadrage de certains éléments de ses Tabulas de 1981, et génère une nouvelle série d’oeuvres, intitulées Laissées, qui seront exposées pour la première fois en 1998.