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“Danh Vo” Go Mo Ni Ma Da *
au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

du 24 mai au 18 août 2013



mam.paris.fr

 

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse en présence de l'artiste Danh Vo, le 23 mai 2013.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Danh Vo, Vue d’exposition, 26.05.2009, 8:43, 2009. Hamburger Bahnhof, Berlin, 2009. © Danh Vo, Photo : Nick Ash.
2/  Danh Vo, We The People (detail), 2011-2013, 2012. Cuivre / Copper. © Danh Vo.
3/  Photographies d’archives du voyage de Frédéric-Auguste Bartholdi en Egypte, Les Colosses de Memnon, 1856. © Photo : Christian Kempf Courtesy : Musée Bartholdi, Colmar.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt

 

Le matériau que Danh Vo travaille, modèle, sculpte, est l'histoire. C'est l'histoire non pas dans sa connaissance ou sa méconnaissance qui nous est présentée mais sa perception, sa représentation dans notre rapport subjectif et individuel à elle. Les pièces exposées ne portent ni légende, ni explication, nous invitant à construire en direct notre propre compréhension des moments clés d'une histoire qui nous est somme toute commune. Cette compréhension se fonde sur des émotions et une reconstitution à partir des fragments épars de nos connaissances personnelles. En refusant d'en livrer les clés et de se porter garant d'une vérité, l'artiste nous livre à nous-mêmes, nous rend égaux dans la subjectivité de notre œuvre de reconstruction tout en nous permettant d'affirmer et de comprendre nos individualités. L'histoire, la grande, celle qui s'écrit en majuscules se trouve liée à nos histoires personnelles, puisque ce sont ces dernières qui sont notre matériau de construction en l'absence d'une autorité nous dictant la vérité.

Des fauteuils de la Maison Blanche, datant de l'administration Kennedy, sont désossés, la structure de bois ici, le cuir et la toile là-bas. Une copie carbone de la lettre de McNamara acceptant le poste de Secrétaire d'Etat à la Défense en 1960 et exposant ses conditions, un lot de plumes présidentielles ou bien les lustres de la salle de bal de l'hôtel Majestic avenue Kléber à Paris (où ont été signés les accords de paix scellant la fin de la guerre du Vietnam) sont disséminés, pièces de puzzle, nous appelant à connecter les points de notre propre expérience, notre mémoire ou notre imaginaire. L'histoire de là-bas se trouve reliée à celle de l'ici, l'histoire de l'autre devient une partie de la nôtre, effaçant frontières spatiales, politiques et temporelles, et devient finalement globalisée.

Des cartons de bière, de Coca Cola, de whisky sont imprimés en peinture d'or. Le contraste des matériaux : or/carton nous renvoie à une autre forme de globalisation, celle des échanges marchands. La faible valeur du produit, simple boisson, son emballage dans un matériau dénué de toute importance et prêt à être détruit (d'ailleurs certains de ces emballages sont déjà pliés, froissés, déchirés) se confronte à l'or du logo, de la marque, concept unifié, objectif, précieux, voire luxueux, nous rappelant comme pour l'histoire que c'est notre propre subjectivité qui lui donne son importance, sa valeur et son prix.

Des morceaux de la statue de la liberté reproduite en cuivre jonchent un grand espace. En se promenant au milieu de ces pièces monumentales, on comprend que c'est à nous de les reconnaître, d'effectuer le travail de reconstruction. Le concept politique et historique ne vaut finalement rien par lui-même, nous en sommes les acteurs et en portons la responsabilité.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

Directeur, Fabrice Hergott
Commissaire de l’exposition, Angeline Scherf

 

* Danh Vo a extrait cette phrase d’un article d’une journaliste américaine : durant un voyage au Vietnam, elle est saluée par les vietnamiens d’un « Go Mo Ni Ma Da », mélange d’anglais et de français signifiant « Good morning, Madame ».

Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présente une exposition consacrée à Danh Vo, artiste né en 1975 au Vietnam.
Les oeuvres de Danh Vo, apparemment intimes, sont imprégnées de force politique. Sans être directes et frontales, elles interrogent les rapports de pouvoir qui sous-tendent les sociétés libérales, les règles qui les régissent et la fragilité de l’idée d’État-nation. Elles révèlent la complexité des échanges entre les peuples dans le contexte de la décolonisation. Le travail de l’artiste se construit autour de la circulation des valeurs, qu’elles soient matérielles, économiques, symboliques ou spirituelles.

 

Le projet Go Mo Ni Ma Da, s’articule autour de quatre groupes d’oeuvres :
- We The People, oeuvre emblématique de l’artiste, reproduit en taille réelle la Statue de la Liberté d’Auguste Bartholdi inaugurée en 1886. Une trentaine de fragments sont présentés ainsi que des photographies prises lors du premier voyage en Égypte de Bartholdi (1855-1856).
- Trois lustres de la salle de bal de l’Hôtel Majestic, où furent signés le 27 janvier 1973 les Accords de Paris entre les États-Unis et le Vietnam, sont réunis pour la première fois à l’occasion de l’exposition.
- À travers la figure de Théophane Vénard (1829-1861), Danh Vo s’intéresse aux Missions Étrangères de Paris, institution catholique de prêtres missionnaires envoyés en Asie depuis le XVIIème siècle pour christianiser le Vietnam.
- Neuf pièces de l’exposition on été produites à partir des lots acquis lors de la vente aux enchères organisée par Sotheby’s des objets de Robert S. McNamara, l’ancien Secrétaire de la Défense Américaine, que le New-York Times qualifia en 2009 d’ « architecte raté de la Guerre du Vietnam ».

Une intervention sous forme de calligraphie murale sera réalisée in situ par le père de l’artiste.

 

Le travail de Danh Vo a fait l’objet de nombreuses expositions dans les plus prestigieuses institutions internationales : Art Institute of Chicago (2012-2013) ; Kunsthaus Bregenz, Autriche (2012) ; National Gallery of Denmark, Copenhague (2012, 2010) ; Kunsthalle Basel, Suisse (2009) ; MoMA, New York (2009) ; Stedelijk Museum, Amsterdam, Pays-Bas (2008) ; Bergen Kunsthall, Norvège (2006). Il a également participé à la Biennale de Shanghai en 2012.

Lauréat du Prix Hugo Boss 2012, Danh Vo présente ses oeuvres du 15 mars au 27 mai 2013 au musée Solomon R. Guggenheim de New York. Il sera également présent à la Biennale de Venise 2013.