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“Cynthia Lefebvre” finaliste du concours La Convocation

Dans le cadre de notre partenariat média avec le concours La Convocation, dédié aux élèves inscrits en écoles d’art, les 10 finalistes se prêtent à l’exercice de l’interview, aujourd’hui, nous découvrons le travail de Cynthia Lefebvre.



www.cezel-cynthialefebvre.tumblr.com

www.laconvocation.fr

030_Cynthia-Lefebvre030_Cynthia-Lefebvre030_Cynthia-LefebvreLégendes de gauche à droite :
1/  Portrait de Cynthia Lefebvre.
2/  Cynthia Lefebvre, Dolce Farniente, 2016, argile crue, bois, corde, crochets, tissu, pierre. crédit photo : Cynthia Lefebvre.
3/  Cynthia Lefebvre, Lundi Matin, 2016, bois, contreplaqué, terre cuite, grès, verre et plâtre 250 x 914 cm. Exposition collective Process in-Situ, Le Doc, Paris. crédit photo : Cynthia Lefebvre.

 


Quel est votre parcours avant d’entrer en école d’art ?
Mon parcours n'est pas très classique au sens scolaire du terme. Après un Bac L Arts Plastiques, je me suis dans un premier temps formée aux techniques de la Céramique, puis j'ai développé mon travail plastique de façon autodidacte pendant quelques années avant de reprendre mes études aux Beaux-Arts de Paris il y a 3 ans. J'ai souvent travaillé pour d'autres artistes en tant qu'assistante ou performeur et pour des centres d'arts, et j'ai également mené un programme de 3 ans avec des écoles primaires publiques dans le cadre d'une résidence d'artistes...entre autres choses.

Quelle est votre école ? Comment l’avez-vous choisi ? Avez-vous préparé plusieurs concours en école d’art ? Votre école actuelle était-elle votre premier choix ?
J'étudie à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Lorsque j'ai décidé de reprendre mes études, je projetais de postuler à plusieurs écoles. Mais Paris était le premier concours du calendrier et également mon premier choix donc je n'ai pas poursuivi les démarches pour les autres écoles lorsque j'ai appris mon admission à Paris. Mon choix était à la fois dû à ce que proposait l'école dans son programme et au riche environnement artistique et culturel parisien général.

Aujourd’hui en février 2017, à quelle étape de votre “scolarité” êtes-vous arrivé(e) ?
Je suis en 5e et donc dernière année d'étude. Je prépare actuellement mon diplôme de fin d'études, le DNSAP (diplôme national supérieur d'art plastiques).

Quelle est votre pratique plastique ? Comment votre pratique s’est elle imposée à vous ? Pouvez-vous nous raconter sa naissance, son histoire ?
Ma pratique mélange plusieurs médiums et fait se croiser différents sujets aussi proches qu'ils sont éloignés. Il s'agit principalement de formes en volumes à caractère sculptural mais le travail de l'écrit et la photographie y ont aussi une place importante. Ces volumes sont souvent soutenus ou suspendus, révélant des équilibres précaires et indiquant un va-et-vient constant entre sol et ciel. Ils invitent l’œil à porter une attention sensible aux multiples états de la matière. C’est une immersion dans la matière brute, ses forces et ses faiblesses. L'utilisation de supports en bois ou en verre va dans le sens de cet attrait pour une certaine fragilité que je ne cherche pas à dissimuler.
Je ne crois pas qu'il y ait un point de départ spécifique aux intérêts qui m'animent aujourd'hui et à ce qu'est devenu mon travail. Cela tient plutôt à un ensemble : des expériences vécues, une part d'histoire personnelle, des pratiques parallèles au stricte champ de l'art, des lectures. Mon travail est sans doute la digestion de cette somme de choses qui fait ce que nous sommes en relation à notre environnement.

Comment définissez-vous votre pratique plastique ?
Comme une série de questionnements ouverts sur le sensible. Ma pratique plastique est une tentative de mettre en forme ces questionnements. Cela passe souvent par l'expérimentation. Il est rare que j'ai une idée préconçue des formes à venir, ce sont plutôt elles qui s'imposent à moi. La notion de « process » est également une dimension importante dans ma pratique. Les différentes strates qui composent mon travail et y cohabitent permettent plusieurs niveaux de lectures, plusieurs entrées.

Si vous deviez résumer votre pratique plastique en 5 mots, quels seraient-ils et pourquoi ?
Sans ordre hiérarchique :
Équilibre : dans le sens d'une combinaison de tensions contradictoires en « mélange mesuré ». Dans mon travail, il s'agit d'un équilibre qui passe par les relations d'interdépendance qui existent entre les matériaux mis en forme. Je m’intéresse aux mouvements et aux rapports des corps entre eux, qu’ils soient humains ou physiques, ce qui m’a entre autre poussée à m’intéresser à la danse ou à d'autres pratiques liées au corps. La danse n'est pas directement et littéralement présente mais elle se cache derrière chaque pièce. Il en reste d'ailleurs parfois des titres qui lui font référence. Les équilibres à l'oeuvre dans mon travail passent aussi par l'écoute, la même écoute fine et profonde que celle nécessaire en danse.
Fluides : Je cherche dans mon travail un tout cohérent qui fonctionne sur le principe de flux, de circuits. De manière générale, c'est une narration sur les fluides, les passages, les entre-deux et la perméabilité des matériaux. Mis en tension, les formes s'appréhendent, fusionnent parfois, et produisent un paysage mental dont elles sont les protagonistes principaux. J'entends ces volumes comme des «solides plastiques », pour reprendre l'expression utilisée par André Leroi-Gourhan (L'homme et la matière) afin de décrire les matières passant d’un état fluide à un état solide.
Vulnérable : La vulnérabilité est pour moi une notion centrale. C'est le propre de notre condition humaine et je crois ce qui nous définit certainement le mieux en tant qu'humains. C'est sans doute pour cette raison que les équilibres sont précaires et la fragilité omniprésente dans mes pièces. Les volumes se plient, se tordent, se déforment, à l’image des matériaux que j'emploie, eux-mêmes sujets aux changements d’états.
Psyché/Soma : en référence au terme « psychosomatique » qui vient du grec ancien psyché (l'esprit) et soma (le corps) et qui désigne tout ce qui concerne les effets de l'esprit sur le corps humain. Cela rejoint les idées d'interdépendance, d'enveloppe, de flux que j'évoquais précédemment.
Enveloppe : c'est une notion que je développe particulièrement aujourd'hui et qui fait le lien entre mon intérêt pour le corps (qui est lui-même une véritable enveloppe) et une forme que j'affectionne particulièrement : celle du contenant. Il ne s’agit cependant pas d’une simple dialectique contenu/contenant, les frontières sont plus floues, plus perméables.

Comment se nourrit votre pratique plastique ? Quelles sont vos influences, vos références ? L’histoire ou votre histoire personnelle fait-elle partie des sources d’inspiration de votre pratique ?
Ces dernières années, mon travail s'est énormément nourri de l'étude théorique et de ma pratique de la danse, qui a d'ailleurs sans doute eu plus d'importance et d'influence sur l'évolution de ma pratique que le champ propre des arts dits visuels. Mon intérêt pour l'écoute du corps, des corps, provient de certaines pratiques de danse contemporaine dites « proprioceptives » ou « kinesthésiques ». Bien sûr certains courants artistiques m'ont également beaucoup marquée, minimalisme et arte povera notamment. Et je suis régulièrement rappelée aux grands classiques, des primitifs italiens à Rodin. Je me nourris de sources très variées qui passent autant par la musique expérimentale, que la réflexion philosophique développée par le mouvement zen ou encore des textes de chorégraphes.
Mon histoire personnelle fait bien sûr elle aussi totalement partie de mes sources d'inspiration. Elle est partout, sans doute plus que je ne le souhaiterais. J'essaie aujourd'hui de laisser la place à une part plus assumée d'autobiographie sans toutefois rentrer dans l'auto référencement, mais je ne crois pas un un travail totalement exempt de subjectivité.

Si vous avez eu une autre formation, une autre vie, avant d’entrer en école d’art, est ce que celle-ci a une influence sur votre pratique ?
Ma formation initiale en Céramique et la relation à l'artisanat qu'elle a induit a bien sûr laissé des traces dans mon travail actuel. Ce n'est pas pour rien que l'argile est toujours le matériau qui y prédomine aujourd'hui. Seulement, je l'utilise aujourd'hui à des fins différentes. Je pars souvent de certains codes et symboliques qu'on attribue à la céramique, au travail de l'argile et à leur histoire. Les contenants que je conçois aujourd'hui n'ont pas de visée ou de fonction utilitaire mais ils viennent de là et ils évoquent nécessairement la notion d'usage et le rapport forme / fonction.

A un autre niveau, les différents artistes pour lesquels j'ai travaillé en tant qu'assistante ou dans le cadre de performances ou tous eu aussi une importance dans mon évolution plastique.

Pouvez-vous nous d’écrire l’œuvre qui vous semble pour l’instant la plus aboutie et qui définit aux mieux votre pratique ?
Je ne sais pas si « aboutie » est le terme le plus approprié puisqu'elle a été conçue dans une certaine urgence mais Dolce Farniente est en tout cas pour moi une œuvre pivot. C'est une pièce relativement récente, réalisée lors d'un voyage au Mexique en septembre dernier. Elle reprend à la fois les notions que je travaille depuis quelques années (équilibre, contrepoids, interdépendance...) tout en proposant je crois une dimension nouvelle dans mon travail, plus psychologique. Dolce Farniente est un terme italien signifiant littéralement «douceur de ne rien faire» et traduisant l’état d’une paresse bienheureuse, d’une pure détente, la jouissance d’une douce oisiveté. Il y a donc dans cette œuvre le rapport aux masses, aux matériaux et à la sculpture elle-même sur lesquels je travaille depuis longtemps mais Dolce Farniente marque aussi un tournant vers une une dimension plus intime dans mon travail.

Comment pensez-vous et envisagez-vous l’évolution de votre pratique plastique ?
Si la question porte sur l'évolution esthétique de ma pratique je n'en ai aucune idée et je n'ai pas tellement envie de savoir à quoi ressemblera mon travail dans 5, 10 ou 20 ans. J'ai seulement l'intuition que ces petites obsessions qui m'habitent vont rester présentes encore un certain temps tout en permettant de nouvelles connexions.

En tant qu’étudiant(e) en école d’art, vous sentez-vous déjà artiste ? Pour vous qu’est ce qu’un artiste ? Que signifie pour vous ”être un artiste”, devenir un artiste ?
C'est une grande question ! Mais une vraie question ! Oui je me sens artiste dans le sens où être artiste c'est pour moi avant tout un état d'esprit, une façon d'appréhender le monde et d'en proposer une lecture subjective au travers d'oeuvres, quelles qu'elles soient. Certains artistes vivent de leur pratique, d'autres non, mais je ne crois pas que ce soit par ce biais-là que se définit ou non un artiste, même si cela a évidemment son importance, du point de vue de la reconnaissance d'être artiste aux yeux d'autrui notamment.

Une fois votre diplôme obtenu, votre pratique validée par un jury de professionnels, comment imaginez-vous votre avenir ?
Je ne suis pas convaincue que l'avenir professionnel artistique passe uniquement par la validation du travail par un jury de diplôme forcément subjectif. Le diplôme est sans conteste une véritable reconnaissance, une étape, mais je ne sais pas s'il a tant d'importance que cela sur l'avenir professionnel artistique. Cela marque surtout pour moi à la fois la fin d'un cycle et le début de quelque chose de nouveau, dont on ne sait pas grand chose... J'ai pour ma part des souhaits finalement assez simples pour la suite : pouvoir continuer à réunir les conditions pour créer et partager mon travail, rencontrer de nouveaux interlocuteurs, penser à questionner encore et encore.

Comment votre école s’implique t-elle dans l’avenir de ses élèves ? A-t-elle des cours, des ateliers qui vous prépare au côté administratif de la vie d’un artiste, à la diffusion de votre travail ?
L'Ensba propose régulièrement des rencontres avec des artistes : nos professeurs en premier lieu mais aussi des artistes qui interviennent dans le cadre de workshops plus ponctuels ou de conférences. Il n'y a pas de cours à proprement parlé sur le côté administratif de la vie d'un artiste et c'est dommage car nous connaissons mal ce pan très concret de notre future vie d'artiste. Nous avons par contre la chance d'avoir une lettre interne qui nous relaie un certains nombre d'informations intéressantes (concours, résidences, stages, etc). Pour la diffusion de notre travail, cela passe principalement par des évènements tels que les portes ouvertes de l'école. Les différents ateliers de l'école ont également un blog sur lequel nous pouvons diffuser des photos de nos travaux et expositions.

Comment pensez-vous que le concours La Convocation peut vous aider à “professionnaliser” votre pratique artistique ?
Par la diffusion du travail et la rencontre avec des professionnels du monde de l'art. J'ai été très impressionnée par le nombre de personnes composant le comité de sélection du concours et le grand jury et leur expériences respectives. C'est une vraie chance de savoir que le travail a ou va circuler aux yeux de ces différentes personnes.

En tant qu’étudiant(e) en école d’art, quel est votre regard sur la scène artistique, le marché de l’art ?
Je me documente et me tiens casi quotidiennement informée sur le monde de l'art contemporain pour savoir dans quel cadre général je m'inscris. Je regarde ce que présente les galeries, les foires, la presse. Je trouve cela important, nécessaire même, pour pouvoir se situer en premier lieu mais surtout pour développer un esprit critique de tout ça. Quant au grand méchant loup « marché de l'art », j'y vois du bon et du mauvais. Je suis plutôt heureuse de pouvoir regarder ça encore un peu de loin, en tant qu'étudiante.
Concernant la scène artistique, je prends plaisir à suivre certains artistes contemporains dont j'aime voir le travail évoluer et différentes galeries ou centres d'art qui proposent selon moi une réflexion vraiment intéressante.

Pensez-vous que votre pratique, votre démarche peut avoir sa place dans la scène artistique et le marché de l’art ? Avez-vous déjà pensé à une stratégie à adopter pour être visible ?
Stratégie non. De manière générale, ce n'est pas tellement mon éthique que de « penser stratégie ». Par chance ou pas je ne sais pas, j'ai encore à ce jour un esprit plutôt utopiste qui me fait penser que la première raison d'être de l'art n'est pas celle de s'inscrire dans un marché capitalo-libéral. Il est vrai que la réalité tend peut-être à essayer de prouver le contraire mais je crois que ce modèle n'est plus totalement celui d'une nouvelle génération de jeunes artistes dont je fais partie. Savoir si ma démarche et mon travail trouveront leur place dans ce que représente le « marché de l'art » aujourd'hui, je n'en sais rien. Je souhaite bien sûr au fond de moi qu'il se diffuse, qu'il se partage, et que d'autres y trouvent de quoi questionner à leur tour le monde qui nous entoure, qui nous sommes. Il y a du bon et du mauvais dans tout ça, comme partout sans doute, mais c'est bien de le savoir et de le garder à l'esprit. Il me paraît primordial de ne pas perdre de vue les raisons qui nous poussent initialement à faire ce que l'on fait et l'essence du travail, sans foncer, mais je suis en même temps bien consciente également de la contingente économique. Plutôt que de trouver un entre-deux, un compromis, je crois plutôt à l'idée de s'entourer des « bonnes » personnes, des interlocuteurs avec lesquels un dialogue est possible, avec lesquels le courant passe. Les modes et les dictats du marché, je ne suis pas certaine que ça ait une longue durée de vie... Je crois par contre totalement à la possibilité d'une vie d'artiste professionnel mais disons que cela ne passe pas pour moi par des ventes chez Christies.

Si les lecteurs de FranceFineArt étaient de futurs collectionneurs, institutions, musées, centres d’art, galeries, curateurs, résidences d’artistes, fondations d’entreprises, bourses de création, ect… que souhaitez-vous leurs dire pour titiller leurs esprits et leurs donner envie de découvrir votre travail ?
Je suis très mauvaise en terme de spot publicitaire alors je les inviterais très simplement à venir voir les œuvres et discuter !




Pour tout savoir sur le concours, retrouvez l’interview de Thomas Lapointe, co-fondateur de La Convocation : www.francefineart.com/index.php/chroniques/14-agenda/agenda-news/2160-101-chronique-anne-frederique-fer


 

Les prochains rendez-vous :

- du 25 au 29 avril 2017 avec une exposition collective sous la forme d'un parcours artistique à travers 5 lieux : galerie Laure Roynette, galerie Escougnou-Cetraro, galerie Pascaline Mulliez, Maëlle Galerie, Cité internationale des Arts.

- du 4 au 20 mai 2017 avec une exposition collective réunissant les 10 finalistes dans un même lieu, à Ourcq Blanc.