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“Dark Knees” Photographies de Mark Cohen
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légendes de gauche à droite
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texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.
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Photographies, Mark Cohen Je suis devenu un surréaliste. Par la force des choses. Je déambulais encore et encore dans les mêmes rues alors je me suis mis à prendre en photo la chaussure d’un type. Je ne savais pas exactement ce que je faisais. Je me laissais simplement happer par ce qui était là, devant mes yeux. Mark Cohen, figure majeure de la streetphotography depuis les années 70. Il n’a cessé de photographier sa ville natale, Wilkes-Barre en Pennsylvanie et ses environs. Ce premier ouvrage en français sur son travail accompagne l’exposition rétrospective présentée au BAL cet automne, du 27 septembre au 8 décembre 2013. L’exposition est coproduite avec le Nederlands Fotomuseum à Rotterdam qui aura lieu du 8 novembre 2014 au 11 janvier 2015. Une approche singulière issue de la street photography
Extrait du texte du livre par Vince Aletti, août 2013 Il y a une énergie brute, enragée dans le travail de Mark Cohen qui semble presque désespérée, voire menaçante. Son appareil, tenu à bout de bras, surgit si près de ses sujets qu’il taille les corps par des plans serrés de genoux, de cous, de torses nus, de poings fermés. Même ses natures mortes paraissent fragiles, instables. Cette cuillère, cette carte à jouer, ce pain blanc, cette neige sale, pourquoi nous sont-ils si étrangers ? À l’instar de Luis Buñuel et de David Lynch, Cohen voit un monde qui ne tourne pas rond. Chez lui, la réalité quotidienne se révèle incertaine et les objets les plus ordinaires, inquiétants. […] Le travail de Mark Cohen possède aussi de réelles affinités avec la photographie vernaculaire, ces images anonymes, hors circuit, qui ont quitté ces dernières années les étals des brocanteurs pour faire leur entrée au musée. Ces anomalies visuelles qui suscitent l’intérêt des collectionneurs – cadrage décentré, image penchée, gros plans inquiétants – ont fini par constituer le phrasé si singulier de Mark Cohen. Il est principalement la conséquence de son rythme de travail fulgurant, en rafale. « Mes photographies sont vraiment accidentelles, insiste Cohen, parce que c’est comme ça que je les prends. Le flash rend les négatifs presque impossibles à tirer. Mes prises de vue sont totalement improvisées et aléatoires. Je vais très vite, la lumière est probablement mauvaise, et le gamin détale ou la vieille dame tourne au coin de la rue… » […] Ce n’est pas un hasard si Cohen a décidé de faire de ces accidents une marque de fabrique. […] S’échapper dans les rues de Wilkes-Barre pour faire avec brio des images brutales, sidérantes – des images qui n’avaient à plaire à personne d’autre que lui-même – était de toute évidence libérateur. Dégagé des contraintes de la pose conventionnelle, du cadre figé, du sujet poli, il pouvait laisser libre cours à ses audaces, s’y abandonner. Ainsi, sa réaction à l’Autre est poussée à son degré le plus ultime. Il sait bien qu’il y a quelque chose de perturbant dans ses images. Il est trop près, beaucoup trop près, mais c’est justement cela qui est passionnant dans son travail. Ses images ne nous laissent aucun répit, aucune certitude. Devant elles, comment prétendre que nous savons ce que nous faisons ici ? Comme Mark Cohen, nous sommes bien en terrain connu, et pourtant nous demeurons toujours étrangers sur une terre étrangère. Vince Aletti, août 2013 Mark Cohen |