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“Retracing Our Steps – Fukushima Exclusion [Zone 2011 – 2016]” Editions Kehrer
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légendes de gauche à droite
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texte de Julie-Marie Duro, rédactrice pour FranceFineArt. "Quand je parle, je pleure. Quand je vois mes photos, je pleure. Je n’ai plus de larmes à force de pleurer. Elles ont toutes séché. Là, vous me voyez en train de rire parce que je vais un peu mieux. Mais je ne peux pas rentrer chez moi, à cause de la radioactivité." Evacuée parmi tant d'autres, Sakuko Matsumoto est l'une des victimes du désastre nucléaire qui a ébranlé le Japon en Mars 2011. Six années se sont depuis écoulées. Les vies ont pour la plupart repris leur trajectoire, une trajectoire alternative, déportée. Ce sont 80.000 itinéraires qui sont alors déviés. Mais leurs terres natales, elles, n’ont pas bougé. En mars 2011, le temps s’y est arrêté… ou presque. “Retracing our steps. Fukushima Exclusion Zone 2011-2016” fait état de cette situation. Durant cinq années, Guillaume Bression et Carlos Ayesta ont effectué divers allers-retours vers cette enclave esseulée afin de témoigner des retombées multiples et pérennes de l’accident. L’ouvrage décline ainsi six séries relativement autonomes qui “déplient une à une les conséquences de cette catastrophe nucléaire”. Ce sont six typologies qui se succèdent et où se déploient des temporalités hétérogènes : de ce qui demeure, de ce qui ne s’effacera peut-être jamais et de la nostalgie de ceux qui sont partis en exil. La zone d’exclusion de Fukushima est un paradis perdu où peu rêvent de retourner, un territoire dont personne ne veut plus hériter. Ces histoires pénètrent la zone d’exclusion ; mais elles sont peut-être surtout le récit d’une frontière, une frontière impalpable, fluide et difficile à circonscrire. Une frontière invisible entre ce qui rend la vie possible et ce qui la met en danger, une frontière qui nous questionne tout un chacun sur les limites de notre instable sentiment de sécurité. Si les images nous prennent aux tripes, tant par leur propos que par leur réalisation sobre et aux lumières raffinées, leur enchaînement suit une structure où la rigueur frôle le trop plein et risquerait de nous lasser. Il manque peut-être au livre le brin de folie, de déraison qui surgit à l'esprit lorsque l'on pense à Fukushima. La rigueur est une arme à double tranchant. Construit comme un livre à tiroir, il en faudrait peu pour que le systématisme nous prive d’émotion. Mais c’est peut-être justement cette rigueur, qui sans jamais sombrer dans l’austérité, par contraste, autorise un espace pour penser l’impensable. Car est-il possible de représenter mieux une chose aussi démente, qu’en nous obligeant à nous rebeller ? Julie-Marie Duro |
3/ Carlos Ayesta & Guillaume Bression, Retracing Our Steps – Fukushima Exclusion [Zone 2011 – 2016] A no man's land. © Carlos Ayesta / Guillaume Bression. |