Quel est votre parcours avant d’entrer en école d’art ? Je faisais du skate dans les parkings de Montparnasse et des tags derrière les panneaux de signalisation.
Quelle est votre école ? Comment l’avez-vous choisi ? Avez-vous préparé plusieurs concours en école d’art ? Votre école actuelle était-elle votre premier choix ? Je suis rentrée au art déco de Paris en sortant du bac, je n’ai pas essayé d’autre école car j’étais assez mal renseigné, à l’époque j’étais peintre, tout cela est allé un peu vite.
Aujourd’hui en février 2017, à quelle étape de votre “scolarité” êtes-vous arrivé(e) ? Au art déco il y a une section nommé Art Espace qui est une section d’art plastique, à la différence des autres sections d’art appliqué. Ce sont un peu les beaux-arts au art déco, j’y suis maintenant en 5e année.
Quelle est votre pratique plastique ? Comment votre pratique s’est elle imposée à vous ? Pouvez-vous nous raconter sa naissance, son histoire ? Après le skate dans les parkings, j’ai intégré le monde du squat, ou plutôt un réseau solidaire d’artistes, on montait des évènements dans un squat à Ourcq, Le point G, c’est là-bas que j’ai rencontré Alexandre Gain et Jacques Auberger avec qui nous avons ouvert Le Wonder ensuite. Du coup la planche à roulette s’est soldée par un perfo et une disqueuse, mon travail a suivi. J’ai découvert dans mes expériences personnelles le rapport que j’entretiens aujourd’hui avec les matériaux. Au départ c’était plutôt intuitif, en skate si tu sautes sur une planche en agglo tu risques de t’en rappeler, en squat si tu te risques à fabriquer ta porte en placoplâtre tu te fais dépouiller, petit à petit je me suis mis à remarquer l’acier et le béton. Ce sont ces pratiques qui m’ont permis d’assouvir, avant la sculpture et sous une forme concrète, un besoin de désordre, voire de destruction, qui s’accompagne cependant de la création d’un nouvel ordre des chose plus personnel.
Comment définissez-vous votre pratique plastique ? Haha ! Alors je dirais : un ensemble mal défini de schèmes et d’entité mi-abstraites, mi- concrètes, quelque chose à mi-temps entre le réel et le symbolique. Une nostalgie pleine d’humour pour un passé qui n’a jamais existé. C’est que je considère davantage le langage comme un matériau que comme des idées alors pour expliquer mon travail nous ne sommes pas rendus. Mais pour contextualiser, je dirais que j’essaye d’exprimer une interrogation de l’histoire et de la politique par des systèmes de construction et de destruction, en mettant les deux en relation.
Si vous deviez résumer votre pratique plastique en 5 mots, quels seraient-ils et pourquoi ? plier – tordre – fendre – couper - déranger Une action provoque toujours une réaction, je m’intéresse à la trace que laisse celle-ci.
Comment se nourrit votre pratique plastique ? Quelles sont vos influences, vos références ? L’histoire ou votre histoire personnelle fait-elle partie des sources d’inspiration de votre pratique ? Je crois que si la sculpture a un potentiel quelconque c’est celui que crée son lieu et son espace propre. Je m’intéresse aux oeuvres grâce auxquelles l’artiste produit un « contre environnement » qui prend sa propre place, ou construit son propre emplacement, ou délimite ou instaure son propre territoire. Depuis quatre ans maintenant je vois mon temps divisé entre les expositions et la construction toujours renouvelée de mon lieu de vie et de travail. C’est devenu une obsession tenace, qui a façonné mon regard et m’a permis de réévaluer des espaces et des matériaux ordinairement laissés pour compte. Je suis né à Paris, j’ai appris à communiquer avec l’asphalte et le béton, et cela m’a permis de porter un regard décalé sur des paysages souvent décriés. Et le goût du risque chez moi saute aux yeux de manière autant plus forte qu’il s’inscrit dans un quotidien sécuritaire.
Si vous avez eu une autre formation, une autre vie, avant d’entrer en école d’art, est ce que celle-ci a une influence sur votre pratique ? Absolument, ma pratique se nourrit en permanence de ce que je vis. Mais je ne saurais prétendre à une autre vie, ce que je suis, je l’ai choisi, en marge des écoles et du système j’ai trouvé ma place dans un contexte social qui n’était pas le mien. Parfois j’ai l’impression que notre génération est un peu plus informée des « autres vie possible » grâce à internet, il te suffit de regarder des tutos pour prétendre ce que tu veux devenir, quelque part nous avons plus de clefs en mains pour choisir nos avenirs aujourd’hui.
Pouvez-vous nous d’écrire l’œuvre qui vous semble pour l’instant la plus aboutie et qui définit aux mieux votre pratique ? Souvent j’introduis mon travail en parlant « Du commencement et la fin » c’est une bonne porte d’entrée (ou de sortis !). Il s’agit d’un tas de sable, gravier et ciment disposer au centre d’une structure de fer à béton, 2400kg en tout ! C’est trois matériaux mélangé avec de l’eau permettent de créer du béton, et les quantités disposé ici sont celles nécessaire pour, en y ajoutant la bonne quantité d’eau, remplir la structure en métal d’un seul bloc. Il était question pour moi d’entreprendre une forme plastique qui synthétiserait à la fois le début ou la fin d’une construction, quelque part ou tout reste à faire ou à refaire. Je me surprends souvent à penser qu’il a bien plus à faire avec de l’ancien que du neuf, que tout paysage en décomposition offre plus de possibilité que les autres, ils deviennent des terrains d’aventure et de rêve ou rien n’est encore (rien n’est plus) arrêté.
Comment pensez-vous et envisagez-vous l’évolution de votre pratique plastique ? J’aimerais continuer de semer le doute. Mélanger d’anciennes pièces avec celle d’autres artistes, m’amuser avec les différents mediums, se jouer des codes et expérimenter en grands.
En tant qu’étudiant(e) en école d’art, vous sentez-vous déjà artiste ? Pour vous qu’est ce qu’un artiste ? Que signifie pour vous ”être un artiste”, devenir un artiste ? Oui. C’est un débat qui revient souvent dans les écoles mais n’ai jamais souhaité y participer, à mon sens on devient artiste le jour où l’on arrête de se poser cette question.
Une fois votre diplôme obtenu, votre pratique validée par un jury de professionnels, comment imaginez-vous votre avenir ? Je ne m’attends pas à de remarquable changement lié à l’obtention du diplôme pour ma part, je pense juste continuer ce que je fais avec un rythme plus soutenu.
Comment votre école s’implique t-elle dans l’avenir de ses élèves ? A-t-elle des cours, des ateliers qui vous prépare au côté administratif de la vie d’un artiste, à la diffusion de votre travail ? Il y avait en effet une sorte de cours prévu à cet effet mais je n’y suis pas allé, j’évolue dans une communauté avec d’autres artistes, et notre réseau collaboratif est très solidaire, nous partageons notre lieu de vie et de création, nos réseaux et nos résidences, nous tentons de remonter tout le file de la création à la diffusion pour prétendre à plus d’indépendance. Coté administratif, j’ai des paiements en retard à la MDA…
Comment pensez-vous que le concours La Convocation peut vous aider à “professionnaliser” votre pratique artistique ? J’ai toujours un peu de mal avec la « professionnalisation » de la pratique artistique, sans jouer les poètes maudits, je crois davantage à l’expérience sensible, au dévouement et à la passion, le professionnel suivra. Pour le concours la convocation, je suis très content de partager une exposition avec un artiste que je ne connais pas dans un même espace. L’échange sera assurément enrichissant.
En tant qu’étudiant(e) en école d’art, quel est votre regard sur la scène artistique, le marché de l’art ? Je soulignerais un manque d’entraide incroyable. L’art a pris une telle place aujourd’hui que c’est à croire qu’il s’agit d’une compétition permanente Je fais beaucoup d’expositions collectives mais je suis toujours aussi surpris du peu d’intérêt que marque les gens pour les autres artistes invités, tout cela se banalise, et parfois le métier de commissaire d’exposition en suit la mouvance. Mais d’autre part je pense que quelque chose est réellement en train de se soulever. Ceux qui ont appris à considérer les autres se lient pour monter des réseaux alternatifs de monstration et bientôt de vente. Je perçois un clivage entre voeux d’artiste et parole du marché de l’art ; j’ai du mal à cacher mon excitation.
Pensez-vous que votre pratique, votre démarche peut avoir sa place dans la scène artistique et le marché de l’art ? Avez-vous déjà pensé à une stratégie à adopter pour être visible ? Le 20 février nous ouvrons une exposition dans nos nouveaux ateliers à Bagnolet, le WONDER/LIEBERT, se projet fait suite au précèdent à Saint Ouen, l’exposition est soutenue par une institution (Palais de Tokyo) mais le mot d’ordre reste la liberté. Nous avons réhabilité l’espace, fait le commissariat, créer les oeuvres, fait la communication, contacter la presse. C’était beaucoup de travail mais on peut dire aujourd’hui que l’on attend beaucoup plus de monde qu’une galerie classique. (20/02/2017 – 19h/23h – 124 avenue Gallieni, Bagnolet)
Si les lecteurs de FranceFineArt étaient de futurs collectionneurs, institutions, musées, centres d’art, galeries, curateurs, résidences d’artistes, fondations d’entreprises, bourses de création, ect… que souhaitez-vous leurs dire pour titiller leurs esprits et leurs donner envie de découvrir votre travail ? S’il y a un lecteur qui est tout ça à la fois je lui dis : YES ! Sinon je leur dirai associez-vous (bordel) ! Nous avons besoin de vous virer tous ces vieux (blague).
Pour tout savoir sur le concours, retrouvez l’interview de Thomas Lapointe, co-fondateur de La Convocation : www.francefineart.com/index.php/chroniques/14-agenda/agenda-news/2160-101-chronique-anne-frederique-fer
Les prochains rendez-vous :
- du 25 au 29 avril 2017 avec une exposition collective sous la forme d'un parcours artistique à travers 5 lieux : galerie Laure Roynette, galerie Escougnou-Cetraro, galerie Pascaline Mulliez, Maëlle Galerie, Cité internationale des Arts.
- du 4 au 20 mai 2017 avec une exposition collective réunissant les 10 finalistes dans un même lieu, à Ourcq Blanc.
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