Légendes de gauche à droite : 1/ Portrait de Florencia Grisanti travaillant. Photographie Tito Gonzalez Garcia. 2/ Minotauro, un projet de Ritual Inhabitual. Collodion humide sur plaque de verre. © Collectif Ritual Inhabitual. 3/ Colibri, collection ornithologique - Baronne Ariane de Rothschild. Photographie Florencia Grisanti.
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Une cuisine de la matière.
Si vous êtes, comme moi, un habitué des muséums d’histoire naturelle ou de galeries d’art contemporain où les artistes utilisent de plus en plus la matière animale, la taxidermie, cet art de donner l’apparence du vivant à des animaux mort, n’est pas pour vous quelque chose d’abstrait, d’obscur ou de morbide.
Si les prémices de la taxidermie moderne remonte au 16e siècle avec les découvertes de nouvelles contrées et des animaux qui les peuplent afin de remplir les cabinets de curiosités, c’est au 18e siècle avec la technique de Bécoeur que la pratique devient “sérieuse” et qu’elle a pour mission de préserver un patrimoine en voie de disparition.
D’ailleurs, si on replace l’histoire du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris qui est créé en 1793. Sa création coïncide avec la naissance de la taxidermie moderne qui a pour vocation de préserver, d’éduquer, de sensibiliser le visiteur au monde animal. Monde que notre société de consommation détruit doucement.
Par le travail de ses mains, le taxidermiste redonne la vie, une seconde vie à l’animal mort. Pour Florencia Grisanti, l’aspect scientifique de la pratique est une forme de photographie. Elle observe, capture et fige dans le temps l’aspect d’un animal pour le transmettre aux générations futures. Mais son geste est plus que de redonner la vie, il est de participer à une métamorphose de l’animal. Donner l’illusion du vivant à travers un corps qui ne l’est plus, c’est aussi lui redonner un sens symbolique. Dans la réminiscence de la manipulation et la découverte de la matière, il y a pour Florencia Grisanti une fascination pour la mécanique de la vie. C’est une façon de rentrer dans l’anatomie d’un corps qu’elle ne connaît pas et qui pourrait être le sien.
Lors de notre rencontre, Florencia Grisanti conclut sur sa pratique en me disant “finalement, on pourrait dire que je suis une artiste qui s’empare des méthodes scientifiques et qui est en constante recherche des liens entre culture et nature.”
Pour vous prouver qu’il n’y a rien de “morbide” dans le geste du taxidermiste, je vous invite à écouter Florencia Grisanti où elle questionne le corps animal dans toutes ses formes.
Anne-Frédérique Fer
Biographie
Artiste et taxidermiste, Florencia Grisanti née au Chili en 1983. Elle a une licence en arts visuels de l’université « Finis Terrae » de Santiago du Chili. Depuis 2005 elle se forme à la technique de la taxidermie sous la tutelle de Ricardo Vergara du Muséum d’Histoire Naturelle de Santiago, des études qui s’achèvent par une spécialisation en technique de conservation au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Depuis 2011, elle travaille comme artiste indépendante au sein de cette institution et réalise différents projets qui unissent art et sciences naturelles. Elle a participé à différentes expositions, conférences et projets de recherche au Chili et en France, notamment le projet Brain Catalogue avec l’Institut Pasteur. Actuellement, elle travaille comme artiste naturaliste pour la création du futur Musée d’Histoire Naturelle de Martinique et est restauratrice des collections naturalia de la baronne Ariane de Rothschild.
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