Construire et faire vivre une collection
Aujourd’hui, en 2017, l’accès à la culture à travers les musées et leurs collections est un droit acquis, on ne se pose même plus la question de ses origines. Pourtant au regard de notre histoire, c’est un droit récent. Pour la création d’un musée dit “national” c’est-à-dire géré par l’état, il faut remonter à la fin du 18e siècle avec le Muséum central des arts de la République, ancêtre de l’actuel Musée du Louvre, qui ouvrira ses portes le 28 brumaire de l’an 2, en y exposant environ 660 œuvres, essentiellement issues des collections royales ou confisquées chez des nobles émigrés ou même dans des églises. À partir de 1802, ce premier musée sera géré par le directeur des Musées nationaux, poste qui sera confié au baron Dominique Vivant Denon.
Si nous évoquons ici, le musée du Louvre et son premier directeur en la personne du baron Dominique Vivant Denon, c’est pour introduire le premier musée français dédié entièrement à la photographie créé deux siècles plus tard en 1972 à Chalon-sur-Saône, ville natale du baron Dominique Vivant Denon et de Nicéphore Niépce inventeur de la photographie. Ce que l’on sait moins c’est que le musée Vivant Denon, musée des beaux-arts de Chalon-sur-Saône, sera par sa collection historique d’appareils et d’objets ayant appartenu à Nicéphore Niépce, l’acte fondateur du musée Nicéphore Niépce. Ce premier musée consacré entièrement à la photographie et à son histoire sera impulsé et porté par Paul Jay qui en sera son premier directeur de sa création jusqu’en 1996.
Comme toute institution muséale, le musée Nicéphore Niépce n’échappe pas à la règle. Depuis 1972, il assure les trois fonctions essentielles qui lui ont été attribuées : collecter, conserver et exposer. 45 ans plus tard, le musée c’est plus de 3 millions de photographies et d’objets, une bibliothèque de plus de 25 000 ouvrages, une base de données de plus de 300 000 références, un conservatoire des techniques anciennes et un lieu de réflexion sur les nouvelles technologies de l’image. Pour faire vivre ces collections, le musée c’est un parcours permanent renouvelé 3 fois par an et une programmation d’expositions temporaires qui font découvrir les photographies anciennes et contemporaines.
Pour construire les collections du musée Nicéphore Niépce qui englobent le spectre entier de la création photographique de son origine à nos jours et sur toutes les possibilités du médium, 2 directeurs se succéderont. Nous avons déjà évoqué Paul Jay, le second sera François Cheval de 1996 à 2016 où l’un des vecteurs communs de ces 2 directions est d’impliquer et de solliciter les photographes mais aussi leurs ayants droits. Cette action permet au musée de constituer des fonds comprenant l’entièreté d’une démarche photographique : les négatifs, les planches contacts, les tirages d’époques, les carnets de notes…
Si nous parlons de collection et de sa constitution, nous devons aussi évoquer l’équipe qui dans le quotidien du musée fait vivre les collections. Dans le cadre des collections du musée Nicéphore Niépce, c’est Sylvain Besson qui en est le directeur. Je l’ai rencontré et c’est par son intermédiaire que nous allons explorer, décrypter, comprendre la naissance et les enjeux d’une collection.
Mais avant d’écouter cette longue et passionnante rencontre, je souhaite rappeler la situation particulière du musée Nicéphore Niépce. Pour ceux qui suivent assidûment l’actualité photographique, je ne vous apprendrais rien. Mais au 22 novembre 2017, à la date de la réalisation de l’entretien avec Sylvain Besson, cela fera presque 1 an que François Cheval a quitté son poste de directeur et que ce poste est toujours vacant. En attendant le recrutement de son nouveau directeur par la mairie de Chalon-sur-Saône, la direction est assurée de manière collégiale par 4 membres de l’équipe. Pour les avoir rencontré, en plus de leur fonction respective, ils gèrent et dirigent le musée en suivant les grandes orientations de l’institution tout en rassurant les donateurs et les déposant de collections. Vu la conjoncture politique et budgétaire, ils font un travail exemplaire. Nous pouvons espérer que l’immobilisme apparent de la mairie et du ministère de la culture ne sera pas dommageable au musée, à ses collections et au public.
Anne-Frédérique Fer
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