contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“La Collection Courtauld” Le parti de l’impressionnisme
à la Fondation Louis Vuitton, Paris

du 20 février au 17 juin 2019



www.fondationlouisvuitton.fr

 

© Sylvain Silleran, présentation presse, le 19 février 2019.

2642_Collection-Courtauld2642_Collection-Courtauld2642_Collection-Courtauld
Légendes de gauche à droite :
1/  Amedeo Modigliani, Female Nude, vers 1916. © The Samuel Courtauld Trust, The Courtauld Gallery, London.
2/  Edouard Manet, Bar aux Folies-Bergère, 1882. © The Samuel Courtauld Trust, The Courtauld Gallery, London.
3/  Paul Gauguin, Nevermore, 1897. © The Samuel Courtauld Trust, The Courtauld Gallery, London.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Des grandes toiles, des petites aquarelles ou des dessins : une grande diversité d'œuvres nous montre ce qu'est une collection d'art. Du tableau éclairant de sa majesté un salon à la petite étude sur carton, discrète intimité dénichée au fond d'un atelier, l'œil sensible et éclairé de Samuel Courtauld, sa vision aussi bien artistique que sociale ont la sincérité de l'amoureux. Le parcours chronologique mêle et démêle les fils des influences, des filiations, des cheminements parallèles devenant des divergences, des ruptures passionnées. Toutes les révolutions du XIXéme siècle et du début du XXéme prennent la forme des audaces d'Honoré Daumier, de Modigliani, de Seurat ou de Matisse.

La campagne printanière laisse place à un intérieur enfumé de cabaret. Les calmes bords de Seine peints par Manet à Argenteuil sont d'un silence paisible, un dimanche où le temps ralentit et s'arrête. Non loin de là, sur les boulevards de la ville, on s'agite dans les cafés-concerts, une serveuse pressée sert des bocks lumineux comme des lampes. Suzon derrière son bar aux Folies-Bergère regarde le spectateur qui, par son reflet dans le grand miroir, intègre la scène, devenant un client du music-hall. Les bouteilles de champagne et de Suze sur le comptoir transportent la nature morte depuis la sage intimité de la maison jusqu'au monde festif des cabarets. L'érotisme animal d'un nu de Seurat, femme émergeant de toute sa blancheur d'une fourrure dense de traits noirs enchevêtrés côtoie les prostituées endormies croquées par Toulouse-Lautrec, dont l'abandon dans le refuge des draps est le refus de tout érotisme. Ses héroïnes fatiguées au teint blafard montrent malgré leur sourire aguicheur l'envers du décor du monde de la nuit, la lassitude de ces travailleuses nocturnes. En face, dans les brumes poétiques de Renoir, au théâtre ou à d'opéra, le spectacle se joue dans les autres loges que l'on épie à la jumelle.

Des aquarelles de Turner, paysages peints avec grande rigueur, subissent les éléments. Les rayons du soleil transperçant les nuages, la brume produite par la force d'une cascade de laquelle jaillit un arc en ciel en font des scènes graves et dramatiques, sombres et prophétiques. Les plages sont des lieux de naufrage et les rivières serpentent dans des contrées insondables. Le ciel nuageux de la plage de Deauville de Boudin, clair et lumineux, devient chez Sisley le personnage central du tableau. Il permet au peintre d'aborder la peinture différemment, faisant entrer à grands coups de brosse un langage nouveau, chaotique et mouvementé. La vapeur des locomotives de la gare Saint Lazare de Monet en est le rejeton, elle forme des nuages artificiels, vifs et nerveux comme des pelotes de fil s'emmêlant et se démêlant. Sa lumière d'Antibes laisse les collines en arrière-plan pâlir dans le lointain comme un paysage oriental, rejoignant le pointillisme de Seurat, sa légèreté d'estampe. Pointillisme qui aboutit sur la plage de Gravelines à une économie totale de moyens, trois couleurs primaires recomposant un rivage. Les pêchers en fleurs de Van Gogh, si exotiques, le sont autant qu'un champ de blé pourtant familier. Des cyprès ondulants comme des flammes s'élèvent vers un ciel, parquet bleu sur lequel des nuages dansent, ballerines virevoltant dans de grands voiles blancs.

La critique acerbe de Daumier, l'œil inquisiteur de Toulouse-Lautrec croisent les fantasmes de Gauguin, la sensualité de Modigliani. On voit éclore l'abstraction chez Renoir dans les fleurs du pré de Chatou, le cubisme dans les joueurs de cartes de Cézanne. Des paysannes aux prostituées, des vergers aux horizons de cheminées d'usines, la collection Courtauld raconte un siècle beau et turbulent où la forme se libère, la grâce se teint de nouvelles couleurs excitantes et dangereuses.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

« La Collection Courtauld. Le parti de l’impressionnisme » réunit quelque 110 oeuvres dont une soixantaine de peintures et des oeuvres graphiques, majoritairement conservées à la Courtauld Gallery ou dans différentes collections publiques et privées internationales. Elle permet au public français de découvrir à Paris, soixante ans après leur première présentation en 1955, au Musée de l’Orangerie, quelques-unes des plus grandes peintures françaises de la fin du XIXe siècle et du tout début du XXe, tel que Un Bar aux Folies Bergère (1882) de Manet, La Jeune Femme se poudrant de Seurat (1889-90), Les Joueurs de cartes de Cézanne (1892-96), Autoportrait à l’oreille bandée de Van Gogh (1889), Nevermore de Gauguin (1897) ainsi qu’un ensemble de dix aquarelles de J.M.W. Turner qui ont appartenu au frère de Samuel Courtauld, Sir Stephen Courtauld.

Les liens qu’entretient Samuel Courtauld avec la France sont déterminants dans les motivations et l’esprit de sa collection. Sa famille, originaire de l’île d’Oléron, immigre à Londres à la fin du XVIIe. D’abord orfèvres, ses ancêtres créent une entreprise de textile en 1794 qui deviendra avec l’invention de la viscose, fibre synthétique révolutionnaire, une des plus importantes entreprises de textile au monde au tout début du XXe siècle. Samuel Courtauld accède à sa présidence en 1921 et accompagne son développement jusqu’en 1945. Francophile, il se rendra régulièrement à Paris, notamment pour acheter des oeuvres auprès des marchands français, conseillé entre autres par l’historien d’art et marchand Percy Moore Turner.

Sa collection, constituée entre 1923 à 1929, en moins de 10 ans, en parfaite concertation avec sa femme Elizabeth, est d’abord montrée dans leur demeure néoclassique de Home House, construite par l’architecte Robert Adam en 1773-1777, située à Portman Square, au centre de Londres. Le cercle amical des Courtauld réunit alors des personnalités à la croisée du monde de l’art, de la musique, de la littérature, de l’économie, des membres du Bloomsbury Group tel l’économiste John Maynard Keynes et l’historien d’art, peintre et critique Roger Fry, un des premiers promoteurs de l’impressionnisme. L’engagement social du couple s’exprime également chez Elizabeth par un soutien déterminé à la musique classique et aux Courtauld-Sargent Concerts donnés au Queen’s Hall.

Samuel Courtauld joue un rôle fondamental dans la reconnaissance de Cézanne au Royaume-Uni, en rassemblant le plus grand ensemble du peintre, dont la Montagne Sainte-Victoire au grand pin et l’une des cinq versions des Joueurs de cartes. Seurat constitue l’autre point fort de la collection avec un ensemble significatif de quatorze oeuvres, dont La Jeune Femme se poudrant.

Sur la base d’une conception « humaniste » de l’art, les Courtauld vont développer un objectif philanthropique et la volonté de partager avec le plus grand nombre. Leur générosité se manifeste à travers une collection qui sera bientôt accessible au public et grâce à un fonds – le Courtauld Fund – spécialement affecté aux institutions nationales. C’est ainsi qu’ont pu être acquis pour la National Gallery le fameux tableau Une baignade, Asnières de Seurat – désormais indéplaçable –, La Gare Saint-Lazare de Monet, Champ de blé, avec cyprès de Cézanne, Café-Concert de Manet, La Yole de Renoir, Le Chenal de Gravelines de Seurat.

En 1931, la volonté de Samuel Courtauld de donner au public un accès à l’histoire de l’art et aux oeuvres se poursuivra à travers la création de l’Institut Courtauld, abrité dans la demeure familiale de Home House. Il ajoute à ce don celui de la moitié de sa collection, soit soixante-quatorze oeuvres (peintures, dessins, estampes) parmi lesquelles les étudiants circulent librement. Le reste de la collection, augmentée de quelques oeuvres acquises ultérieurement, sera transmis au moment de sa mort à l’Institut Courtauld.

La grande originalité de l’Institut est de conjuguer la collection, la recherche et un enseignement qui, à côté de l’histoire de l’art, s’ouvre aux techniques de conservation et de restauration des oeuvres. Ce haut-lieu de la culture a acquis et conservé une réputation internationale. Il peut s’enorgueillir d’un fonds de documentation exceptionnel – en architecture notamment – et d’archives remarquables. En 1989, la Courtauld Gallery a quitté Home House pour s’installer sur son site actuel, Somerset House, – construit par Sir William Chambers entre 1176 et 1796, ancien siège londonien des expositions de la Royal Academy of Art.

La fermeture temporaire de la Courtauld Gallery pour rénovation, à partir de septembre 2018, rend possible cette exposition. L’opération menée sur plusieurs années, appelée Courtauld Connects, verra la transformation du Courtauld Institute of Art and Gallery et notamment la restauration de la Great Room, construite par Sir William Chambers entre 1776 et 1779, pour les expositions annuelles organisées par la Royal Academy of Arts jusqu’en 1836, où ont exposé Reynolds, Gainsborough, Constable, Turner.

L’exposition de la Collection Courtauld incarne la volonté de la Fondation Louis Vuitton de valoriser la place des collectionneurs emblématiques dans l’histoire de l’art dans la lignée de précédentes expositions organisées par la Fondation réunissant des chefs-d’oeuvre significatifs de la Modernité, rassemblés par de prestigieuses institutions publiques : « Les Clefs d’une passion » (2014-2015), « Être Moderne : Le MoMA à Paris » (2017-2018) et des collectionneurs éclairés : « Icônes de l’art moderne. La Collection Chtchoukine » (2016-2017).