contact rubrique Agenda Culturel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

“Manuscrits de l’extrême” Prison, passion, péril, possession
à la BnF François Mitterrand, Paris

du 9 avril au 7 juillet 2019



www.bnf.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 8 avril 2019.

2685_Manuscrits-extreme2685_Manuscrits-extreme2685_Manuscrits-extreme
Légendes de gauche à droite :
1/  Latude, Chemise écrite avec son sang en 1761 à la Bastille. « Monseigneur, je vous écris avec de mon sang sur du linge, parce que messieurs les officiers me refusent d’encre et de papier ». BnF I Arsenal, BnF.
2/  Bernard Maître, résistant, arrêté le 20 décembre 1943 et enfermé à la prison de Lure. Message réclamant du matériel pour s’évader, écrit à la pointe d’épingle. « Placez extremite pain long / 4 bouts scie metaux avant cuisson (voir Hericourt ! ) Courage espoir baisers / Bernard ». © Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon.
3/  Guillaume Apollinaire, La nuit d’avril 1915, Lettre à Louise de Coligny, 10 avril 1915. « Le ciel est étoilé par les obus des boches (...) ». Dpt. des Manuscrits, BnF.

 


2685_Manuscrits-extreme audio
Interview de Laurence Le Bras,
conservateur en chef au département des Manuscrits de la BnF et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 8 avril 2019, durée 11'36". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Laurence Le Bras, conservateur en chef, département des Manuscrits, BnF



Des manuscrits d’exception, rédigés dans des situations extrêmes et qui en conservent les traces physiques, constituent la matière de cette exposition de la BnF : encres de sang et papiers d’infortune disent avec intensité le désespoir, la folie ou la passion de leurs auteurs, personnalités célèbres ou inconnues. Feuillets et notes d’André Chénier, Napoléon Ier, Alfred Dreyfus, Guillaume Apollinaire ou Nathalie Sarraute y côtoient les mots d’anonymes, simples soldats, prisonniers, hommes et femmes ordinaires. D’autant plus précieux qu’ils ont parfois été soumis à des conditions de conservation difficiles, ces « manuscrits de l’extrême » font résonner jusqu’à nous les voix de destins hors-norme. Un propos sensible et encore jamais tenu dans une exposition.

« Mais je garde mon crayon et mon carnet que je défends au péril de ma vie. Ce petit carnet qui contient là une preuve de ma triste vie. » Anonyme, Carnet noir de l’Occupation.

Qu’il s’agisse d’une lettre écrite en1639 sur une écorce de bouleau, faute de papier, par un missionnaire au Canada, des derniers mots d’André Chénier avant d’être guillotiné, du journal de Marie Curie après le décès de son mari, de l’inscription portée par un détenu sous l’assise d’une chaise de la Gestapo ou de lettres d’Antonin Artaud, la valeur patrimoniale de ces textes réside en ce qu’ils offrent les souvenirs palpables d’histoires individuelles ou collectives extraordinaires. Dépositaires d’émotions non contenues, de sentiments pris sur le vif, ces billets, notes et lettres, rédigés souvent dans l’urgence, expriment ce que les manuels d’histoire ou les ouvrages critiques ne peuvent restituer : la façon dont des événements susceptibles de faire vaciller une existence ont été vécus de l’intérieur.

L’exposition s’organise selon quatre thèmes  prison, passion, péril, possession - qui évoquent ici les situations les plus difficiles auxquelles un être humain puisse être confronté. Au-delà des différences de circonstances dans lesquelles ces écrits ont été produits, tous témoignent d’une confiance désespérée dans les mots pour soutenir ce qui reste de vie encore possible quand tout, autour, vient l’infirmer.

Au fil du parcours, le visiteur découvre une sélection d’écrits profondément bouleversants. Écritures microscopiques, tourmentées, feuillets minuscules, papiers et encres de fortune sont autant de particularités graphiques et matérielles par lesquelles ces manuscrits font corps avec les événements vécus. La détresse, la folie, la passion s’y révèlent, non seulement dans le contenu textuel mais aussi dans la forme même de l’inscription.

L’exposition présente aussi bien des textes de personnalités ou d’écrivains célèbres, parmi lesquels Pascal, Sade, Marie-Antoinette, Auguste Blanqui, Stéphane Mallarmé, Henri Michaux, ou encore Marie Curie, Antonin Artaud, Arthur Adamov, Germaine Tillion et Jean-Dominique Bauby, que ceux d’inconnus ayant traversé des épreuves similaires. S’ils peuvent faire sens en tant qu’oeuvre littéraire, les mots sont ici surtout une tentative désespérée de dire l’indicible. Ils sont l’expression de ce qui est véritablement en jeu pour un être humain, dans une guerre comme dans un hospice, dans toutes les épreuves qui menacent son humanité même : sa propre survie.






Présentation

Parmi les collections de la Bibliothèque nationale de France, conservées aux côtés des plus célèbres volumes médiévaux ou des brouillons de grands écrivains, se trouvent également des pièces moins spectaculaires, mais tout aussi importantes pour le patrimoine : des textes écrits dans l’urgence, parfois miraculeusement rescapés, qui témoignent de moments extrêmes de la vie.

Exposer des manuscrits, c’est toujours retourner aux sources. Ici, feuillets volants, carnets abîmés par le temps, papiers déchirés, usés ou salis, nous renvoient plus violemment aux soubassements de l’existence humaine. C’est une sélection de ces documents rares que l’exposition Manuscrits de l’extrême : prison, passion, péril, possession donne à voir au public.

Ces manuscrits rédigés dans des conditions extrêmes sont l’écho immédiat et non le témoignage a posteriori. Ils sont les traces fragiles de moments où la vie d’un être est menacée par les événements extérieurs qu’il subit ou les sentiments intérieurs qui l’agitent. Bien qu’ils concernent des événements de nature très différente, ils se trouvent réunis ici sous une même dénomination. Ils coïncident en effet tous avec la même nécessité, au-delà des divergences de situations vécues : poussé dans ses retranchements, livré sans remède à l’infini solitude de son existence, l’être humain éprouve souvent le besoin de laisser une trace écrite.

L’usage des mots dans une situation extrême – détention, mission périlleuse, guerre, amour passionnel, maladie, deuil, aliénation mentale... – prend souvent la forme d’un acte nécessaire, mais se heurte aussi à l’impasse du langage, la difficulté à exprimer et à transmettre le plus fidèlement possible les émotions ou les tourments les plus vifs.

L’urgence ou l’angoisse dont témoignent souvent la graphie, l’utilisation d’encres ou de papiers de fortune, montrent à quel point, dans des situations extrêmes, le manuscrit, support de la trace écrite, fait corps avec les circonstances dramatiques ou difficiles traversées par leur auteur.

La sélection des manuscrits présentés dans l’exposition ne prétend pas à l’exhaustivité. D’autres pièces auraient pu y figurer. Le propos est d’abord de montrer la permanence de la pratique de l’écriture comme soutien de notre humanité dans tous les moments où elle se trouve menacée.