Légendes de gauche à droite : 1/ Marion Bataillard, Oups, 43x37cm, huile sur bois, 2018-19. © Courtesy Galerie Guido Romero Pierini. 2/ Marion Bataillard, Vallée, 150x60cm, huile sur bois, 2018-19. © Courtesy Galerie Guido Romero Pierini. 3/ Marion Bataillard, L’amour du monde, 130x120cm, huile sur toile, 2018-19. © Courtesy Galerie Guido Romero Pierini.
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extrait du communiqué de presse :
Commissaire d’exposition : Guido Romero Pierini pour la galerie Guido Romero Pierini
Marion Bataillard nous regarde les yeux écarquillés. L’amour du monde, nous dit-elle. Les mains ouvertes, propres à se saisir de tout, elle promène ses pinceaux à la surface des choses. Car c’est d’observation, qu’elle peint. Dans le calme de son atelier, elle fait poser ses modèles. Dans les paysages de Creuse, elle promène son chevalet d’été. Tel un enfant mené par sa curiosité, elle aborde le tableau comme un large champ d’exploration où pourrait se rejouer toute l’histoire de l’art.
Le monde qu’elle nous donne à voir est fait d’éléments quotidiens et de visages - tantôt restitués en toute simplicité, tantôt mis en scène dans des compositions fantasmagoriques. L’angle droit d’une desserte à pinceaux, la fenêtre donnant sur la cour : on y reconnaît ça et là des morceaux de son atelier, répertoire de forme permettant toutes les variations. Marion Bataillard met en situation les choses qui sont déjà là - à commencer par son propre visage. Elle oriente les angles,dirige les lumières, choisit ses expressions au miroir dans un exercice d’autoportrait aussi spontané que régulier, qui par la répétition apparaît comme un jeu. Avec des gros yeux ou des grimaces, elle force parfois ses traits jusqu’à la caricature, amenant du grotesque dans un univers par ailleurs possiblement tendre.
Dans Joyeuse compagnie, elle convoque son entourage à l’atelier, autour d’une table, pour une Cène aussi prosaïque qu’inattendue. Les expressions et les émotions de ses personnages sont finement travaillées. Le soin qu’elle apporte à certains détails contraste avec des partis pris plus abrupts, des couleurs posées de façon simple, des lignes de force. De plus en plus, elle laisse ses tableaux ouverts, laisse paraître des fantômes et des tâtonnements. L’artiste revendique une peinture sensuelle autant que mentale. Dans ses tableaux très construits à la spatialité composite, elle modèle les formes avec douceur, et nous les donne à sentir dans leurs diversités, dans des tons clairs et veloutés.
Une lumière diffuse baigne souvent ses figures. Jouant de la présence forte du personnage autant que de l’iconographie de la croix, Présence du Mal s’offre sous un titre allégorique. C’est pourtant le jeu avec le modèle qui prend le dessus, ce que l’on perçoit de sa conscience de poser, et la peinture même. Le sens d’un geste, dans ses tableaux, se construit progressivement; une toile peut délivrer de la pensée au détour d’une sensation. Entre joie et inquiétude sourde, l’artiste est la première à identifier un doux malaise, une inquiétante familiarité qu’elle distille avec humour.
En peignant, Marion Bataillard semble chercher une pleine conscience de soi et du monde qui l’entoure. Les espaces qu’elle représente agissent comme des écrins. L’atelier, le jardin ou des cellules plusabstraites permettent d’insister sur l’intériorité de sa peinture. Au travers de ses cadrages serrés se joue quelque chose de sacré ou méditatif. Autant de portes pour les perceptions, qui nous invitent à nous projeter, et à trouver notre place, dans cette étonnante comédie humaine.
Henri Guette, critique d’art
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