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“L'âge d'or de la peinture anglaise” De Reynolds à Turner
au Musée du Luxembourg, Paris

du 11 septembre 2019 au 16 février 2020



www.museeduluxembourg.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 10 septembre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Joshua Reynolds, Miss Crewe, vers 1775. Huile sur toile. Tate : collection particulière, en dépôt à la Tate Britain, depuis 2009. © Tate, London, 2019.
2/  Joseph Mallord William Turner, Chamonix et le Mont Blanc, depuis les versants de Montenvers, vers 1802. Mine de plomb, aquarelle et gouache sur papier, 32 x 47,5 cm. Tate : parvenu dans les collections nationales avec le legs Turner en 1856. © Tate, London, 2019.
3/  Thomas Gainsborough, Lady Bate-Dudley, vers 1787. Huile sur toile, 221 x 145,5 cm. Tate : collection particulière, en dépôt à la Tate Britain depuis 1989. © Tate, London, 2019.

 


texte de Sylvain Silleran, rédacteur pour FranceFineArt.

 

Au moment où les premières bises annonciatrices de l'automne nous rendent quelque peu nostalgiques de l'été qui s'éloigne, repartons en voyage. Le musée du Luxembourg présente quelques merveilles de la Tate Britain, nous plongeant dans l'exotisme inattendu d'un siècle de peinture anglaise. La rivalité entre Joshua Reynolds et Thomas Gainsborough, puisqu'il faut bien commencer quelque part, ouvre le bal avec d'élégantes et raffinées ladies, de fiers amiraux.

Reynolds emprunte au classicisme une grandeur olympienne, faisant poser ses sujets dans le domaine des dieux antiques. l'Honorable Miss Monckton a le regard espiègle, plein de douceur, elle pose un doigt malicieux sur sa joue rose, montrant son esprit fin et vif sans départir d'un charme délicat. Lady Bampfylde à la noble coiffure, aux étoffes soyeuses, par la position de ses mains nues nous emmène dans un autre champ, celui plein de grâce d'une Vénus antique.

Chez Gainsborough on est dans la modernité, l'ici et le maintenant peint avec le naturel d'une chevelure peignée, fluide et souple. La personnalité n'a pas besoin d'allégorie pour révéler sa noblesse ; le sujet est laissé libre de l'exprimer, par un regard, par un port de tête, par une main d'amiral sur la poignée de son bâton de commandement.

Avec l'apparition d'une nouvelle classe aisée se développe un marché du portrait indépendant de la cour. Si Johan Zoffany use de tous les artifices classiques, restant dans la lignée de Reynolds, George Romney se recentre sur un regard, un visage cadré par un chapeau et ses rubans qui remplacent les arbres et les buissons comme décor. Le portrait de Thomas Law Hodges par William Beechey est orageux, électrique, il vibre de fougue et d'ambition, peinant à contenir la bouillonnante énergie de la jeunesse; et en même temps passe comme un léger voile sur le regard, un certain spleen, un vent romantique.

Enfants, couples, le portrait s'ouvre à toute la famille. On entre dans l'intime, un certain naturalisme de l'intérieur. Une petite fille bien droite, bien concentrée sur sa pose, un panier au bras, laisse son innocence triompher des soies et dentelles dans lesquelles elle est engoncée. Des riches marchands montrent une étonnante sobriété, loin des riches étoffes et des ors, des petits lords jouent au cerf-volant, une jeune lady cueille des fleurs. Le portrait quitte l'affirmation d'une réussite sociale pour entrer dans un domaine sentimental. Dans Garçon lisant, Ramsay Richard Reinagle isole l'enfant dans une lumière toute hollandaise, le plongeant dans sa lecture jusqu'à l'oubli du monde extérieur. Sans avoir besoin du moindre arbuste, de la moindre colline verdoyante, s'exprime l'idée de la nature enfantine et de l'innocence chère à Rousseau.

D'un leçon de dessin dans un coin de salon on passe à une famille complète, mise en scène dans la nature. Cette Famille dans un paysage par Francis Wheatley ne va pas sans rappeler celle de Frans Hals que l'on a pu admirer cet été à la Fondation Custodia, elle est surprise en pleine conversation, trop occupée pour prêter attention au portraitiste.

La nature prend de l'importance: une nature simple, habitée par des chasseurs et des palefreniers, traversé par les dramatiques bergers de Thomas Barker of Bath ou Tamise serpentant par un bel après-midi paisible. Cette nature crée une narration nouvelle. Ecrin vert pour un beau manoir, elle peut devenir un espace intérieur. L'écurie de George Morland en est un magnifique exemple, elle contient dans ses murs les odeurs, les textures, la pulsation de la campagne et le travail de ses habitants. Le talent extraordinaire de Morland fait naitre de la rudesse et de la dureté de la terre la beauté et la grâce, une légèreté qui s'élève.

Chez Turner, la rapidité d'exécution frappe l'esprit, l'urgence économique de produire contribue à créer un style, renforcer une vision. L'aquarelle rivalise ainsi avec l'huile, se développe indépendamment et atteint la reconnaissance et la noblesse. Dans Chamonix et le Mont Blanc depuis les versants de Montenvers, Turner crée un monde déchiré et terrible d'une mine de plomb dénudant tout comme des rayons X. Ce petit format zébré d'une sauvagerie de griffures de gouache blanche l'emporte sur la grande toile qui lui fait face, la braise rouge des enfers de la destruction de Pompeï et d'Herculanum de John Martin. Triste fin pour une si riche époque que les flammes de la destruction.

Sylvain Silleran

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat :
Martin Myrone, conservateur en chef, Tate Britain
Cécile Maisonneuve, conseiller scientifique, Réunion des musées nationaux - Grand Palais




Les années 1760, au début du règne de George III, ont marqué un tournant pour l’art britannique, avec l’ascension triomphante de Joshua Reynolds (1723-1792) et de Thomas Gainsborough (1727-1788), ainsi que la fondation de la Royal Academy of Arts dont Reynolds fut le premier président. Reconnus comme les maîtres du portrait, Reynolds et Gainsborough ont rivalisé pour élever le genre à des niveaux d’innovation visuelle et intellectuelle inédits. Ils ont su faire honneur aux grands maîtres, tout en faisant preuve d’une grande perspicacité psychologique et d’une maîtrise de la peinture sans cesse réinventée.

L’exposition L’Âge d’or de la peinture anglaise s’ouvre par la confrontation des deux peintres, à travers des portraits en pied et des études intimistes, à la ressemblance frappante, de notables, de membres de la famille royale ou de personnalités. Les ambitions intellectuelles et références historiques de Reynolds contrastent alors avec l’instantanéité et l’aisance picturale de Gainsborough. À eux deux, ils ont redéfini l’art britannique et ont hissé la nouvelle génération vers de nouveaux sommets. Leur influence durable est ensuite explorée à travers une sélection de portraits majeurs réalisés par leurs concurrents directs ou par leurs disciples, attirés pour la plupart par la nouvelle Royal Academy, notamment John Hopper, William Beechey et Thomas Lawrence. Soutenue par le roi, mais aussi et surtout par les acteurs du commerce et de l’industrie, la peinture britannique s’épanouissait dans une diversité de styles, qui fut alors perçue par les contemporains comme le signe d’un âge d’or artistique.

Sont ensuite abordés des thèmes alors en vogue comme celui de la lignée, de la famille et du foyer dans les portraits et la peinture de genre. L’époque a vu naître un nouveau regard sur l’enfance, caractérisé par des accents intimes et une apologie de la décontraction. Les représentations de la famille et de l’innocence enfantine illustrent alors une nouvelle compréhension de la nature et de l’émotion. La section suivante développe ce thème en s’intéressant aux peintures représentant la vie de tous les jours, en particulier la vie rurale. D’importants travaux de Gainsborough (dans son rôle préféré de peintre paysagiste), de George Stubbs et de George Morland montrent la nouvelle attention portée au pittoresque, alors que l’extraordinaire portrait de Reynolds, The Archers (Les Archers), met le concept de nature sauvage au service d’une nouvelle image héroïque de la classe dirigeante britannique.

Une section plus resserrée illustre ensuite la présence de la Grande-Bretagne en Inde et dans les Antilles, rappelant que le progrès artistique et culturel du pays était, essentiellement, fondé sur l’exploitation politique et commerciale de territoires outre-mer. Une sélection d’oeuvres sur papier montre parallèlement l’essor formidable en Angleterre d’une autre forme d’expression picturale : l’aquarelle, qui permet à de nombreux d’artistes de se faire remarquer, tout en répondant au besoin d’une nouvelle société d’amateurs.

Reynolds, en tant que Président de la Royal Academy, définit de nouvelles ambitions pour l’art britannique, centrées sur la peinture d’histoire, seul genre permettant à un artiste de s’accomplir pleinement, même s’il constatait lui-même que les mécènes étaient rarement enclins à soutenir ce genre si noble. Les portraits, les paysages et les scènes de la vie quotidienne prospéraient en revanche, et la variété même de l’art britannique dans ces domaines semblait relever d’un génie propre au pays, affranchi des règles et des conventions. La peinture d’histoire se développa toutefois en Grande Bretagne et subit au cours de cette période une transformation radicale. La dernière partie de l’exposition montre comment les artistes britanniques ont fait évoluer la figuration narrative pour l’emmener vers le sublime. Les travaux d’Henri Fuseli, de John Martin et de P.J. De Loutherbourg, ainsi que l’oeuvre de J.M.W. Turner, ont ouvert la voie à une nouvelle conception de l’art comme support de l’imaginaire.