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“Katinka Bock” Tumulte à Higienópolis
à Lafayette Anticipations - Fondation d'entreprise Galeries Lafayette, Paris

du 9 octobre 2019 au 5 janvier 2020



www.lafayetteanticipations.com/fr

 

© Pierre Normann Granier, présentation presse de l'exposition, le 7 octobre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Katinka Bock, visuel Tumulte à Higienópolis. © Katinka Bock.
2/  Katinka Bock, Sechs Flächen und ein Raum, 2008. Argile. 280 x 160 cm. Courtesy Galerie Jocelyn Wolff et Katinka Bock. Photo Olivier Dancy. © Katinka Bock.
3/  Katinka Bock, production de l’oeuvre Rauschen. © Katinka Bock.

 


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Interview de François Quintin,
directeur délégué de la Fondation d'entreprise Galeries Lafayette et commissaire de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 7 octobre 2019, durée 13'58". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat : François Quintin, directeur délégué Lafayette Anticipations



Les sculptures, les actions performatives ou les installations de Katinka Bock sont toujours le résultat d’une expérience liée à un lieu spécifique dont elle aurait sondé les conditions physiques et matérielles tout en explorant leur dimension historique, politique et sociale.

Son intérêt pour la mesure et le lieu se traduit dans la formulation d’hypothèses préalables au travail de sculpture, par des questionnements sur l’idée a priori du lieu, sur sa persistance dans le temps ou son changement en fonction du vécu.

Le travail de Katinka Bock a fait l’objet de nombreuses expositions institutionnelles à l’international mais de manière surprenante jamais à Paris, ville qu’elle habite pourtant depuis plusieurs décennies. La restauration d’un bâtiment à Hanovre offre une occasion inattendue de concevoir avec Katinka Bock un projet original et spectaculaire dans tous les espaces de Lafayette Anticipations.

Ce bâtiment, le Anzeiger-Hochhaus de Hanovre, est l’un des édifices marquants de la ville. C’est un grand bloc rectangulaire de briques rouges surmonté d’un dôme de 12 mètres de diamètre d’un cuivre verdi par le temps. Lieu mythique d’activité éditoriale, son sous-sol a vu naître des périodiques aussi importants que Stern ou Der Spiegel. La restauration de ce bâtiment classé a été l’occasion pour Katinka Bock de récupérer une partie des plaques de cuivre.

L’artiste voit dans la configuration du bâtiment de Hanovre des analogies avec celui de Lafayette Anticipations, lieu de pensée et de création dont les sous-sols sont dédiés à la production, pour s’élever vers des espaces publics dont la caractéristique ascensionnelle physique mais aussi symbolique ne lui a pas échappé. Katinka Bock propose d’occuper l’espace central de la Fondation avec une installation tout en suspension, dans laquelle s’exprimera en majesté sa poétique de la mesure, sa sensibilité rare de la matière et du temps.

La pièce maîtresse est donc une sculpture monumentale de 9m de hauteur, intitulée Rauschen (« Ressac »), suspendue dans la tour d’exposition. Elle pourrait faire penser à un manteau métallique couvrant une chauve-souris. Les feuilles de cuivre récupérées à Hanovre conservent les stigmates du temps : les impacts des bombes qui les ont transpercées et leurs réparations, les dégradés de couleurs selon l’orientation est-ouest ou nord-sud, la pollution, les griffures de générations d’oiseaux, les impacts de grêle…. Sa forme rappelle les sculptures en céramique de l’artiste, creuses et asymétriques, épousant les lignes d’un objet fantôme, disparu lors de la cuisson. La sculpture montre un corps en mouvement comme un fruit fendu, un cocon qui s’ouvre ou une peau qui se rétracte.

Le matériau, le cuivre verdi, témoigne lui-même d’une histoire inscrite à sa surface, telle une carapace qui vieillit au fil des ans.

Plusieurs autres sculptures peuplent par ailleurs les espaces intérieurs et extérieurs de la Fondation, silhouettes humaines, êtres en mutation ou en devenir, objets en équilibre.

Cet ensemble inédit traduit les recherches actuelles de Katinka Bock portant sur les textures, la peau des reptiles notamment, les matériaux, que sont le cuivre, le cuir, l’argile, et les techniques d’impression.

Du 7 mars au 17 mai 2020, l’exposition est à voir au Kestner Gesellschaft de Hanovre qui occupe depuis 1997 le bâtiment mitoyen du Anzeiger-Hochhaus, les anciens bains Goseriede. La sculpture Rauschen y sera présentée couchée, à l’emplacement du bassin des hommes.






DE HANOVRE À SÃO PAULO


« Tumulte à l’entrée du gratte-ciel »


En octobre 1931, le journal Hannoversche Anzeiger titrait : « Tumulte à l’entrée du gratte-ciel ». Ce gratte-ciel est le Anzeiger Hochhaus, siège du journal, construit entre 1927 et 1928, par l’architecte Fritz Höger. Haut de 51m, il s’élève sur 10 étages en plein centre-ville. Il est l’un des plus hauts bâtiments de son temps en Europe, hébergeant également un planétarium et un cinéma. August Madsack, propriétaire du journal, est un mécène important de la ville qui abrite à l’époque quelques-uns des artistes de l’avant-garde internationale tels que Kurt Schwitters, Alexander Dorner ou El Lissitzky.

Ce tumulte est lié à l’interdiction par le parti national-socialiste de la projection du nouveau film de Dziga Vertov, « La Symphonie du Donbass », dans le cinéma du Anzeiger Hochhaus. De nombreux artistes (Hanns Eisler, Moholy-Nagy, Bertolt Brecht …) ainsi que la presse libérale s’opposent fermement à cette interdiction mais le film n’est finalement projeté qu’en privé devant une vingtaine de personnes.


Anzeiger-Hochhaus

Temple de l’innovation, ce bâtiment abrite des presses modernes qui impriment quotidiennement depuis 1928 plusieurs journaux locaux et nationaux et un orgue permettant la diffusion des premiers films sonores dans son cinéma. Le bâtiment voisin, les bains publics Goseriede, appartient également à August Madsack, il comprend trois grands bassins, des salles de repos et des bains-douches. Corps, hygiène, pensée artistique et politique se font écho dans ce complexe architectural novateur.

Pendant la deuxième guerre mondiale, Hanovre est comme presque toutes les villes d’Allemagne fortement bombardée. Les bâtiments tombent comme des quilles mais le Anzeiger Hochhaus résiste - il n’est touché qu’à la fin de la guerre par des bombes qui traversent sa coupole comme des aiguilles.

En 1947, le major britannique John Chaloner (les alliés britanniques gouvernent alors la région) lance un nouvel hebdomadaire inspiré du Times qui se veut une nouvelle chance pour la démocratie. Il est épaulé par Harry Bohrer et Henry Ormond, tous deux rescapés de la shoah. Par chance, les machines offset du rez-de-chaussée et les ateliers de typogravure et de linogravure sont intactes et fonctionnels. Le bâtiment est rapidement restauré avec des moyens de fortune. Le 4 janvier 1947 la première édition du fameux journal politique Der Spiegel sort de ses presses, rejoint peu après par Stern en 1948. Aujourd’hui, le bâtiment est toujours consacré à la presse et aux médias.


Higienopolis

Quartier chic de São Paulo, Higienópolis tient son nom des villas du début du XXe siècle, les premières équipées de tout le confort moderne. L’eau courante y était distribuée grâce un système hydraulique moderne de tuyauterie en cuivre.

Outre une bourgeoisie portugaise naissante issue de la culture du café, des familles juives immigrées d'Europe de l’Est s’y installent en laissant également leur empreinte culturelle.

Dans les années cinquante, la plupart de ces demeures sont détruites pour laisser place à des immeubles destinés à la classe moyenne. C'est ainsi que se concentrent dans un périmètre réduit une incroyable quantité d'immeubles modernistes, parmi les plus emblématiques : le Lausanne de Franz Heep, le Louveira de Vilanova Artigas, initiateur du style tropical moderne particulièrement reconnaissable avec sa façade colorée, et surtout le Bretagne de João Artacho Jurado qui offrait à tous ses locataires l’usage d’une piscine, d’une salle de musique, d’un bar et d’un jardin sur le toit.

Depuis les années 20, ce quartier se caractérise ainsi par de nouvelles formes de logements collectifs nourries par la croyance dans une nouvelle humanité, fragile mais réelle.