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“Vincenzo Gemito (1852-1929)” Le sculpteur de l’âme napolitaine
au Petit Palais, Paris

du 15 octobre 2019 au 26 janvier 2020



www.petitpalais.paris.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, vernissage presse, le 14 octobre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Vincenzo Gemito, Gitane [Zingara], 1885. Fusain, sanguine, aquarelle, gouache sur papier, 46,5 x 30 cm. Naples, Collection Intesa Sanpaolo. Photo Archivio dell’arte, Pedicini fotografi.
2/  Vincenzo Gemito et le buste d’Anna. Photo DR.
3/  Vincenzo Gemito, Tête de petit garçon, 1871. Museo e Certosa di San Martino, Naples. Photo Ministero per i beni e le attivita culturali /Museo e Certosa di san Martino.

 


2839_Vincenzo-Gemito audio
Interview de Cécilie Champy-Vinas,
conservatrice, chargée des sculptures du Petit Palais, et co-commissaire scientifique de l'exposition,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 14 octobre 2019, durée 11'53". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissariat général :
Christophe Leribault, directeur du Petit Palais
Sylvain Bellenger, directeur du Museo Nazionale di Capodimonte

commissariat scientifique :
Jean Loup Champion, historien de l’art, directeur scientifique de l’exposition.
Cécilie Champy-Vinas, conservatrice, chargée des sculptures du Petit Palais
Carmine Romano, historien de l’art




Le Petit Palais est très heureux de présenter, en ouverture de sa saison napolitaine, l’oeuvre inédite en France du sculpteur Vincenzo Gemito (1852-1929). L’histoire de Gemito est celle d’un enfant trouvé, élevé dans les rues de Naples qui va devenir l’un des plus grands sculpteurs de son temps, célébré dans sa ville natale puis dans le reste de l’Italie et en Europe. À vingt-cinq ans, il fait sensation au Salon à Paris puis l’année suivante à l’Exposition Universelle de 1878. Tour à tour décrié et adulé par la critique, il introduit le réalisme dans la sculpture italienne. Revenu à Naples, il continue son oeuvre malgré des crises de folie. Après sa mort, il disparaît peu à peu de l’Histoire, relégué au rang d’un artiste du pittoresque, oubliant son rôle primordial sur la sculpture de son temps. Avec près de 120 oeuvres, c’est donc une véritable redécouverte que propose le Petit Palais avec la collaboration exceptionnelle du musée de Capodimonte à Naples où l’exposition sera ensuite présentée.

Chronologique, le parcours de l’exposition propose aux visiteurs de suivre les différentes étapes de ce destin étonnant. Comme tous les enfants pauvres de Naples, Gemito vit dans la rue, avec son ami Totonno, Antonio Mancini, qui deviendra un peintre célèbre également. À dix ans, ils apprennent les rudiments de la peinture et de la sculpture. Tous les deux sont fascinés par les salles du Musée national de Naples où ils découvrent les bronzes de Pompéi. Mais, ils trouvent également l’inspiration dans la vie de tous les jours et regardent aussi bien les enfants pêchant dans les eaux du port que les artisans qui fabriquent les figurines de crèches dans les ateliers de la via San Gregorio Armeno. À dix-sept ans, Gemito expose son grand Giocatore (Joueur de cartes), assis par terre la tête baissée sur son jeu, plâtre spectaculaire de réalisme, acquis presque aussitôt par la maison royale. Avec une bande de jeunes artistes, il installe un atelier dans un cloître abandonné où il réalise de nombreuses têtes d’adolescents en terre cuite Moretto (Petit Maure), Scugnizzo (Gamin des rues), Fiocinere (Harponneur), Il Malatiello (Petit Malade), toutes plus étonnantes de vivacité et de naturel.

En 1873, il entreprend à vingt-et-un ans, une série de bustes grandeur nature de personnalités plus connues comme les peintres Morelli, Michetti, Mariano Fortuny, et surtout celui, intense, du compositeur Verdi qui lui apporte instantanément la gloire... Il exécutera plus tard à Paris où Gemito s’installe en 1877, ceux de Giovanni Boldini ou du sculpteur français Paul Dubois. Giuseppe de Nittis, déjà célèbre dans la capitale, le présente, avec Mancini, à tous ceux qui comptent dans le monde artistique. L’année suivante, ils montrent leurs oeuvres à l’Exposition universelle. Gemito y fait sensation avec son Pêcheur napolitain dont le réalisme exacerbé provoque la surprise, la désapprobation, ou le dégoût de la plupart des critiques. Cette oeuvre si novatrice remporte pourtant un grand succès auprès du public. La «laideur», l’animalité et le rictus du jeune garçon accroupi, attirent également l’attention des artistes comme Rodin, et sans doute, Degas. Mais le jeune sculpteur peut compter aussi sur le soutien inattendu d’un illustre peintre académique, Ernest Meissonnier, qui le prend sous sa protection.

Gemito revient en 1880 à Naples où il voit disparaître l’année suivante sa compagne Mathilde Duffaud. Il se retire alors dans l’île de Capri. Il finit néanmoins par rencontrer puis épouser un modèle, Anna Cutolo qui posait déjà pour Morelli. La grande beauté d’Anna lui inspire de nombreuses oeuvres dont un magnifique buste en marbre conservé à Capodimonte. Il s’investit également dans la création d’un atelier de fonte à la cire perdue. Consécration ultime, en 1885, Gemito reçoit coup sur coup deux commandes officielles du roi Umberto Ier : une statue monumentale en marbre de Charles Quint pour orner une des niches de la façade du Palais royal puis celle d’un énorme surtout de table en argent. Certes prestigieuses, ces commandes difficiles, très éloignées de ses sujets habituels, ébranlent la santé mentale du sculpteur qui, au fil de ses recherches acharnées, sombre dans la dépression puis la folie. Pendant cette période d’enfermement puis d’exil volontaire, Gemito passe l’essentiel son temps à dessiner pour lui-même, délaissant la sculpture.

Dessinateur hors-pair, il exécute ainsi une grande quantité de portraits et de figures. Ceux des années 1910, parmi les plus spectaculaires, annoncent toute la figuration des années trente et quarante et inspirent des artistes comme Chirico. Tout en produisant ces dessins d’avant-garde, Gemito, reprenant pied, entame dans ces mêmes années l’ultime partie de son oeuvre sculptée. Il puise désormais ses sujets dans le registre antique cherchant à atteindre un idéal perdu. Il s’intéresse particulièrement à la figure d’Alexandre le Grand et réalise de nombreux ouvrages d’orfèvrerie : coupes en argent et médaillons, telle celui, spectaculaire, représentant une tête de Méduse en vermeil, prêté par le J-Paul Getty Museum (Los Angeles). Ainsi se clôt l’itinéraire pour le moins singulier du gamin abandonné des rues de Naples devenu artiste célèbre et reclus, qui méritait incontestablement son retour en grâce dans la ville qui l’avait consacré internationalement il y a 140 ans.

En complément, un espace est dédié à la fonte du bronze à la cire perdue - technique complexe que Gemito contribua à faire renaître au XIXe siècle -, à travers un court film et des modules tactiles accessibles à tous. Un dispositif numérique digital présente notamment les différentes étapes de fabrication, du modèle en plâtre au tirage en bronze, en passant par l’épreuve en cire.