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“Narcisse ou la floraison des mondes” article 2877
au Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux

du 7 décembre 2019 au 21 mars 2020



www.fracnouvelleaquitaine-meca.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, voyage presse et présentation de l'exposition par Claire Jacquet et Sixtine Dubly, le 4 décembre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Camille Henrot, «L’homme sans honneur : Notes pour le sacré dans la vie », Michel Leiris, série Est-il possible d’être révolutionnaire et d’aimer les fleurs ?, 2012. Courtesy de l’artiste et de la galerie Kamel Mennour, Paris/London. © Adagp, Paris, 2019. Photo Alexandra Serrano.
2/  Delphine Chanet, Epicène #5, 2019. Production Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA. © Delphine Chanet.
3/  Josef Sudek, White Rose Bud, 1954. Collection Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA. © Josef Sudek Gabina Fárová. Crédit photo DR.

 


2877_Narcisse audio
Interview de Claire Jacquet, directrice du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA et co-commissaire de l'exposition,
par Anne-Frédérique Fer, à Bordeaux, le 4 décembre 2019, durée 15'49". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat :
Sixtine Dubly, Journaliste, auteure et curatrice
Claire Jacquet, Directrice du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA




L’omniprésence des fleurs dans l’art contemporain signe le profond renouveau d’un sujet le plus souvent considéré comme ornemental. La fleur est une matrice puissante qui compose les trois-quarts de la biodiversité végétale, produit l’air, le légume et le fruit. C’est ce lien nécessaire, essentiel que les artistes tels que Bas Jan Ader, Yto Barrada, John Giorno, Suzanne Husky, Jeff Koons, Suzanne Lafont, Thu-Van Tran, Lois Weinberger, et bien d’autres encore, interprètent et réinvestissent aujourd’hui à travers de nouveaux regards.

Et d’abord qu’est-ce qu’une fleur ? Une entité ambivalente, entre force et fragilité, intimité et société. Elle est le sexe de la plante frêle et matricielle. Elle est un enjeu de prédation, par nature politique.

L’exposition Narcisse ou la floraison des mondes qui rassemble une centaine d’oeuvres (vidéo, installation, peinture, dessin, photographie, sculpture) interroge la hiérarchie des genres artistiques et la fabrique du vivant industriel. Elle souligne les nouvelles sources d’inspiration que sont le mouvement écoféministe ou les récentes approches de la philosophie et des sciences. Que ce soit par la morphogénèse, l’« être fleur » ou la pensée sauvage, les artistes multiplient les points de frottements avec cette fleur encore largement inconnue, dont seulement un cinquième a fait l’objet de recherches.

Dès lors, Narcisse n’est pas tant le héros égocentrique qui domine et consume la terre, qu’un humain en pleine métamorphose, pressé de changer pour survivre. Il est celui qui devient fleur et embrasse les contraires. Le Narcisse est la fleur du printemps et du renouveau, celle qui s’ouvre à la floraison des mondes.

Pour cette exposition, des oeuvres inédites de Hicham Berrada, Delphine Chanet, Suzanne Husky, Elodie Pong ont bénéficié d’une aide à la production du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA.






Les chapitres de l’exposition
L’exposition se déroule en une série de chapitres donnant à voir les réflexions qui entourent la fleur. Ils indiquent, par leur thématique et leur titre, une progression dans le récit qui nous mène des conditions de la fleur pour exister jusqu’à son avenir (parmi et avec nous), en passant par ses différents états de métamorphose.


Cosmogonie
Sous ses airs frêles, la fleur est une matrice puissante. La fleur est aux origines des nourritures terrestres mais aussi du sauvage, des cosmogonies, d’une certaine magie. Pourtant, c’est le plus souvent sous un angle angélique, charnel et décoratif qu’elle a été convoquée dans l’histoire de l’art. Cet ornement coloré s’est tout de suite imposé comme un faire-valoir masculin, un reflet féminin, un vivant végétal par nature inférieur. À l’aube du XXIe siècle, l’empreinte visible des activités humaines sur la terre dévoile la fragilité d’une nature qui semblait se régénérer à l’identique à chaque printemps. Cette soudaine menace fait de la fleur une géante dont le caractère sexuel et politique intrigue aujourd’hui les artistes tout en faisant vaciller les certitudes.
Avec : Jef Geys, Marianne Loir, Martial Raysse, Lionel Scoccimaro, herman de vries


Eros, la vie
La fleur est bien le sexe de la plante. Un sexe le plus souvent homme et femme à la fois, hermaphrodite de surcroît. Plus que l’érotisme, la floraison exprime l’incroyable pulsion du vivant, qui a permis aux plantes à fleurs (les angiospermes) de coloniser toute la terre et qui constitue les trois quarts de sa biodiversité. Cet art de butiner le monde ou de se laisser butiner appartient aussi à l’activité de l’artiste qui embrasse les fleurs dont le génie et le façonnage dépassent encore l’entendement humain, mais dont la présence, l’observation, voire la mimésis, constituent déjà une jouissance.
Avec : François Aloujès, Mark Lewis, Patrick Neu, Man Ray


Les troubles du Printemps
À partir du Siècle des Lumières, le registre virginal du langage des fleurs cède la place à des interprétations polysémiques. La femme et la fleur se reflètent l’une l’autre, fragiles et convoitées. Elles sont « objets » et non encore véritablement « sujets ». Au XXe siècle, la fleur est toujours le miroir du regard de l’artiste, le plus souvent masculin. Elle sanctuarise la beauté et le pouvoir, moque la consommation, la séduction et la publicité. Elle vient – dans un abécédaire de moins en moins traditionnellement codifié – militer en faveur des libertés et des questions liées au genre et se retrouve en cette fin de XXe siècle sous une forme plus critique, presque sarcastique, qui préfigure le changement de regard de l’être humain sur la plante.
Avec : Nobuyoshi Araki, Jules Elie Delaunay, Hieronymus Galle, Jeff Koons, Robert Mapplethorpe, Pierre Molinier, Pierre et Gilles, Alain Séchas


Inventaire-Inventeurs
L’exercice de la collecte, et donc de l’herbier, est celui du jardin dans le jardin. Une mise en abîme précieuse et détaillée. Quand il réapparaît à la fin du XXe siècle, son principe demeure, mais sa forme et son concept ont évolué. Il est le plus souvent photographique. Le retour à la matière botanique, à travers la recherche et l’observation, élargit le champ de la création.
Avec : Armand Clavaud, Pierre Joseph, Suzanne Lafont


Une fleur à soi
Si aujourd’hui la fleur n’est plus employée comme faire-valoir d’un homme ou d’une femme, mais choisie par l’artiste pour elle-même, se pose alors à nouveau la question délicate de sa représentation. Que ce soit dans une photographie, une peinture ou une installation, l’artiste tente de transcrire sa vision de la fleur, en dehors des jugements de valeur et des conventions. Ce peut être une diffraction ou une construction, une présence ou une simple vibration cosmique.
Avec : Delphine Chanet, Florence Doléac, Joachim Mogarra, Jean-Luc Moulène, Ida Tursic et Wilfried Mille


La révolte des hortensias
Au XXIe siècle, l’écologie est prégnante, voire oppressante. Introduite physiquement dans les oeuvres par le biais de l’Arte Povera, du Land Art, de l’écoféminisme, l’écologie devient un moteur artistique, un prisme de lecture. Après la forêt, l’arbre, c’est au tour de la fleur, moins sculpturale, plus périssable, et donc moins muséale, de devenir une source d’inspiration, un sujet politique, pour les artistes.
Avec : Bas Jan Ader, Yto Barrada, Suzanne Husky, Kapwani Kiwanga, Majida Khattari, Naufus Ramirez-Figueroa, Marc Riboud, Thu-Van Tran, Suzanne Treister


Les paradis artificiels
La fleur n’a pas échappé à l’industrialisation généralisée du quotidien. Conscients des enjeux liés à la production du vivant, les artistes s’en retournent aux champs, plus largement ils pénètrent les coulisses de la production « florale » en intérrogeant la prédation végétale.
Avec : Xavier Antin, Charles Fréger, Jeff Koons, Mathieu Mercier, Amy Yao


Jungle depuis ma fenêtre
L’idée que l’on se fait de la « vraie » nature (désormais si lointaine, stylisée) n’est plus celle d’un Paradis mais d’une menace. Comment l’apprivoiser à nouveau sous un angle apaisé ?
Avec : Maya Andersson, David Claerbout, Ernest T.


La chambre double
Support revendiqué de la rêverie, la fleur est aussi cette muse phyto-active. Pavot ou cannabis d’un côté, passiflore ou camomille de l’autre. Elle excite ou apaise les sens et les imaginaires artistiques, abolissant les frontières, cette fois entre le réel et la fiction.
Avec : Manuel Álvarez Bravo, Marc Camille Chaimowicz, Jacques Vieille


Le noir floral
La morphogenèse, dont Goethe a eu l’intuition dans « Métamorphose des Plantes » (1790), a été confirmée par la science moderne et constitue un axe de recherche majeur. Elle désigne la capacité de la plante à modeler les différentes parties de son corps au fur et à mesure de sa croissance. Autrement dit, la fleur peut se dessiner elle-même ou co-créer, elle est libre et puissante.
Avec : Hicham Berrada, Josef Sudek


L’être-fleur
L’exercice consiste à tendre vers un état par nature inconnu. Il ne s’agit pas de devenir fleur à travers des expérimentations physiques trop intrusives, mais de faire résonner le mélange floral déjà présent dans le corps humain. Pour cela, l’artiste recherche des voies de traverse, oscille entre abandon et activisme.
Avec : Serge Comte, Sophie Grandval, Suzanne Husky, Elodie Pong, Shimabuku, Lois Weinberger


Politique de la métamorphose
Contre toute attente, le mythe de Narcisse est bien plus intéressant qu’il n’y laisse paraître. Après trois rencontres décisives, le jeune éphèbe se transforme in extremis, devant le Styx, le Fleuve des enfers, symbole des catastrophes écologiques qui menacent. Narcisse échappe à la mort, se réincarne en fleur, réconcilié avec lui-même et le monde. Il embrasse de l’autre côté du miroir les fleurs marines.
Avec : John Giorno, Hugues Reip, Jehan Georges Vibert