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“Senam Okudzeto” We wanted the object to be the subject (before we wanted the reverse)
au Centre culturel Suisse, Paris

du 15 décembre 2019 au 16 février 2020



www.ccsparis.com

 

© Anne-Frédérique Fer, visite de l'exposition avec Senam Okudzeto et Claire Hoffmann, le 13 décembre 2019.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Senam Okudzeto, Portes-Oranges, (2004), détail dans la vidéo de l’installation, (PAL, 4:3, 6:32 min, boucle). Courtesy de l’artiste.
2/  Senam Okudzeto, The Dialectic of Jubilation; Afro Funk Lessons, (2002–2005). Acrylique sur papier, peinture et dessins de craie, dimensions variables, vidéo, 4:3, 9:47 min. Vue d’exposition à la Kunsthalle, Bâle, 2019, photo par Nici Jost. Courtesy de l’artiste.
3/  Senam Okudzeto, Portes-Oranges, Mini Mundus, 2012. Photo Florine Leoni. Courtesy de l’artiste.

 


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Interview de Senam Okudzeto, artiste théoricienne,
et de Claire Hoffmann, responsable de la programmation des arts visuels du Centre culturel Suisse,

par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 13 décembre 2019, durée 22'14". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

commissaire de l’exposition :
Claire Hoffmann, responsable de la programmation des arts visuels du Centre culturel Suisse




Senam Okudzeto (*1972, Chicago, de nationalité anglaise, vit et travaille en Suisse) est artiste, théoricienne et fondatrice d’une ONG pour le soutien d’artistes au Ghana (Art in Social Structures).

Pour sa première exposition personnelle en France, elle présente une sélection d’oeuvres dans une installation qu’elle décrit comme « la plus petite rétrospective de mi-carrière au monde ».

Dans sa pratique de dessins, de sculptures et de vidéos, utilisant la performance et la « plastique sociale », Senam Okudzeto aborde des manifestations ignorées du modernisme et des mouvements d’avant-garde entre le continent Africain et l’Europe à travers un prisme féministe.

Dans l’installation Portes-Oranges (2004–présent) elle intègre des objets trouvés au Ghana, constructions métalliques qui sont pour elle des « objets féministes urbains, propres à l’Afrique, mais pouvant être situés dans le contexte narratif d’objets modernistes »(1). Les portes-oranges, forgés à la main à partir de débris industriels et de métal recyclé, sont fabriqués et utilisés par les femmes au Ghana pour vendre des oranges au bord de la route:

« The work documented a new women’s economy that is tied to African urbanization. The work’s subtext was the need for new images of Africa that are socially critical but don’t perpetuate the idea of Africa as a continent in a state of permanent crisis, be it war, famine, or disease.»(2)

« L’oeuvre documente une nouvelle économie féminine liée à l’urbanisation africaine. De façon sous-jacente, elle nait aussi d’une nécessité de nouvelles images de l’Afrique, socialement critiques mais qui ne perpétuent pas l’idée de l’Afrique comme continent en crise permanente, qu’il s’agisse de guerre, de famine ou de maladies. »(3)

Comme le suggère le titre de l’oeuvre, Senam Okudzeto, y trouve une version féministe africaine du porte-bouteille de Duchamp – les pics phalliques étant remplacés par des cercles, les bouteilles vides (absentes) laissant place à des oranges pleines et comestibles. En les détournant directement d’une utilisation économique comme ready-made, aux formes variables et individuelles, elle soulève des questions d’authenticité et de modernisme liées à l’Afrique. Par cela, Senam Okudzeto propose un point de vue qu’elle nomme « afro-dada », s’inspirant de ce mouvement de l’avant-garde, nourrit de l’absurde et de l’humour, de pratiques magiques et ancré dans une motivation de révolte sociale.

Elle considère cette possibilité de réévaluer et de réinterpréter les choses différemment selon les points de vue comme une « vision en parallaxe », issue de son expérience transnationale, incorporant des contextes culturels et des identités diverses. Ayant grandie à Chicago, au Nigeria et à Londres, de parents Ghanéens et Américains, elle est basée en Suisse et se définit « post- » ou « transnationale » et préfère le terme « post-independence » au plus répandu « post-colonial », disant que ce dernier nierait toute histoire et culture avant le colonialisme tandis que la référence à l’indépendance propose une vision autonome :

« My childhood experience as a culturally mixed political refugee informs my work. I encode biographical experiences and use my knowledge of displacement to convey the fluidity of identities and the ambiguous space between identity and identification. Recent works refer to commodity fetishism; they use material objects to criticize global capitalism through the lens of a transnational African subject. Because there’s a lot of humor in my work, I sometimes think ‹ African Dada › might be a good description. »(4)

« Mon expérience d’enfance en tant que réfugiée politique issue de cultures diverses structure mon travail. J’utilise des expériences biographiques et mon vécu du déracinement pour transmettre la fluidité des identités et l’espace ambigu entre identité et identification. Mes travaux récents font référence au fétichisme de la marchandise; ils utilisent des objets matériels pour critiquer le capitalisme mondial à travers le prisme d’un sujet africain transnational. Parce qu’il y a beaucoup d’humour dans mon travail, je pense parfois que ‘African Dada’ pourrait être une bonne description. »(5)

The Dialectic of Jubilation reprend de manière plus spécifique cette approche transculturelle. L’installation combine des dessins, des modèles et diagrammes à la craie sur un tableau noir, et une vidéo. Ce film, intercalé de passages de danse traditionnelle que l’artiste a filmé au Ghana, documente un workshop collaboratif de danse africaine que l’artiste donne à ses ami.e.s Suisses lors de son 30 ème anniversaire, accompagnée par Yemesi Ransome-Kuti, la cousine du célèbre musicien et activiste nigérien Fela Kuti. Senam Okudzeto souligne ainsi ce potentiel de résistance dans cette approche radicale, collaborative et transculturelle : « We and the collaborators felt ourselves to be participants in act of resistance of racial and cultural division. »(6) Cette installation est liée à une performance-lecture éponyme que Senam Okudzeto présentera lors du symposium Afro-Modernity and Feminist Discourse pour le finissage de l’exposition.

Insérée dans une installation, cette vidéo est aussi en rapport avec l’oeuvre dessinée de Senam Okudzeto : compositions de corps en mouvements, superposés, en interaction tendres ou violentes. Depuis les années 1990, elle intègre le dessin dans un contexte discursif, ayant développé une méthodologie spécifique : le « Conceptual Drawing Workshop » invitant les participants à abandonner une certaine expertise pour se rendre dans des terrains et techniques inconnues. Le « Conceptual Drawing Workshop » a été proposé dans des écoles, des prisons, des universités et écoles d’art en Europe, aux États-Unis et en Afrique de l’Ouest – et dernièrement dans le cadre d’un projet de séminaire et exposition de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy (ENSAPC) à Lagos sur la construction historique et théorique de « l’Afrique » mené par Senam Okudzeto en tant que visiting professor de l’année 2018–2019(7).



1. Interview avec Senam Okudzeto « Portes-Oranges » dans le carde de l’exposition Dada Afrika, Museum Rietberg, Zurich, 13 avril 2016, https://youtu.be/gPi7GSFKc4s.
2. Rosalyn Deutsche, Aruna D’Souza, Miwon Kwon, Ulrike Müller, Mignon Nixonand Senam Okudzeto, « Feminist Time: A Conversation », Grey Room, No. 31 (Spring, 2008), pp. 32-67, p. 21.
3. Ibid. p. 21.
4. Ibid. p. 20. Okudzeto’s parents were forced to leave first Nigeria and then Ghana as political refugees in 1982. They spent 22 years in exile in London.
5. Ibid. p. 20. Les parents d’Okudzeto ont été forcé de partir du Nigeria et ensuite du Ghana en tant que réfugiés politiques en 1982. Ils ont vécu pendant 22 ans en exile à Londres.
6. Senam Okudzeto, « The Dialectic of Jubilation », Black President: the Art and Legacy of Fela Anikulapo-Kuti, catalogue d’exposition, commissaire Trevor Schoonmaker, New Museum, New York, 2003, p. 170.
7. « Counter-histories of a continent », https://www.ensapc.fr/en/actualite/counter-histories-of-a-continent-conceptual-drawing-workshop-research-and-art-exhibition-in-nsukka-abeokuta-and-lagos