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“Brognon Rollin” L’avant-dernière version de la réalité
au MAC VAL, musée d'art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine

du 7 mars au 30 août 2020



www.macval.fr

 

© Anne-Frédérique Fer, présentation presse, le 5 mars 2020.

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Légendes de gauche à droite :
1/  Brognon Rollin, Famous People Have no Stories (Géricault), 2013. Photographie noir et blanc, impression jet d’encre, 45 x 35 cm.
2/  Brognon Rollin, Cosmographia (Île de Gorée), 2015. Vidéo couleur, son, 7'31".
3/  Brognon Rollin, Until Then (Saint-Savinien), 2018. Performance, durée variable. Photo © Origins Studio, Paris.

 


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Interview de Stéphanie Rollin et de David Brognon, pour le duo Brognon Rollin,
par Anne-Frédérique Fer, à Vitry-sur-Seine, le 5 mars 2020, durée 20'45". © FranceFineArt.

 


extrait du communiqué de presse :

 

Commissariat : Julien Blanpied et Frank Lamy



En cette quinzième année d’existence, le MAC VAL est particulièrement heureux de programmer la première exposition mononographique muséale en France de deux jeunes artistes engagés, David Brognon et Stéphanie Rollin. Ce duo, actif depuis 2006 et déjà intégré dans la collection du MAC VAL, plonge avec autant de ferveur dans la théorie de l’art que dans l’adhésion au monde des humains. Au travers de leurs multiples projets révélant une distance poétique, les deux artistes condensent des narrations enchevêtrées qui s’inscrivent dans l’histoire de l’art minimal et conceptuel. Sous l’intitulé « L’avant-dernière version de la réalité » (emprunté à Borges), cette monographie réunit de nouvelles productions et des oeuvres existantes autour d’une réflexion sur le temps, sa perception, sa relativité, son déroulement, ses liens à l’espace.... L’enfermement (les addictions, les prisons, les îles, les territoires occupés, etc.) constitue également l’un des fils rouges de l’exposition, portée par un questionnement aussi simple que vertigineux : « Le réel est-il soluble dans sa représentation ? »

Loin d’un travail d’atelier, celui de Brognon Rollin se construit sur le terrain et le duo se lance des défis comme force de travail, avec une constance presque obsessionnelle. David Brognon et Stéphanie Rollin vivent leur art comme une expérience, une immersion, une rencontre humaine. Car c’est bien l’humain qui est au centre de leur démarche artistique, même si les oeuvres finales en sont souvent exemptées. L’humain devient un matériau, les rencontres et le collectif un moteur, les chemins de traverse qu’ils empruntent font partie intégrante de l’oeuvre, ils en sont la source, le concept et le sujet même.

Les deux artistes, qui se plaisent au décloisonnement des idées comme des moyens, adaptent le medium en fonction des projets ; ceux-ci évoluant au fur et à mesure des rencontres, des contraintes, du temps, des événements politiques. Leur travail est polymorphe – installations, sculptures, vidéos, séries photographiques – et les oeuvres présentées dans l’exposition « L’avant-dernière version de la réalité » au MAC VAL proposent une plongée dans leur univers singulier à l’esthétique minimale qui cristallise avec justesse et distance leur perception du temps et de l’espace.

Si les oeuvres de Brognon Rollin sont épurées, synthétiques, conceptuelles, elles reflètent un long processus de création, entre analyse sociale et immersion sur le terrain, et proposent plusieurs niveaux de lecture. Ces artistes conceptuels humanistes, contemplatifs actifs, prélèvent les choses invisibles du quotidien pour les rendre perceptibles. Obnubilés par les périmètres clos, ils s’intéressent au sens, à la conception et à la mesure du temps, particulièrement chez les personnes qui subissent l’attente et l’enfermement (géographique, physique, mental, psychique).

En mettant leur corps et leur investissement au service de leurs créations pour toucher au plus près leur sujet, ils s’immergent dans des lieux où les gens ne vont pas mais qui ramènent à l’humanité.

Ils dressent ainsi une analyse sociale par les Hommes, leurs fractures, leurs lignes de vie, leurs destins, qui prend source dans des zones de conflits ou de non droits, des sites géographiques délimités et chargés d’histoire, des lieux symptomatiques de l’enfermement physique et psychique, et dans des rencontres et des attentions particulières portées vers les populations vulnérables, marginalisées voire parfois invisibles.

En prenant la mesure de notre époque, Brognon Rollin explore les systèmes d’emprisonnement de la société et touche à ses limites, qu’elles soient géographiques, politiques ou existentielles. Géopolitique, religion, incarcération, euthanasie, addiction, autant de préoccupations sociales, politiques, de sujets sur le fil, traités avec précision et subtilité. Avec mélancolie parfois, l’énergie contrainte et la poésie de l’urgence témoignent de la difficulté de certains d’être au monde et des possibilités de conjurer la fatalité.

Et d’un détail, il touche l’universel.






Texte de Julien Blanpied et Frank Lamy, commissaires de l’exposition

Le MAC VAL propose la première exposition monographique muséale du duo d’artistes Brognon Rollin (né.e.s respectivement en 1978 et 1980, en Belgique et au Luxembourg), réunissant oeuvres existantes et nouvelles productions.

Derrière ce titre, emprunté à Borges, se développe une interrogation simple et néanmoins vertigineuse : Le réel existe-t-il en dehors de ses représentations ? Qu’en est-il du temps et de sa perception ? De sa relativité ? De sa dimension spatiale ? Comment donner forme à l’expérience de la durée ? De l’attente ? Du suspendu ? De l’équilibre ?

Les projets de Brognon Rollin condensent des narrations enchevêtrées qui s’inscrivent dans l’histoire de l’art minimal et conceptuel. Combinant symboliques, faits, objets, anecdotes, a priori disjoints et parfois rocambolesques, les oeuvres sont fortement polysémiques, supports à dérouler des lignes de fuite empreintes de mélancolie et de poésie. Ce que l’on voit n’est que la partie émergée de l’iceberg. Une horloge se fige à l’approche du spectateur dans l’espace contraint d’une cellule (8m2 Loneliness) ; un line sitter occupe l’espace du musée jusqu’au départ volontaire d’une personne en fin de vie (Until Then) ; le duo décalque l’île de Gorée à échelle 1 pour l’enfermer fragment par fragment dans une étagère (Cosmographia) ; à Jérusalem, sur un terrain de foot à la géométrie contrariée, des enfants calculent le juste emplacement du rond central (The Agreement).

Attente, enfermement, statu quo et fragilité des frontières sont au cœur de leurs obsessions, les conduisant à explorer les espaces intermédiaires : addictions, sacré, prisons, îles…

Le duo, en déplaçant ces curseurs, en mobilisant un changement de perspective, postule qu’une chute peut sembler à un envol et inversement. Une poursuite de théâtre surplombant l’exposition ne dévoile aucun spectacle. La résilience est-elle un jeu d’enfant ? Les statues ont-elles une vie ? Y a-t-il quelque chose de nouveau sous le soleil ? Que se passe-t-il quand mes yeux regardent ailleurs ?

Entre Philip K. Dick, Stefan Zweig et Jorge Luis Borges, David Brognon et Stéphanie Rollin explorent les interstices du temps. Les oeuvres de l’exposition se donnent à expérimenter comme autant de failles spatio-temporelles et au final engagent une méditation sur la disparition programmée de toute chose.

Julien Blanpied et Frank Lamy, commissaires de l’exposition