extrait du communiqué de presse :
commissaire de l’exposition : Michaël Houlette, directeur de la Maison de la Photographie Robert Doisneau.
La programmation de la Maison Doisneau a, jusqu’à ce jour, présenté les oeuvres choisies de certains auteurs : Homer Sykes, Lena Gudd, Franck Landron, Francesca Woodman, Jean-Christophe Bechet, pour ne citer qu’arbitrairement des noms. Elle a également exploré des thématiques et des lieux (des photographies d’amateur trouvées, des images de la reconstruction d’après-guerre, etc.). Mais dans ce programme qui tente néanmoins de définir une certaine philosophie de l’image, plaçant l’être humain au coeur de ses prospections, manquait encore un acteur pourtant essentiel : le photographe lui-même. Curieusement, l’être bien vivant derrière son objectif, avec sa singularité, ses tentatives et ses échecs n’a pas encore fait l’objet d’une étude ni d’une véritable monstration depuis l’ouverture de la Maison Doisneau en 1996. Et il n’a pas été question non plus de cet élan, du souffle premier qui pousse certains individus à s’engager corps et âme et à faire de la photographie ce geste éminemment central pouvant donner forme à leurs envies ou, le plus souvent, à leurs incertitudes. Trouer l’Opacité est donc une curieuse et inhabituelle invitation à opérer un retournement. Partant des photographies, ces bribes de réel enregistrées et restituées à travers des images, les regardeurs que nous sommes vont suivre un fil bien ténu, inversant le cours des choses pour remonter jusqu’à cet « avant » la photographie, jusqu’aux domaines de la sourde inspiration. C’est la genèse humaine de l’image en quelque sorte qui va se dessiner ainsi car en regardant des photographies, ce sont trois photographes que nous allons regarder.
Il existe un lien indicible, magique presque, entre les trois personnalités qui se sont rencontrées à l’occasion de cette exposition. Sans doute faut-il préserver un certain mystère sur ce qui unit Angéline Leroux, Laure Samama et Laure Pubert. Sachons qu’elles ont exercé ou exercent encore un tout autre métier que celui de photographe: l’une est hypnothérapeute, l’autre est architecte, la troisième est docteur en droit. Toutes trois sont autodidactes et ont pourtant fait de la photographie un acte essentiel dans leurs vies.
Auteures peu exposées jusqu’à présent, elles ont pris des chemins de traverses avec ce medium et l’utilisent même à contre-courant à travers une démarche volontairement esthétique. À l'instar de Malou, le personnage aveugle photographié par Laure Samama ou à l’image de Mona, posant pour Laure Pubert la tête enceinte d’un heaume de plastique, chacune avance mains tendues vers le hasard pour se saisir du tangible et donner essence à ses interrogations.
Par essence, il faut entendre un dehors (ce qui se présente à leurs regards) mais aussi à part égale, un dedans (ce qui se trouve derrière le regard). Chacune des images de ce projet présente un état des lieux mais aussi un état du corps. Il y a une communauté d’attitudes chez ces trois auteures, une clairvoyance partagée des enjeux qui se trament derrière leurs actes. Elles cultivent l’art d’observer d’imperceptibles mouvements, partagent cette même écoute du corps pris dans sa relation au réel, pour essayer d’atteindre à leurs façons cette part de vérité individuelle. Avec intégrité, profonde honnêteté envers elles-mêmes, elles tâchent d’écrire par la photographie ce fascinant monologue : elles racontent l’indéfinissable manière que nous avons tous d’habiter ce monde.
Composée d’une soixantaine d’épreuves originales, l’exposition s’organisera en trois parties : Trouer l’Opacité - Laure Samama L’imprévisible comme méthode - Angéline Leroux L’image antérieure - Laure Pubert
Angéline Leroux est thérapeute et plasticienne. Elle a travaillé auprès de l’artiste Laura Lamiel en tant qu'assistante et partage désormais son temps entre la Seine-et-Marne et la Normandie. Elle s'intéresse aux phénomènes liés à la perception et à la conscience et transpose ses découvertes d'une discipline à l'autre. Elle a fait rentrer l'hypnose à la galerie Artyfact, invitant le public à participer à des voyages hypnotiques autour d'oeuvres exposées. Elle a cofondé la revue d'art et d'esthétique Tête-à-tête en 2011, composée exclusivement d'entretiens de fond autour d'un thème commun.
Laure Pubert vit et travaille à Paris depuis 2014. Elle a d’abord exercé en tant que chercheur en droit public avant de se consacrer entièrement à la photographie, mue par la nécessité de se positionner dans son travail de création. Aujourd’hui sa démarche questionne ses connexions avec le réel en tant que matière vivante. L’acte photographique devient lui-même matière, origine et fin. Les traces chaotiques de l'occupation du temps et de l'espace y trouvent une dimension créative. Elle est représentée par l’agence révélateur, Paris.
Laure Samama est photographe, écrivain et architecte. Elle vit et travaille à Paris. Elle a exercé en tant qu’architecte pendant plusieurs années avant de se tourner vers la photographie et l’enseignement. Elle s’intéresse aux lieux, porteurs d’histoires, dans lesquels elle décèle des instants de grâce. Elle utilise également la vidéo ou l’écriture comme moyen d’expression. Elle a notamment publié Ce qu’on appelle aimer aux Editions Arnaud Bizalion. La BNF a acquis ses livres d’artiste en 2017. Elle a exposé à la galerie Vu’, au Bleu du Ciel, au Musée de l’éternelle et la galerie Immix.
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