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Livres

 

“Dark Knees”    Photographies de Mark Cohen
 Éditions Xavier Barral, septembre 2013

 

www.exb.fr

 

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légendes de gauche à droite
1/ Couverture de Dark Knees, Mark Cohen (Éditions Xavier Barral, 2013).
2/ Portrait de Mark Cohen lors de la présentation presse de l’exposition Dark Knees au Bal, Paris le 26 septembre 2013. © Anne-Frédérique Fer.
3/ © Mark Cohen, Bubblegum, 1975. Extrait de Dark Knees, Mark Cohen (Éditions Xavier Barral, 2013).
4/ © Mark Cohen, Girl holding blackberries, 2008. Extrait de Dark Knees, Mark Cohen (Éditions Xavier Barral, 2013).

 


texte de Clémentine Randon-Tabas, rédactrice pour FranceFineArt.


Ce livre accompagne l’exposition du Bal, Dark Knees, qui présente le travail du photographe Américain Mark Cohen. Il est co-édité par le Bal et les éditions Xavier Barral.

Depuis quarante ans, Mark Cohen arpente avec son appareil les rues de sa petite ville de Wilkes-Barre en Pennsylvanie. Il prélève des fragments de corps et d’espace, qui loin de chercher à représenter, construisent un récit poétique et étrange proche du surréalisme. On parcourt ce petit livre rouge à l’horizontale. Très peu de texte, seulement les titres des photographies, comme écrits à la main, viennent ponctuer le défilement des images. Mark Cohen, l’appareil au niveau de la hanche, photographie de près, de très près. C’est le franchissement de l’espace privé de l’autre, la mise en danger et l’anxiété qui en résultent qui l’intéressent. Lorsque Mark Cohen a effectué ses premiers tirages d’exposition, il a choisi la taille maximale de l’époque, mais les aurait aimés encore plus grands. Peut être pour que la confrontation avec les images soit plus forte. Ici aussi, les images prennent tout l’espace de la page. Mark Cohen cherche à entrer en collision avec son sujet et, il semble bien, avec notre regard.

Clémentine Randon-Tabas

 


Photographies, Mark Cohen
Texte, Vince Aletti

Je suis devenu un surréaliste. Par la force des choses. Je déambulais encore et encore dans les mêmes rues alors je me suis mis à prendre en photo la chaussure d’un type. Je ne savais pas exactement ce que je faisais. Je me laissais simplement happer par ce qui était là, devant mes yeux.

Mark Cohen, figure majeure de la streetphotography depuis les années 70. Il n’a cessé de photographier sa ville natale, Wilkes-Barre en Pennsylvanie et ses environs. Ce premier ouvrage en français sur son travail accompagne l’exposition rétrospective présentée au BAL cet automne, du 27 septembre au 8 décembre 2013. L’exposition est coproduite avec le Nederlands Fotomuseum à Rotterdam qui aura lieu du 8 novembre 2014 au 11 janvier 2015.

Une approche singulière issue de la street photography
Mark Cohen découvre la photographie à l’âge de 13 ans lorsqu’il reçoit son premier appareil photo et installe une chambre noire dans le sous-sol de sa maison. Sa découverte de Images à la sauvette (1952) de Henri Cartier-Bresson sera déterminante pour la suite de sa carrière. Il étudie auprès de Harry Callahan et Aaron Siskind à la Rhode Island School of Design, voyage un peu mais décide rapidement de se concentrer sur sa ville natale. Sans intention documentaire, il garde pendant plus de quarante ans la distance d’un étranger, toujours alerte. Sur une impulsion de quelques fractions de seconde, Mark Cohen s’approche très près de ses sujets et les prend au vol parfois éblouis par la lumière artificielle du flash. En couleur et en noir et blanc, ses clichés pris à bout de bras, la plupart du temps sans viser, prélèvent des fragments de gestes, de postures ou de corps. On observe par exemple de nombreux torses sans visage, des mains, des pieds, des paires de jambes ou simplement des genoux qui semblent déborder du cadre. De par cet agencement fulgurant de lignes, il se dégage de ces images une énergie nerveuse et une étrangeté du quotidien.

 

Extrait du texte du livre par Vince Aletti, août 2013

Il y a une énergie brute, enragée dans le travail de Mark Cohen qui semble presque désespérée, voire menaçante. Son appareil, tenu à bout de bras, surgit si près de ses sujets qu’il taille les corps par des plans serrés de genoux, de cous, de torses nus, de poings fermés. Même ses natures mortes paraissent fragiles, instables. Cette cuillère, cette carte à jouer, ce pain blanc, cette neige sale, pourquoi nous sont-ils si étrangers ? À l’instar de Luis Buñuel et de David Lynch, Cohen voit un monde qui ne tourne pas rond. Chez lui, la réalité quotidienne se révèle incertaine et les objets les plus ordinaires, inquiétants.

[…]

Le travail de Mark Cohen possède aussi de réelles affinités avec la photographie vernaculaire, ces images anonymes, hors circuit, qui ont quitté ces dernières années les étals des brocanteurs pour faire leur entrée au musée. Ces anomalies visuelles qui suscitent l’intérêt des collectionneurs – cadrage décentré, image penchée, gros plans inquiétants – ont fini par constituer le phrasé si singulier de Mark Cohen. Il est principalement la conséquence de son rythme de travail fulgurant, en rafale. « Mes photographies sont vraiment accidentelles, insiste Cohen, parce que c’est comme ça que je les prends. Le flash rend les négatifs presque impossibles à tirer. Mes prises de vue sont totalement improvisées et aléatoires. Je vais très vite, la lumière est probablement mauvaise, et le gamin détale ou la vieille dame tourne au coin de la rue… »

[…]

Ce n’est pas un hasard si Cohen a décidé de faire de ces accidents une marque de fabrique.

[…]

S’échapper dans les rues de Wilkes-Barre pour faire avec brio des images brutales, sidérantes – des images qui n’avaient à plaire à personne d’autre que lui-même – était de toute évidence libérateur. Dégagé des contraintes de la pose conventionnelle, du cadre figé, du sujet poli, il pouvait laisser libre cours à ses audaces, s’y abandonner. Ainsi, sa réaction à l’Autre est poussée à son degré le plus ultime. Il sait bien qu’il y a quelque chose de perturbant dans ses images. Il est trop près, beaucoup trop près, mais c’est justement cela qui est passionnant dans son travail. Ses images ne nous laissent aucun répit, aucune certitude. Devant elles, comment prétendre que nous savons ce que nous faisons ici ? Comme Mark Cohen, nous sommes bien en terrain connu, et pourtant nous demeurons toujours étrangers sur une terre étrangère.

Vince Aletti, août 2013

 

Mark Cohen

Né en 1943 à Wilkes-Barre, petite ville minière de Pennsylvanie. En 1969, il participe à l’exposition collective Vision and Expression, présentée à l’International Museum of Photography de Rochester. En 1971, il obtient une bourse du Guggenheim pour poursuivre son travail sur Wilkes-Barre et ses alentours. En résulte Grim Street exposé au Musée d’Art Moderne de New York dès 1973. En 1975, William Jenkins lui donne carte blanche pour produire une série de photographies couleur. True Color est exposée à la George Eastman House l’année suivante. En 1975 également, il reçoit une bourse nationale pour les Arts et la photographie et en 1976, pour la seconde fois, la bourse du Guggenheim.
Son travail a été présenté dans de nombreuses institutions à travers le monde et plus largement aux États-Unis au Whitney Museum of American Art de New York, à la Corcoran Gallery of Art de Washington, à l’Art Institute of Chicago et récemment au Philadelphia Museum of Art.
Trois monographies ont été consacrées à son travail : Grim Street (powerHouse Books, 2005), True Color (powerHouse Books, 2007), et Italian Riviera (Punctum Press, 2008).
Mark Cohen vit et travaille à Philadelphie. Il est représenté par la Galerie Bruce Silverstein à New York et ROSEGALLERY à Los Angeles.


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