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Livres

 

“Camp de Rivesaltes, Lieu de souffrance” photographies de Flore

André Frère Editions

 

www.flore.ws
www.andrefrereditions.com/livres/nouveautes/camp-de-rivesaltes-lieu-de-souffrance/

 

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légendes de gauche à droite
1/ Couverture de Camp de Rivesaltes, Lieu de souffrance de FLORE, André Frère Editions.
2/ FLORE, autoportrait sur le camp.

 


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Interview de Flore,
par Anne-Frédérique Fer, à Paris, le 22 octobre 2018, durée 20'07". © FranceFineArt.
(erratum : vers 17'30" quand FLORE évoque le camp d'internement de Drancy, il s'agit du camp de concentration de Dachau)

Dans l'entretien réalisé le 22 octobre 2018, nous évoquons avec Flore son actualité avec notamment sa nomination au Prix de Photographie Marc Ladreit de Lacharrière en partenariat avec l'Académie des beaux-arts. Une semaine après, le 30 octobre 2018, Flore a été annoncée lauréate du Prix 2018 pour son projet "L’odeur de la nuit était celle du jasmin" qui sera une suite de "Lointains souvenirs" où Flore souhaite, entre Viêt Nam et Cambodge, repartir plusieurs mois pour réaliser une nouvelle série inspirée par d’autres textes de Marguerite Duras.

 



« J ’ai embrassé toutes les peines, toutes les souffrances vécues dans ce camp et dans ces autres camps dont il ne reste presque pas de traces, sinon celles laissées dans les mémoires, et je les ai réunies dans mon coeur. Sans aucun distinguo de races, d’appartenances politiques ou religieuses. Comme une seule grande plainte. Ces photographies sont l’écho de cette unique et insoutenable plainte qui me parvient chaque fois que j’entre dans le camp de Rivesaltes ». FLORE


Le camp de Rivesaltes
Situé dans le sud de la France près de Perpignan, le Camp de Rivesaltes est le plus grand camp d'internement d'Europe de l'ouest, qui recouvre trois guerres : une guerre civile, une guerre mondiale et une guerre coloniale. À partir de 1941, les 600 hectares du site militaire Joffre accueillent une dizaine de milliers de républicains espagnols fuyant la dictature de Franco. À la même époque, Rivesaltes sert de camp d'internement pour quelque 5.000 juifs (la moitié sera déportée en Allemagne) et des tsiganes puis des collaborateurs ou des prisonniers de guerre. Vingt ans plus tard, plus de 20.000 harkis y logeront au sortir de la guerre d'Algérie, avec d'autres rapatriés de la décolonisation, venus de Guinée ou d'Indochine notamment. Jusqu’en 2005, une petite partie du Camp était un Centre de rétention pour les réfugiés expulsables. En résumé, tous les "indésirables" du XXe siècle sont passés par Rivesaltes.



« FLORE s’est refusée à faire de l’esthétique sur les lieux de crime. Pourtant ces photos sont exceptionnelles. Étonnante contradiction qui tient au pari qu’elle a fait, au défi qu’elle a relevé : il s’agit bien de rendre compte d’un espace-temps, d’un lieu qui s’impose à tout visiteur, et d’une temporalité longue qui s’inscrit dans le paysage.

La démarche n’est pas sans rappeler le geste architectural majeur de Rudy Ricciotti, celui qui a conçu le mémorial du Camp de Rivesaltes : il avait compris qu’il ne s’agissait pas d’imposer son bâtiment au lieu mais que le lieu s’imposai t au bâtiment. D’où un mémorial aux deux-tiers enterré qui part du ras du sol et qui, 200 mètres plus loin, atteint le niveau du faîte des baraques.

La force du lieu est déjà porteuse d’émotions. Il reste aux artistes et aux scientifiques à donner un sens à ces émotions, à les appuyer sur une connaissance de cette histoire, de ces histoires, car l’effet de sidération si classique du choc émotionnel ne donne aucune clé d’analyse, aucune possibilité d’interprétation. FLORE est allée au-delà. Je l’ai connue très rapidement après ma "rencontre" avec le projet de mémorial. (…) J’ai croisé FLORE à plusieurs reprises dès les années 2000. Elle arpentait le camp, à la recherche de traces, d’images, de paysages, comme si elle sentait l’urgence d’une telle médiation, d’une telle inscription-conservation.

Il est vrai que le camp de Rivesaltes a une particularité exceptionnelle : alors même qu’on compta plus de 200 camps d’internement dans la France des années noires, entre 1938 et 1946, il s’agit du seul cas où subsistent dans le paysage même de telles traces. Il y a bien sûr d’autres lieux de toute première importance, comme Drancy, le centre de transit de la déportation des Juifs de France, ou comme les Milles (près d’Aix-en- Provence), qui abritent des mémoriaux majeurs. On y retrouve même des graffitis ou des fresques d’époque. Mais les bâtiments ont été détruits ou ont simplement retrouvé leur fonction initiale, qui un HLM, qui une tuilerie. Quand on connaît cette histoire, la charge émotionnelle est maximale ; quand on repère ces traces, on retrouve l’épaisseur de l’histoire. À Rivesaltes, la seule errance dans un paysage de baraques délabrées, dans un horizon sans fin, permet d’imaginer ce que cela peut être. Mais peut-on vraiment l’imaginer ?

Ce camp a pour particularité de traverser les deux grandes tragédies de la deuxième moitié du vingtième siècle en France : la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Algérie.

Il y eut en particulier l’internement administratif de Juifs, d’Espagnols et de Tsiganes pendant la guerre et la déportation des Juifs dans un site devenu, deux mois durant, le camp interrégional de déportation de la zone sud, entre septembre et novembre 1942. Rappelons que l’internement administratif vise des personnes non pour le crime ou le délit qu’elles ont commis, mais pour le danger potentiel qu’elles représentent pour la société ou l’Etat, à la seule décision (administrative) de l’État.

Il y eut la guerre d’Algérie avec les troupes qui passèrent par ce site immense de quelque 600 ha, avec même des prisonniers FLN enfermés là quelques mois et, bien sûr, car le site est connu pour cela, les quelque 22.000 harkis, ces supplétifs de l’armée française en Algérie, qui se retrouvèrent d’abord dans ce camp de relégation, entre 1962 et 1964, après la signature des accords d’Évian, puis, pour certains, dans des hameaux de forestage, au point que certaines familles étaient encore présentes sur les lieux au début des années 1970. Et nous n’évoquons pas les autres populations passées ici, comme des prisonniers de guerre allemands à la Libération ou, bien près de nous, des migrants expulsables enfermés dans un centre de rétention. Mais toutes ont en commun d’être des personnes déplacées contre leur gré et d’être là, longtemps rejetées, considérées comme indésirables.

C’est en fait de tout cela dont nous parlent les photographies de FLORE. Regardez-les bien. Vous mesurerez la force de l’art pour comprendre le réel de la souffrance et de l’exclusion. »

Denis Peschanski, Directeur de recherche au CNRS, Président du conseil scientifique du Mémorial du Camp de Rivesaltes



Camp de Rivesaltes, Lieu de souffrance, c’est aussi une exposition :
à La Photo Doc. Galerie, Hôtel de Retz, 9 rue Charlot, 75003 Paris,
à voir du 16 octobre au 24 novembre 2018.
Une exposition de Flore réalisée en partenariat avec la Galerie Sit Down, Paris qui représente l’artiste en France.

www.photodocparis.com
www.sitdown.fr



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3/ et 5/ FLORE, Je me souviens de vous. © FLORE, courtesy galerie Sit Down.
4/ FLORE, Loin de l’Espoir. © FLORE, courtesy galerie Sit Down.